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HOT DOCS 2022

Critique : Petites

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- Ce troisième film par Pauline Beugnies est un documentaire qui s’intéresse aux conséquences de l’affaire Dutroux sur la société belge, notamment sur les gens qui étaient enfants à l’époque

Critique : Petites

Petites, le troisième long-métrage de la scénariste et réalisatrice belge Pauline Beugnies, qui a fait sa première mondiale à Hot Docs, revient sur la terrible affaire Dutroux, dont on pourrait avancer que c'est la première qui a vraiment attiré l'attention du public sur la pédophilie, dans les années 1990. L’affaire elle-même est bien documentée, mais ce que Beugnies explore, ce sont ses effets sur la société belge, particulièrement la génération des gens qui étaient enfants à cette époque.

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Le film est presque entièrement constitué d’images d’archives : de reportages télévisés et de vidéos amateur des années 1990 accompagnés par les voix off de gens qui avaient entre 7 et 17 ans quand Marc Dutroux a commencé à kidnapper les filles. La peur a uni cette nation notoirement divisée et quand le pédophile et ses complices ont été arrêtés, en 1996, des détails sur l’incompétence des services d’État ont commencé à émerger. Les médias ont largement couvert l'affaire, et la colère des gens a explosé. Il s’est avéré que les deux filles qui avaient été enlevées en premier, et qu’on a retrouvé mortes affamées, auraient pu être sauvées si la gendarmerie et la police fédérale avaient collaboré au lieu de se saboter l'une l’autre.

Après s'être échauffée pendant des semaines scandées de manifestations furieuses, la révolte publique a culminé lors de ce qu'on a appelé la Marche Blanche : 350 000 personnes ont marché silencieusement à travers les rues de Bruxelles. Et puis plus rien : pas de vrai débat public intelligent et ciblé sur la question, pas même après le jugement condamnant des auteurs, rendu en 2004. Beaucoup de questions ont été laissées sans réponse après le procès, et l’affaire est restée une tache dans l'âme de la nation. Jusqu’à ce jour, les gens sont traumatisés par cette affaire, et ils n'ont jamais retrouvé la confiance qu'ils avaient en leur gouvernement. Cette histoire a changé la manière dont les gens se regardaient les uns les autres, les relations au sein des familles ont été perturbées et chacun inconnu était vu comme une menace potentielle. C'est sans doute cette affaire qui a accru la conscience générale des abus sexuels commis sur les mineurs partout dans le monde, mais l'inceste et la pédophilie restent des sujets largement tabous, encore à ce jour.

Cependant, ceux qui ont été marqués de la manière la plus complexe, insidieuse et choquante, ce sont les gens qui étaient eux-mêmes enfants à ce moment-là. Au moins vingt témoignages différents sont compilés ici, formant une sorte de voix off collective décrivant l’atmosphère des années 1990. L’affaire était partout dans les journaux, et les parents interdisaient à leurs enfants de sortir, mais personne n’a jamais pensé à éteindre la télévision. Pour beaucoup d’enfants au bord de l'adolescence, leur première rencontre avec le sexe est venue de tous ces reportages sur les abus sexuels. À l’époque, parler à ses parents de la sexualité n’était pas quelque chose que les gens faisaient du tout, et le système scolaire n'a mis en place que des conseils de sécurité, ce qui était troublant pour les enfants, à qui on apprenait auparavant à respecter les adultes. Personne n’a parlé aux enfants de ce qu’ils étaient en train de vivre.

C’est un rappel choquant du fait que la conscience publique était extrêmement différente il n’y a pourtant que 25 ans, et combien elle était nocive. En nous immergeant de manière convaincante dans cet univers, à travers la texture des images VHS et des archives télévisuelles de l'époque, Beugnies formule un propos étonnamment sagace sur des sujets qui sont toujours tabous aujourd’hui, alors qu'on mesure bien mieux, à présent, combien il est important que les enfants se sentent libres de parler des questions qu'ils se posent et des expériences qu'ils vivent. L’affaire Dutroux a constitué un tournant pour la Belgique et le monde occidental, mais ses effets auront été beaucoup plus complexes qu'on ne se le rappelle. C’est pour cela que Petites est un film si important, à une ère que nous considérons éclairée.

Petites a été produit par les sociétés belges Rayuela Productions et Diplodokus. Les ventes internationales du film sont gérées par l'enseigne parisienne Reservoir Docs.

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(Traduit de l'anglais)

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