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FILMS / CRITIQUES Chine / Pologne / Royaume-Uni

Critique : A Woman at Night

par 

- Le réalisateur londonien Rafael Kapelinski propose un film aux ambiances maussades sur les femmes solitaires et les hommes louches qui s’avère assez décevant

Critique : A Woman at Night
Jennifer Tao dans A Woman at Night

La vie à Londres peut être très solitaire, quoique le cinéma britannique récent n'en rende pas forcément compte. Un des meilleurs films qui ait souligné cette réalité est sans aucun doute Tony [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
de Gerard Johnson (2009), sur un tueur en série socialement mal adapté et isolé de la société qui s'inspirait clairement de Dennis Nilsen. L'ombre de ce meurtrier réel plane aussi sur A Woman at Night de Rafael Kapelinski, récemment présenté à l'événement londonien Kinoteka Polish Film Festival. Le film suit le personnage de Yiling Li (Jennifer Tao), une immigrée chinoise à Londres qui se fait de l’argent en plus, à côté de son travail dans l’immobilier, en faisant visiter l’appartement de Nilsen à des hommes mystérieux (car oui, ce sont tous des hommes) qui sont prêts à payer pour cette expérience. Mais ce qui hante le plus en voyant le film, plus que la situation elle-même, c’est la solitude et l’aliénation de tous ses personnages, y compris Yiling.

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Le travail de composition de Kapelinski, qui joue sur les angles morts, les ombres et l’obscurité de la photographie de Marcin Koszalka et les performances contenues de Tao ainsi que Lin Xinyao dans le rôle de la cousine de Yiling, Yao Yao (qui est plus jeune qu'elle), soulignent habilement un sentiment de profonde solitude et de communication impossible. Très tôt dans le film, Yiling commence son nouveau travail comme secrétaire en agence immobilière (une belle promotion par rapport à son emploi précédent, dans un restaurant), mais elle est vite confrontée, à cause de ses collègues, à des réactions de rejet et de gêne. L’homme qui l'a embauchée, lui-même également chinois, s'avère moins amical qu'il n'en avait l'air de prime abord, et la seule fois où Yiling a l'air à l'aise, c'est dans le petit appartement qu’elle partage avec Yao Yao. Elle se retrouve vite préoccupée par les factures à payer et quand elle voit un collègue refuser un énième appel d’un homme qui demande à visiter l’ancien appartement de Nilsen, elle imagine discrètement, mais efficacement, un plan pour se faire de l’argent.

L'idée est intrigante, et le pragmatisme de Yiling, dont le visage reste toujours de marbre, est à la fois glaçant et émouvant : c’est un symptôme de son désespoir financier et de son manque de ressources. Hélas, les visites elles-mêmes, pendant lesquelles Yiling (s'inspirant du look de Jeanne Moreau dans Bande À Part de Jean-Luc Godard - petite fioriture cinéphilique inoffensive) rencontre tout un éventail de drôles de types dans l'appartement en question, sont assez décevantes. Il semblerait que cela fasse partie du propos : plus tard, quand Yao Yao, horrifiée, découvre la combine, Yiling lui dit que ces hommes sont des losers pathétiques qui n’auraient jamais le cran de faire ce qu'a fait Nilsen. Ce ne sont que des hommes solitaires, et les monologues souvent effrayants ou dégoûtants qu’ils débitent pendant leurs visites sont juste des extériorisations d’une sorte de masculinité qu’ils vénèrent mais ne possèdent pas. Même ainsi, regarder dans le vide devient vite fatigant. Bien que Yiling reste la présence qui ancre le film, on comprend mal en quoi elle se rattache à cette fascination morbide, au-delà de l'idée assez plate selon laquelle en tant que femme vulnérable dans la grande ville, elle doit toujours faire attention aux hommes dangereux.

Le film tend à se perdre un peu quand il essaie de suggérer que Yiling est peut-être tombée sous le coup de l’envoûtement que cause cet appartement, et qu'elle pourrait bien être moins innocente qu'elle ne le paraît. L'atmosphère du film, puissante, fait que l'intérêt est maintenu, même quand les dialogues et les événements relatés laissent de plus en plus perplexe (les pauses chargées et les prises longues et contemplatives sont trop étirées pour que ça fonctionne). Le film de Kapelinski est une réflexion aussi crasseuse et méditative qu'on pourrait l'attendre sur le vide profond qui explique la fascination des gens solitaires par rapport aux tueurs en série et à la violence, mais elle se perd dans les ténèbres.

A Woman at Night a été produit par la société britannique Paradox House.

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(Traduit de l'anglais)

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