email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2022 Bright Future

Critique : A Human Position

par 

- Dans ce film d'Anders Emblem, une jeune journaliste trouve un sens à son métier en enquêtant sur la déportation d’un demandeur d’asile dans la Norvège rurale

Critique : A Human Position
Amalie Ibsen Jensen dans A Human Position

"C’est quoi pour toi, ce qu'il y a de mieux en Norvège ?", demande Asta (Amalie Ibsen Jensen) à sa petite amie Live (Maria Agwumaro), alors qu'elles sont assises sur le sol de leur appartement. Comme elle revient tout juste d’un centre pour réfugiés, en dehors de la ville, la jeune journaliste a du mal à déterminer comment elle va présenter cette expérience dans l'article qu'elle prépare pour le journal local. En tant que citoyennes privilégiées, il ne leur est pas permis de se plaindre. "Après, on serait bêtes de ne pas se battre pour préserver ça".

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Après Hurry Slowly, son premier long-métrage, réalisé en 2018, le Norvégien Anders Emblem tourne de nouveau son regard vers les problèmes de société affectant une petite ville de province, nommément sa ville natale, Ålesund. Dans A Human Position [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Anders Emblem
fiche film
]
, il s'intéresse cette fois non pas au handicap intellectuel, mais aux réfugiés, mais retrouve les acteurs de Hurry Slowly : Amalie Ibsen Jensen dans le rôle principal, celui d'Asta, et Lars Halvor Andreassen dans un petit rôle, celui d'un photographe. Ce nouveau film vient d’être projeté dans la section Bright Future du Festival international de Rotterdam, après sa première à Tromsø.

Comme dans ses travaux précédents, Emblem a opté pour une certaine douceur via un langage visuel qui fait que le spectateur n'imagine pas un seul instant que quelque chose pourrait venir déranger l’atmosphère paisible de ce nid douillet où il ne se passe jamais rien. Au moyen de longs plans larges, il filme la petite ville avec une tendresse mâtinée de gêne, montrant ses rues désertes et son morose soleil de minuit, qui semble ne jamais se coucher. Seule Anna brise cette barrière de somnolence par ses allées et venues entre son travail et chez elle.

Au début, ce tableau que brosse Jensen trahit peu d'émotion, et la plupart des dialogues sont réservés aux interviews qu'Asta fait pour son travail. Quand elle est seule, on peut lire une absence d'objectif dans son regard noir, comme si elle fixait un vide invisible. Le temps qu'elle passe avec sa petite amie est un cycle aimant mais immuable de séances de cuisine, de jeux de société et de télévision. Il y a quelque chose de monotone dans son appartement minimaliste – que ce soit un choix personnel ou un symbolisme voulu, fortement souligné.

L'intérêt d'Asta pour le monde qui l’entoure est soudain ravivé quand elle lit un article sur un demandeur d’asile forcé de retourner dans son pays natal après dix ans sur place, après que son employeur ait été impliqué dans une affaire de dumping social. Le réfugié en question, Aslan, ne fera pas une seule apparition dans le film et pourtant, tandis qu'Asta se met à suivre pas à pas sa déportation, il devient une présence qui plane sur les contours flous d’un système bureaucratique dont se dégage une impression de grande irresponsabilité.

"Il fait l'effet d'être tellement immense, mais en même temps si impénétrable et livré à lui-même", résume Asta. Son impression est bien rendue à l’écran, notamment par les angles selon lesquels le directeur de la photographie Michael Mark Lanham la filme, de biais – souvent, elle disparaît même pendant une scène.

Les dialogues empesés et l'absence d'une toile de fond musicale font ressortir les bruits ambiants, que ce soit le froissement de feuilles, des vagues qui s’écrasent contre un bateau ou juste une page de journal en train d’être tournée. Le plus gros des dialogues qu’on entend vers la fin du film tournent autour de la collection de chaises dans le grenier d’Asta. "C’est bizarre, qu’on s’assoie là-dessus", fait-elle observer. Est-ce à entendre comme un parallèle involontaire avec Aslan, une référence au fait qu'on compte sur quelque chose d'aussi peu spectaculaire, mais qui représente un point d'appui dans nos vies quotidiennes ? Et quid des réfugiés, dont l’exploitation passe inaperçue alors que c'est ce sur quoi sont bâtis nos privilèges ? Asta n'a peut-être pas accès à une solution parfaite, mais elle peut parler à ses lecteurs. Ni elle ni Emblem ne lancent un appel à l’action mais peut-être, comme le dit Asta, qu'ils font juste appel à un peu de compassion.

A Human Position a été produit en Norvège par Anders Emblem, Stian Skelstad et la société Vesterhavet.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy