email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2022 Compétition Big Screen

Critique : CE2

par 

- Ce long-métrage de Jacques Doillon explore l’enfance à travers un drame social intime et délicat

Critique : CE2
Roxane Barazzuo et Cyril Sader dans CE2

Le nouveau film de Jacques Doillon, CE2, présenté dans la section compétitive Big Screen de la dernière édition du Festival international du film de Rotterdam, est un drame social qui explore le temps de l’enfance, un thème qui revient de manière cyclique dans la carrière du cinéaste français. Un film qui s'enfile dans la brèche de la grande tradition des films transalpins dédiés au jeune âge, des 400 coups de François Truffaut à Ponette, un des films les plus célèbres de Doillon, en passant par L’Enfance nue de Maurice Pialat et Mes petites amoureuses de Jean Eustache.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Les personnages de CE2 évoluent dans le microcosme de la province française, où la petite Claire (Roxane Barazzuo) est molestée par son camarade Kevin (Cyril Sader), dans une école de Clermont-Ferrand. Ce qui pourrait cependant s'annoncer comme une histoire classique d’abus en milieu scolaire se transforme en naissance d’un lien d’amitié, aussi problématique et parfois douloureux qu'il puisse être. Le style narratif de Doillon, très aéré, donne de l’espace et de la liberté aux dialogues entre les enfants et maintient la caméra à leur hauteur, dépeignant avec délicatesse le rapport entre parents et enfants et entre individus appartenant à des classes sociales différentes qui sont contraints de se confronter dans ce lieu unique de rencontre qu'est l'école, comme cela arrive très souvent en province. La plus grande différence entre Claire et Kevin est justement de classe, même si le réalisateur a l'intelligence de fuir les clichés manichéens, reconstruisant au lieu de cela avec une grande précision le milieu social des adultes, qu'il empreint d'une certaine dose d’aliénation qui fait écho aux personnages du cinéma d’un autre grand aède de la province française : Bruno Dumont. Une aliénation qui transparaît dans le personnage du père de Kevin (interprété par Alexis Manenti, de nouveau dans le rôle de l’homme d'âge menaçant et fragile, comme c'était déjà le cas dans Les Misérables [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Ladj Ly
fiche film
]
de Ladj Ly),  un type à la fois victime et bourreau, comme son fils, qui représente l'exclu de la société agressif et immature, mais aussi dans celui de la mère de Claire (Nora Hamzawi), qui se situe quelque part entre peur et émerveillement de la rencontre avec le monde qui l'entoure.

L'absence générale de musique (qui ne vient ponctuer que rarement les scènes les plus intimes) augmente la sensation d'extranéité vécue par les personnages, qui luttent pour se libérer des rôles liés au sexe que leur a imposés la société, comme si c'était des cages aux limites bien définies. Une lutte qui commence, justement, à l’école, avec les traumatismes infantiles que suppose, avant toute chose, la difficile cohabitation avec les mesures restrictives imposées par les adultes sous prétexte de Covid, mesures qu'on voit de plus en plus pointer leur nez dans les films (si on prend par exemple les derniers de Jude et Gomes/Fazendeiro) et qui indiquent la volonté de Doillon de s’inscrire clairement dans le présent, après la parenthèse historique du biopic Rodin [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(2017). Contrairement à ce qu'on avait dans ce film précédent, cependant, le réalisateur abandonne ici le classicisme formel et statique pour une approche plus réaliste et moderne, livrant un travail au budget plus modeste qui ne renonce pas à l’ambition de raconter une histoire profonde en dépeignant avec grâce l'intimité et les contradictions des rapports familiaux dans la fluidité de la société moderne. À travers ce nouveau film, le cinéma de Jacques Doillon, dont la carrière n'a jamais eu l’attention internationale qu'elle mérite, confirme qu’il est vivant, et riche en perspectives ainsi qu'en sujets de réflexion, sans jamais tomber dans la lourdeur embarrassante de l'insipide cinéma de dénonciation dont le panorama européen contemporain est infesté.

CE2 a été produit par Arena Films Paris. Les ventes internationales du film sont assurées par Kinology. En France, il sera distribué par Apollo Films.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy