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VISIONS DU RÉEL 2022 Compétition

Critique : How to Save a Dead Friend

par 

- Ce documentaire de Marusya Syroechkovskaya décrit ce que signifie grandir dans la Russie du XXIe siècle, mais il est tellement sincère qu’il fonctionnerait aussi bien extrait de tout contexte

Critique : How to Save a Dead Friend

How to Save a Dead Friend [+lire aussi :
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de Marusya Syroechkovskaya est un film brut, sincère et émouvant, comme son titre le laisse entendre. Ce premier long-métrage documentaire est si totalement et puissamment lié à l'histoire personnelle de la jeune réalisatrice que son contexte, celui de grandir en Russie dans les années 2000 et 2010, en devient presque négligeable – bien que l’histoire soit, naturellement, indissociable de son contexte social. Ce film a fait sa première mondiale en compétition à Visions du Réel, où il a obtenu une mention spéciale (lire l'article).

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Marusya avait 16 ans en 2005. Après avoir vu son film, on a l’impression que c’est une amie, de sorte qu'on va continuer de l'appeler ici par son prénom. Cette aspirante-musicienne de rock et réalisatrice croyait alors que ce serait sa dernière année sur Terre. Comme beaucoup de ses congénères en Russie (pays qu'elle surnomme, avec un humour amer et un sens de l’analyse étonnant, "la Fédération de Dépressie"), elle a un penchant pour les drogues mais aussi, peut-être pas tout à fait comme beaucoup d'autres, une propension à se faire du mal à elle-même. Ses tendances autodestructrices vont trouver plus qu’un écho en Kimi, plus âgé d'un an. Elle passe les 12 années suivantes à filmer leur relation et, quand celle-ci se met à s'essouffler, leur amitié.

Avec une des voix off les plus vivantes et proches du spectateur du cinéma documentaire récent, elle décrit le moment où ils se sont rencontrés et la manière dont elle a craqué pour ce fan de Joy Division (comme elle), avec ses allures de Kurt Cobain. Kimi ne ressemblait peut-être pas tant que ça à Cobain, mais le concept éminemment grungy d'être un adolescent désenchanté dans une société qui offre beaucoup de tentations et aucune protection amène incontestablement le spectateur à le percevoir ainsi. Et le fait qu’ils se retrouvent tous les deux à se piquer à l’héroïne ne fait qu'ancrer cette impression.

Marusya vient d’une famille aisée, Kimi d’une famille de la classe moyenne. Les deux familles semblent avoir sincèrement aimé leurs enfants – la mère de Kimi le prouve sans l'ombre d'un doute tout au long du film. Le père du jeune homme est mort quand il avait neuf ans, ce qui l'a meurtri à vie, et son frère, qui a 18 ans de plus que lui, est un toxicomane de longue date. Donc ce n’est pas la pauvreté, l'exclusion sociale ou un manque affectif qui les a amenés à ces excès. Ce n’est pas non plus le fait de vivre dans une société russe brutale, même si Marusya incrimine beaucoup leur quartier à Moscou (de la même manière que les gens du Bronx, de Brixton ou de Belgrade sont à la fois fiers et critiques de leur lieu d’origine). Il semble plutôt que la cause soit l’échec évident des idées de progrès, de futur, de succès et d'égalité des droits qui les ait amenés là où l'un d'eux s’est retrouvé, et où l'autre a trouvé une échappatoire.

Sur le plan stylistique et formel, le film de Marusya est une véritable machine à remonter le temps. La période de la moitié des années 2000, qui est aussi celle où Marusya et Kimi vivaient avec un chat nommé Ian, comprend un segment infantile réalisé sur Windows Movie Maker. Le personnel croise le social, et le temps est compté au fil des discours de voeux de Nouvel An d'Eltsine (en images d’archives) puis Poutine, puis Medvedev, Poutine, Poutine… Des images de manifestations dans les rues, filmées par Marusya elle-même, interviennent régulièrement, mais l'impression est qu'on ne perdrait pas grand chose si elles n'étaient pas dans le film.

Sur les 12 ans de tournage de ce travail, Marusya a utilisé beaucoup de caméras différentes, et c'est tout à l'honneur de l’équipe de post-production (notamment le monteur syrien Qutaiba Barhamji, qui avait réussi une prouesse similaire pour Little Palestine, journal d'un siège [+lire aussi :
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) si les visuels fonctionnent si bien ensemble et si l'histoire est aussi fluide.

How to Save a Dead Friend a été coproduit par Sisyfos Film (Suède), Docs Vostok, Folk Film (Norvège) et Les Films du Tambour de Soie (France) avec la participation de Lyon Capitale TV et Rundfunk Berlin-Brandenburg et en collaboration avec ARTE. Les ventes internationales du film sont assurées par la société suisse Lightdox.

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(Traduit de l'anglais)

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