email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FANTASIA 2022

Critique : Megalomaniac

par 

- Karim Ouelhaj signe une fantasmagorie résolument gore mais esthétiquement saisissante sondant les profondeurs les plus noires de l’âme humaine

Critique : Megalomaniac
Benjamin Ramon dans Megalomaniac

Karim Ouelhaj présentait cette semaine en avant-première mondiale et en Compétition officielle au Festival Fantasia à Montréal son quatrième long métrage, Megalomaniac [+lire aussi :
interview : Karim Ouelhaj
fiche film
]
. Le cinéaste belge s’est fait remarquer en 2005 avec son premier long métrage, Parabola [+lire aussi :
critique
fiche film
]
, sélectionné aux Giornate degli Autori à Venise. Le film est le premier volet d’une trilogie sociétale (formée également de Le Repas du Singe et Une réalité par seconde) sur fond de violences faites aux femmes. En 2016, son court métrage L’Œil Silencieux remportait le prestigieux Méliès d’or au Leeds International Film Festival.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Avec Megalomaniac, il livre une fantasmagorie cauchemardesque convoquant le fantôme de l’un des criminels belges les plus terrifiants, le dépeceur de Mons, monstre anonyme ayant sévi dans les années 90, jamais identifié. Sa signature ? Une prédilection pour les femmes seules et fragilisées, découpées en morceaux, éparpillées dans des sacs poubelles abandonnés au bord des routes. Un boucher, en somme.

Et c’est justement par une boucherie que débute le film, ou plutôt, par un accouchement singulièrement violent. On y tremble auprès d’une mère aux yeux injectés de sang, un père au regard effrayant, un jeune garçon auquel on confie le bébé. Karim Ouelhaj a imaginé le destin impossible de la descendance du dépeceur de Mons.

Qu’est-ce que l’on hérite des monstres, que nous transmettent-ils ? Nous lèguent-ils un destin de bourreau, de victime ? Martha vit avec son frère absent dans une maison forcément hantée. On comprend vite qu’il n’y a pas que la maison qui est hantée. Le regard de Martha l’est aussi. Jeune femme inconfortable, comme empêchée par son corps, elle est la cible des humiliations et des violences, et peut-être pire encore, de l’indifférence de ses collègues de travail. Son frère Felix, tellement blanc que l’on en vient à douter qu’il soit vraiment vivant, erre tel le légataire récalcitrant d’un héritage qui l’accable.

Megalomaniac est un film viscéral à bien des égards : viscéral dans sa façon d’embrasser l’horreur, d’exposer les corps ; viscéral dans sa façon d’explorer les peurs les plus profondes et les plus irraisonnées de l’homme. Sur le plan esthétique, le cinéaste et son chef opérateur François Schmitt composent une succession de tableaux gores aussi sublimes que repoussants, mémorables et fascinants. Sur le plan narratif, à travers le destin contrarié des victimes du dépeceur, mais aussi de Martha, victime opérant une irrésistible mue pour se transformer en bourreau, le film adresse la façon dont le corps des femmes est objectivé, morcelé, sacrifié par la prédation constante dont il fait l’objet. Et à travers les velléités de résistance de Felix, qui pourtant succombe aux pulsions dont il a héritées, le film illustre aussi la façon dont les hommes peuvent être broyés par un système létal.

C’est ainsi une allégorie à l’hémoglobine du vortex patriarcal qui emporte tout sur son passage qui se déploie dans les couloirs et les pièces aux volets fermés de cette maison de l’horreur, portée par la performance plus qu’habitée d’Eline Schumacher, sorte d’Elisabeth Moss belge, qui oscille entre délires schizophrènes et aveux terrifiants, distillant quelques pointes d’un humour noir et glaçant. A ses côtés, Benjamin Ramon incarne un Felix, frère mort-vivant redoutablement convaincant.

Megalomaniac est produit par Okayss et Les Films du Carré. Les ventes sont gérées par XYZ Films pour l’Amérique du Nord et Media Move.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy