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LOCARNO 2021 Compétition

Critique : Luzifer

par 

- Inspiré d’une histoire vraie, le nouveau long-métrage de l’Autrichien Peter Brunner plonge dans un univers où mysticisme et rédemption sont inextricablement liés

Critique : Luzifer
Franz Rogowski et Susanne Jensen dans Luzifer

Après s'être imposé sur la scène internationale avec une série de travaux exigeants (My Blind Heart [+lire aussi :
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en 2013, Those Who Fall Have Wings [+lire aussi :
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en 2015 et To The Night [+lire aussi :
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en 2018) qui ont été sélectionnés à des festivals prestigieux comme Slamdance, Rotterdam et Karlovy Vary, le réalisateur viennois Peter Brunner débarque en compétition internationale au Festival de Locarno avec Luzifer [+lire aussi :
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, produit par Ulrich Seidl, un voyage à la fois angoissant et lumineux  dans l'esprit de personnages qui ont su faire de leur marginalité leur force.

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Luzifer, inspiré d'une histoire d'exorcisme réelle, se concentre sur deux personnages : Johannes (magistralement interprété par le danseur et acteur Franz Rogowski), un jeune homme à la sensibilité à fleur de peau qui n'a rien perdu de son innocence d'enfant, et sa mère dévote, ancienne alcoolique et toxicomane qui combat ses dépendances en s'entourant d'une nature sauvage qui la berce et la protège. Le seul compagnon qui permet à Johannes de sortir un peu du rapport fusionnel qu'il a avec sa mère est son aigle. La vie de nos deux ermites est rythmée par la prière et les rituels ancestraux dont eux seuls connaissent vraiment la signification. Soudain, des objets étranges (des drones) venus d'une civilisation invasive et brutale se mettent à violer ce monde tout de nature et de cultes mystérieux. Le paradis alpin mystique de Johannes et sa mère est menacé par un projet architectural qui veut en faire un lieu destiné au tourisme de masse. Une force ancestrale et ambiguë semble alors se réveiller brutalement pour protéger une montagne qui lui appartient de droit.

Qui est Luzifer ? Que représente cette force à la fois brutale et protectrice qui se déchaîne quand elle est attaquée ? Luzifer n'est peut-être pas le revers de la médaille d'un progrès qui ne sait que faire de l'innocence et du mysticisme. Dans son film, Peter Brunner semble vouloir nous rappeler que malgré le fait que notre société nous guide vers un pragmatisme qui frise le cynisme, le mysticisme inquiétant et révolutionnaire de la nature nous ramène à notre état pré-civilisé, sauvage et inviolé. Chacun est libre d'interpréter cette force porteuse de corruption et de rédemption comme il l'entend, ce qui compte, c'est de l'affronter, de lui donner un visage et la libérer de l'étiquette qui la catalogue exclusivement comme négative. La mère de Johannes a construit et créé son paradis personnel, qu'elle défend de toutes ses forces contre une force mauvaise incarnée par le capitalisme, par des hommes sans scrupules qui veulent transformer la montagne en un parc d'attraction pour gens riches.

Les paysages majestueux du dernier film de Brunner (accompagnés par la musique mystérieuse de Tim Hacker), qui rappellent les atmosphères radicales et puissantes de And the Ass Saw the Angel, le livre culte de Nick Cave, traduisent en images le monde intérieur des personnages, les angoisses et l'extase d'êtres qui ont décidé de retourner aux origines, à un monde dans lequel seule la nature édicte ses règles. La nature devient une sorte de divinité capable de purifier l'âme de pécheurs involontaires, victimes de la violence d'une société qui les a transformés en marionnettes privées de volonté propre. Nature et culture semblent se heurtent dans un combat constant pour leur survie.

Les acteurs, troupe hétérogène de professionnels et de non-professionnels, offrent au film une dose supplémentaire de réalisme et de poésie. Il faut signaler l'interprétation touchante de Susanne Jensen, pasteur anciennement victime d'abus qui a affronté avec courage son passé à travers le rôle complexe et intense de la mère de Johannes. “Mon objectif est de traduire des états mentaux à travers une expérience cinématographique pure", affirme Brunner comme s'il voulait nous rappeler que le cinéma et aussi et surtout magie et mystère, une forme d'art qui se nourrit et se développe grâce à la complexité de l'humain. Luzifer est un film radical et exigeant (parfois presque insoutenable) qui pousse le spectateur à affronter sa propre fragilité inconfessable.

Luzifer a été produit par Ulrich Seidl Filmproduktion (Autriche). Les ventes internationales du film sont assurées par Film Republic.

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(Traduit de l'italien)

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