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SUNDANCE 2022 Midnight

Critique : Cerdita

par 

- Carlota Pereda joue avec le mythe Carrie, et livre un film qui va vous dégoûter à vie des vacances en Espagne

Critique : Cerdita

Beaucoup d'invités de Sundance, cette année, y ont amené des films tirés ou inspirés d'un court-métrage précédemment réalisé par eux. On peut citer Jim Archer (Brian and Charles [+lire aussi :
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), Francisca Alegria (The Cow Who Sang a Song into the Future [+lire aussi :
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), et maintenant Carlota Martínez Pereda. C’est une décision risquée, car ce qui fonctionnait si bien dans un format court peut vite faire l'effet d’avoir été trop étiré et d'avoir perdu sa substance en version longue, mais Cerdita [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Carlota Pereda
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n'est pas dans ce cas. Cerdita est une révélation.

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Une révélation contrariante, il est vrai, mais le film réussit là où tellement de films d’horreur achoppent : il arrive à vous faire croire presque tout ce qui se passe là-dedans : le harcèlement constant que subit Rosa (Laura Galán), principalement à cause de son poids, l'étouffement qu'on sent dans une petite ville provinciale, les parents qui pensent que ce qu’ils disent ne fait pas souffrir pour la simple raison que c’est censé être pour le bien de quelqu’un, et même, quand cette chose supplémentaire entre en jeu, une débauche meurtrière, qui survient juste parce que parfois, ça arrive. Que chacun reste au chaud chez soi à écouter des chansons pop galvanisantes, les amis, parce que ce qui se passe au dehors, quoi que ce soit, ne vaut pas la peine de se déranger.

Rose ne sort pas tant que ça, à vrai dire. Difficile de dire à quel moment exactement elle est devenue le souffre-douleur favori de la ville, mais grands dieux, la foule ne lui laisse vraiment pas un moment de répit. Elle est enveloppée, sa famille tient une boucherie et son père, qui devrait penser davantage avant de parler, informe d'autres filles de son âge qu’elle a tué elle-même ces délicieux lapins – ce qui ne va pas nécessairement faire gagner des points à une jeune fille. Elle n'a pas l'air heureuse dans la vie, à en juger la manière dont elle mâchonne ses pointes de cheveux et le fait qu'elle se sert des réseaux sociaux aux fins pour lequelles ils ont été inventés au départ : pour se sentir encore plus mal. Quand elle se décide tout de même à s’aventurer au dehors, une belle journée d’été à la piscine tourne au cauchemar, une bande de ses harceleuses habituelles ayant du temps à perdre. Plus tard, humiliée et terrifiée, elle tombe de nouveau sur elles en train de se faire kidnapper par un homme clairement dérangé. Elle le voit, il la voit, mais après ce que ses bourreaux, maintenant des victimes, lui ont fait subir, elle laisse la voiture s'éloigner sans rien dire.

C’est là que le film de Pereda devient vraiment, vraiment intéressant. On ne sait pas vraiment si Rosa s'entête à garder le silence parce qu’elle a peur ou si c'est parce qu’il y a quelque chose de satisfaisant dans ce qu’il vient de se passer. Pour elle, c’est peut-être un acte de justice divine, une rétribution inespérée voire (aussi dérangeant que cette pensée puisse être) une chose qu'elle aurait pu chérir pour le restant de ses jours, mais l'histoire ne se termine pas là. Quand la mère d'une de ses "amies" disparues se met à poser des questions, et qu'ailleurs, le cadavre d'un sauveteur est retrouvé (qu'elle n'avait jamais remarqué avant, n'est-ce pas cocasse ?, occupée comme elle était à fuir les méchantes filles de son lycée), Rosa est obligée de sortir de cet état particulier.

Ce qui est admirable, ce que Pereda ne s'attache pas spécialement à simplifier les choses. Les actes de violence qui se déploient ici ne sont pas sanctionnés par des tope là ! jubilants et Rosa elle-même n’est pas si sympathique que ça. Selon certaines religions, la violence qu'on a subie peut faire de vous un saint. Selon les rapports de la police (ou l’excellent court-métrage All Inclusive de Teemu Nikki), elle peut donner envie de faire souffrir d'autres gens, ou au moins de les regarder en train de souffrir. À Rosa de décider quelle personne elle veut être dans cette situation – mais le fait que le mystérieux tueur l'ait aidée, d’une certaine manière, et qu'il puisse même la considérer comme spéciale la trouble encore plus. On a l'impression de lire un de ces articles sur les complices de meurtres, où ces mots récurrents, selon lesquels "les gens pensent que c'était un monstre, mais avec moi, il était gentil", sont on ne peut plus éloquents.

On ne pourra pas éviter de mentionner Carrie en parlant de Cerdita, puisqu'il s'agit de nouveau d'une histoire où le corps d’une fille est traité comme son ennemi, et que l'image de Galán couverte de sang évoque forcément le fameux seau, mais ce film-ci n'a pas besoin de cette référence pour impressionner (et vous briser le coeur) : c'est un travail incroyablement habile qui prouve qu'une révolution est bel et bien en cours dans le cinéma de genre, une révolution allègrement rejointe par Julia Ducournau et Mimi Cave (dont le tout récent premier long-métrage, Fresh, est une révélation). Les seaux de sangs sont en option.

Cerdita a été produit par Merry Colomer et David Atlan-Jackson pour Morena Films, en coproduction avec Backup Media Studio et Cerdita Aie. Les ventes internationales du film sont assurées par Charades

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(Traduit de l'anglais)

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