email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SÉVILLE 2021

Critique : Alegría

par 

- Dans le premier long-métrage de Violeta Salama, tout semble mis au service du message : les conflits éventuels sont indiqués, mais ils ne dépassent jamais l’état de simples possibilités

Critique : Alegría
Laia Manzanares et Cecilia Suárez dans Alegría

Vivre des expériences conflictuelles ne suffit pas pour bien raconter un conflit. Un "conflit", dans une intrigue, requiert de l’ambiguïté, de la complexité, des nuances, des doutes, des dilemmes moraux, des contrariétés : c’est pour cela que c’est un conflit. Dans une fiction, il ne suffit pas d'insérer un personnage d'ascendance juive (où d'une autre culture) qui a du mal avec cela pour transmettre les conflits que cela implique et pour parler du poids de l’héritage et du sens de l’identité personnelle. C'est là l’erreur de base d'Alegría [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, le premier long-métrage de Violeta Salama (Grenade, 1982), présenté hors-compétition au Festival du cinéma européen de Séville : prétendre que mentionner l’existence, réelle ou fictive, de ces conflits est suffisant pour en rendre vraiment compte.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Salama, s'inspirant de sa propre expérience (son père est séfarade et sa mère catholique), raconte l’histoire d'Alegría (Cecilia Suárez), une femme en conflit avec ses racines juives, avec son passé et son présent. En vue du mariage de sa nièce (Laia Manzanares) avec un jeune homme de Melilla, une partie de sa famille vient s'installer chez elle dans sa ville natale (un choix qui n’est pas fortuit, car les trois cultures religieuses méditerranéennes convergent à Melilla), où elle vit depuis un certain temps. La célébration des noces va ainsi servir de prétexte pour réunir dans un même cadre des femmes correspondant à l'intrigue, chacune procédant d’une culture : la meilleure amie d'Alegría (chrétienne), la jeune femme qui l'aide à la maison (musulmane) et sa nièce (juive).

À partir de cette prémisse, le film de Salama se présente comme une comédie avec un message optimiste sur le multiculturalisme et le sentiment identitaire, sur la possibilité de la réconciliation, de la cohabitation et de l’harmonie, malgré les différences qui nous séparent. Ceci paraît être l’objectif de la réalisatrice : arriver à cette morale heureuse, tant bien que mal, mais la volonté de bâtir un film (ou n’importe quelle fiction) de manière à le mettre au service d’un message, aussi précieux qu’il soit, est déjà une mauvaise décision de départ. Cependant, le grand problème du film réside dans ce qu’il fait et dans la manière dont il procède pour arriver à cela : au-delà des sujets évidents, de l’angélisme facile et du fait que les éléments à partir desquels est construite l'intrigue font forcés (les personnages féminins centraux appartenant chacun à une culture, la ville multiculturelle, la cérémonie juive), le souci est dans la façon dont le long-métrage utilise ces éléments et prétend raconter les conflits des personnages.

C'est en effet une dicussion très ponctuelle qui va d'un coup faire vaciller les convictions au début très fermes de la cousine juive ; la jeune musulmane se sent quant à elle libérée de ses attaches quand elle tombe amoureuse, très vite, du cousin de la cousine en visite, etc. Ainsi, très facilement, plusieurs situations censées constituer des conflits vont se résoudre. Le problème est que tout cela pourrait tout à fait se produire, avec le temps et l’espace nécessaires pour que ces sujets puissent représenter de vrais conflits, en racontant les doutes, les contradictions et toutes les difficultés que ces dernières impliquent, sauf qu'ici, tout fait l'effet d'un exercice de calcul assez paresseux et facile : les éléments x sont introduits pour arriver plus rapidement à y. Il n'y a qu'une scène émouvante – grâce à la beauté du paysage (et du travail de photographie de Pau Esteve Birba) et de la musique de Javier Limón – qui fait que les deux heures que dure le film vaillent un peu la peine.

Alegría est une production espagnole qui a réuni les efforts de La Claqueta PC, Powehi Films, La Cruda Realidad, Alegría Película AIE et 9AM Media Lab.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'espagnol)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy