04/03/2022 - Le troisième long-métrage de Łukasz Grzegorzek est un plaisir à regarder : il déploie sur l’écran un univers chatoyant de mélancolie, de joie, de colère et de regret, tout cela à la fois

Le dernier film en date que Netflix a lancé mondialement, Ma vie merveilleuse [+lire aussi :
interview : Łukasz Grzegorzek
fiche film], est le troisième long-métrage du réalisateur polonais Łukasz Grzegorzek, qui lui a valu à juste titre le prix de mise en scène au Festival de Gdynia l’année dernière (lire l’article). Grzegorzek est un coutumier des comédies dramatiques d’apprentissage, autour de personnages dont les âges vont de la fin de l’adolescence au milieu de la vie.

Jo (une exquise Agata Buzek), l’héroïne de Ma vie merveilleuse, enseigne l’anglais au lycée dans une petite ville de province et a une liaison secrète avec le père d’un de ses élèves. Ces rencontres clandestines sont pleines de joie, de sexe et de fumée de marijuana. Alors qu'est-ce qui cloche ? Jo est en fin de quarantaine, elle est mariée et vit avec son mari, ses deux fils, un petit-enfant et une mère atteinte d’Alzheimer et tout ce beau monde est sous le même toit. Sa vie quotidienne est remplie de bruit, de chaos et de chamailleries avec grosso modo tout le monde, et sur tout. Mais ce n’est pas tout : quelqu’un est au courant de la relation extra-conjugale de Jo et lui fait du chantage à travers une série de lettres et de photos compromettantes. En quoi cela est-il un récit d’apprentissage ? Eh bien, Jo va devoir décider quel genre de vie elle veut vivre à partir de maintenant.

Aussi sombre et tordu que cela puisse paraître, Ma vie merveilleuse est un régal : chaque personnage du film a ses petites excentricités et ses objectifs propres, et la plupart des disputes entre eux sont plus amusantes que dramatiques, sans pour autant que le film ne bascule dans la farce ou la pure comédie. Grzegorzek imprime au récit différentes nuances, de sorte que cet univers qu'on voit à l'écran scintille de mélancolie, de joie, de colère et de regrets, tout ça en même temps. Ses films sont souvent comparés par les critiques et le public polonais, pour leur légèreté et leur liberté d'esprit, aux films indépendants américains qui marchent si bien dans les festivals comme Sundance ou SXSW. En plus de ça, le style de Grzegorzek a une forte couleur centre-européenne et il a beaucoup en commun avec le genre d'ambiance qu'on trouve dans le cinéma tchèque, avec cet humour chaleureux et paisible qui survient quand on accepte le fait que la vie n’est sans doute pas exactement aussi merveilleuse qu'on nous l'avait promis quand on était petit. Jo se rebelle contre son manque de bonheur et d’épanouissement de manière assez discrète : elle se contente simplement de naviguer autour de la morale et des règles au lieu d’essayer de les combattre frontalement - comme le feraient beaucoup d’autres personnages du cinéma polonais.

Grzegorzek a écrit ce scénario avec Agata Buzek à l'esprit et en effet, son interprétation est tout simplement brillante. Elle rend son personnage chaleureux, drôle et mystérieux tout en ayant les pieds sur terre. Buzek a qui plus est une belle alchimie avec le reste de la troupe : Jacek Braciak (son mari), Adam Woronowicz (son amant), Jakub Zając et Paweł Kruszelnicki (ses fils), Wiktoria Wolańska (sa belle-fille) et Małgorzata Zajączkowska (sa mère). De fait, à l'évidence, ce "groupe de rock" très cool mené par une chanteuse géniale donne plein de raisons d’aller voir ce film.

Ma vie merveilleuse a été produit par la société polonaise Koskino. Le film est sorti en Pologne le 29 octobre dernier.

(Traduit de l'anglais)