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BERLINALE 2022 Forum

Critique : Super Natural

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- BERLINALE 2022 : Ce premier long-métrage par Jorge Jácome propose une expérience cinématographique comme d’un autre monde qui invite le public à explorer les territoires d’un voyage collectif unique

Critique : Super Natural

On peut sans doute avancer sans trop se tromper que la plupart des gens ont désespérément envie de vraies connexions : avec d’autres êtres humains, avec des éléments du monde (non-)naturel et/ou avec des œuvres d’art. Dès le tout début, le premier long-métrage de Jorge Jácome, Super Natural [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
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, qui a remporté le Prix FIPRESCI de la section Forum à Berlin, se présente comme une invitation ouverte à se connecter à une expérience filmique unique. Après une séquence de deux minutes remplie de vide visuel, on franchit un portail de stimuli sensoriels abstraits et colorés auxquels on pourrait recourir quotidiennement pour satisfaire tous nos besoins méditatifs. C’est comme cela que tout (tout et ce film) commence : on ouvre les portes au subconscient, dans un état apparemment contradictoire de pure immersion par lequel on est très conscient de soi-même tout en se sentant puissamment connecté à l’expérience dans laquelle on est sur le point de plonger.

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Super Natural est un travail collaboratif créé par Jorge Jácome, la troupe de danse Dançando com a Diferença et la compagnie théâtrale Teatro Praga qui dépeint, visuellement, le paysage de Funchal, à Madère. On suit ces danseurs dans leur exploration des possibilités de mouvement à l’intérieur de ce territoire, ainsi que leurs gestes attentifs vers les plus petits détails du monde qui les entoure. La sublime fluidité de ces chorégraphies jouant du toucher humain est accompagnée par une approche visuelle dont le format évolue constamment. C’est une expérimentation constante avec le potentiel visuel de différentes esthétiques, des images bas de gamme façon Instagram au Super 8. C’est un concept qui aurait facilement pu déraper, mais ici, c'est tout le contraire : on a l'impression d’être témoin de quelque chose qui tient du génie, en grande partie grâce au regard de la cheffe opératrice Marta Simõeset de l'habileté de Jorge Jácome au montage. L'impression d’harmonie qui ressort des disparités entre les formats et de la manière dont on passe de l'un à l'autre fait l’effet d’être familière et proche de la vie.

Au fil de cette trajectoire non-linéaire, on s’appuie sur une voix non-humaine traduite pour nous guider dans un parcours qui va au-delà de ces paysages, vers des territoires non cartographiés de l’esprit, de la conscience de soi et de notre monde. C’est un élément formel qu'on pouvait déjà trouver dans le dernier court-métrage de Jorge Jácome, intitulé Past Perfect. Dans ce cas précis, l’addition du son aux sous-titres donne un sentiment de présence, et même si le dispositif lui-même tend à être un peu trop présent (car le texte parfois un tantinet répétitif et exigeant pour l'attention du spectateur), cette voix non humaine ajoute un niveau supplémentaire au film qui aide dans le processus d'expansion constante de l’espace visuel : on voyage dans des dimensions différentes à l’intérieur et à l’extérieur du film, tandis que la voix elle-même déplace son point de vue, de sorte qu'on n'est jamais certain de savoir qui exactement nous parle – mais ça fait partie de la magie. C’est un challenge qu’on accepte volontiers dans cet écosystème poétique, qui permet d'ouvrir considérablement l'esprit et de réfléchir à une multitude de thèmes communs à toute l’humanité.

Le son et la musique du film en sont une partie fondamentale. Les artistes sonores portugais Violet et Raw Forest proposent ici un parcours auditif remarquable. L’immersion dans ce flux d’images et de sensations est résolument rehaussée par leur formidable compréhension de l’usage qu’on peut faire du son. Le son est aussi, par ailleurs, ce qui permet au film d’avoir des moments plus légers et cocasses : un des clips vidéos et tubes musicaux les plus iconiques de 2021 pourrait bien se trouver dans ce film, ainsi que l'opération d'humanisation la plus drastique jamais opérée à partir d'un fruit du dragon de l’histoire du cinéma.

Accepter cette invitation cinématographique à vivre une expérience d’un autre monde vaut plus que la peine : on assiste sans doute avec ce film à un de ces moments changeurs qui sont l'essence même du cinéma. C'est une étreinte sensorielle (et effectivement surnaturelle) pleine de contradictions, d’émotions, de paysages à différentes strates et de pensées qui établit une connexion réelle, et pérenne, avec le spectateur.

Super Natural a été produit par Ukbar Filmes en coproduction avec Dançando com a Diferença et Teatro Praga. Les ventes internationales du film sont assurées par Portugal Film.

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(Traduit de l'anglais)

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