email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2022 Un Certain Regard

Critique : Burning Days

par 

- CANNES 2022 : Dans ce film dramatique bouillonnant par Emin Alper, un procureur de province est pris de court par la corruption du lieu

Critique : Burning Days
Selahattin Paşali (à gauche) et Ekin Koç dans Burning Days

Dans Burning Days [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Emin Alper
fiche film
]
, le dernier film du Turc Emin Alper, un procureur assiste au déclin progressif d’une petite ville pittoresque et reculée de Turquie. À peine arrivé, Emre (Selahattin Paşali), tellement innocent et empesé qu'il pourrait être fraîchement sorti de son emballage, est accueilli à Yaniklar (un lieu fictif inventé pour le film) par, quoi d'autre, qu'une chasse au sanglier à belle réelle. Alper a évoqué la ressemblance de son histoire avec d'autres. Les spectateurs familiers de la politique britannique se souviendront de l'interdiction de la chasse au renard en 2002 et du tollé qui s'en est suivi chez les conservateurs, décor idéal pour traduire la crainte ressentie par Alper devant la montée des politiques identitaires dans le monde.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Alper est peut-être en train de détrôner Nuri Bilge Ceylan et de s’imposer comme un grand cinéaste turc. Il est spécialisé dans les films très politiques qui, comme ceux de Ceylan, ont une dimension théâtrale remarquable. Burning Days, a été présenté en avant-première à Cannes dans la section Un certain regard. Cette œuvre est sans doute plus profonde que son film précédent, le drame tchékhovien A Tale of Three Sisters [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Emin Alper
interview : Emin Alper
fiche film
]
, qui nous rappelait le style maison de la chaîne de télévision américaine que d'autres acteurs du secteur enviaient, ou avec lequel ils essayaient de travailler et dont la devise est "Ce n'est pas de la télévision, c'est HBO". La posture est ici plus directe et plus professionnelle que dans son précédent long métrage, calme et graphique, et le cinéma d'Alper est peut-être dépouillé de ses nuances.

Si le cadavre d’un sanglier n’était pas un cadeau de bienvenue suffisant pour Emre, Yaniklar a un lot de manigances et de rumeurs qui n'a rien à envier à Deadwood, Easttown ou Westeros. C’est un homme influençable qui cherche à accueillir ses nouveaux sujets en toute confiance. Il commet cependant une erreur de jugement au début du film en dînant en compagnie de Şahin (Erol Babaoğlu), garçon influent et fils du maire sortant, et du dentiste Kemal (Erdem Şenocak) dont la douceur est trompeuse. Après un repas tranquille, mais tendu, le raki est servi et les hommes s’enivrent, non sans avoir interrogé auparavant Emre sur sa prétendue homosexualité (homosexualité qui, ne l’oublions pas, a fait l'objet d'une nouvelle vague de condamnation sous l'ère Erdoğan). L'implication de l'élite locale dans un trafic sexuel est évoquée de manière glaçante, avant que la jeune Rom Pekmez (Eylül Ersöz), déficiente mentale, se retrouve mystérieusement à danser nue avec Şahin et Kemal. Emre, dans un état second, assiste à la scène depuis un canapé. Le matin, il se rend compte que le raki a été drogué.

Le jour d’après, Pekmez est retrouvée dans une autre partie de la région. Tout porte à croire qu’elle a été violée et sexuellement agressée. Emre, avec son sens aigu de la justice, se lance dans une enquête, qui fera littéralement et métaphoriquement chavirer Yaniklar dans l'un de ses nombreux gouffres. Dans une intrigue qui n'est pas sans rappeler l’excellent Chinatown, la pénurie d’eau est un sujet de controverse pour la ville, et la classe politique joue sur la peur et l’incompréhension des habitants sur le sujet pour conserver son emprise électorale. Emre est tour à tour soutenu et manipulé par Murat (Ekin Koç), chef éditorial du journal de l’opposition au charisme et au charme fou, dont l’implication la nuit de l’agression plonge les souvenirs du procureur dans un brouillard encore plus traître.

Burning Days est maladroit et légèrement alambiqué, mais son observation du déclin politique actuel, loin du divertissement évident et cynique, est pertinente, en particulier l’utilisation qui est faite des images de smartphones et des fuites vidéo comme source de menace et de chantage.

Burning Days est une coproduction entre la Turquie, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grèce et la Croatie des sociétés Ay Yapim, Liman Film, Gloria Films, Match Factory Productions, Circe Films, Zola Yapim, Horsefly Productions et 4 Film. Les ventes internationales ont été confiées à The Match Factory.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy