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FILMS / CRITIQUES

Etreintes brisées

par 

- Le cinéaste espagnol oscarisé rend hommage à son propre cinéma dans un drame passionnel mâtiné de thriller et de touches comiques qui est à cette date son film le plus ambitieux

Il existe peu de cinéastes de renommée internationale (ayant de surcroît prouvé leur attrait commercial) qui osent s'exprimer de manière viscérale. Lars Von Trier en fait partie ; feu Krzysztof Kieslowski également. Dans leur lignée dramatique de ces derniers, Pedro Almodóvar s'aventure ici dans un mélodrame intense, énigmatique et douloureux qui renvoie à Douglas Sirk (et ses contemporains dans le domaine du film noir : John Huston, Jacques Tourneur, Howard Hawks...) sur la base d'un scénario entièrement émotionnel étoffé d'une photographie colorée (signée par le Mexicain Rodrigo Prieto), d'une musique triste (composée par Alberto Iglesias) et d'un casting de prestige (Lluis Homar, José Luis Gómez et Blanca Portillo) mené par son actrice fétiche, la radieuse Penélope Cruz.

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Avec un budget de 12 millions d'euros pour un tournage de près de quatre mois employant une équipe de 175 personnes qui s'est déplacé jusqu'aux sables bruns de l'île de Lanzarote (dans les Canaries), Almodóvar nous livre un torrent de sensations structuré comme un puzzle d'une durée d'un peu plus de deux heures qui captivera les admirateurs du réalisateur de Volver [+lire aussi :
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, tirera des larmes aux plus sensibles et fera rire jusqu'à ceux qui ne connaissent pas encore la facette la plus cocassement transgressive de ce cinéma (qu'Almodóvar a beaucoup cultivée dans les années quatre-vingt).

Dans Etreintes brisées [+lire aussi :
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fiche film
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, le cinéaste parvient avec brio, harmonie et élégance à combiner trois genres (drame, comédie et thriller) sans qu'en pâtissent ni le mystère, ni l'humour, ni le ton et ni surtout l'émotion. Cette réussite doit beaucoup à un scénario aussi passionnant que celui de Attache-moi ! avec des dialogues dignes de Femmes au bord de la crise de nerfs et une énigme à résoudre – terrible conséquence de la faiblesse de la condition humaine comme, par exemple, dans La Loi du désir.

Pour que le spectateur se prenne au jeu des thèmes qui le tarabustent (jalousie, fiction, vengeance, désir, paternité...), Almodóvar a articulé le conflit central autour d'un metteur en scène de cinéma, Mateo Blanco (interprété par Lluis Homar), devenu aveugle après un accident fatal qui lui a coûté non seulement la vue mais aussi l'amour de sa vie. Cette tragédie l'amène à changer de vie et de nom (il se fait appeler Harry Caine) mais son existence reste entourée de mystère malgré le temps qui est passé. L'arrivée d'un jeune homme riche et capricieux (Rubén Ochandiano) désireux de travailler avec lui rouvre les plaies du passé ainsi que la boîte noire où se trouvent toutes les réponses qu'il lui faudra trouver pour que perdure son amour pour le cinéma et, à travers la pellicule, pour la vie même.

Le film évoque donc une existence brutalement fragmentée (comme les photos déchirées d'un temps qui ne reviendra pas) après la passion que le héros a vécu avec l'actrice Lena Rivero (Penélope Cruz) – mariée à un magnat, Ernesto Martel (José Luis Gómez), qui a tellement peur de la perdre qu'il produit le film de Mateo pour qu'elle soit en tête d'affiche – et sa fin tragique, où la fidèle et résignée assistante du réalisateur, Judith (Blanca Portillo), a sa part. Sur la base de ces éléments dignes d'un feuilleton télévisé, Almodóvar construit un hommage sophistiqué au septième art et à son propre cinéma. Quitte à pêcher par égocentrisme, il nous offre ainsi par des clins d'oeil complices le plaisir de parcourir sa filmographie et, surtout, parvient à communiquer au spectateur son irrépressible passion pour ses films préférés, ses personnages extrêmes et les passions démesurées. Le style d'Almodóvar s'exprime ici dans toute sa plénitude.

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(Traduit de l'espagnol)

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