email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

JIHLAVA 2020

Critique : L'Homme qui penche

par 

- Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury rendent un très bel hommage au talent et à la destinée tragique du poète Thierry Metz à travers un documentaire atmosphérique et littéraire

Critique : L'Homme qui penche

"Où est-on ? Quelle heure est-il ? Il n’est que maintenant et c’est le livre. Et je n’ai rien trouvé d’autre. Mais je sème tout ce que je suis pour qu’il y ait un chemin au croisement de nos voix." En s’immergeant dans les très grandes profondeurs des oeuvres et de l’existence du poète français Thierry Metz qui s’est donné la mort en 1997, à l’âge de 40 ans, Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury signent avec L'Homme qui penche [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, présenté en première internationale dans la compétition Opus Bonum du Festival de Ji.hlava, un documentaire de création envoûtant et poignant, ascétique et atmosphérique, à la fois impressionniste et réaliste, où la langue et la pensée résonnent comme une quête éperdue de sérénité dans le chœur invisible des infimes variations de la puissance de la nature.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

"J’ai cherché, n’y tenant plus, un peu de terre en haut de l’arbre, et du pain. J’ai trouvé un champ, un sentier, ou plutôt un chemin blanc, de quoi me livrer un jour, un seul, à ce qui n’est rien : ne plus tracer que des lignes." Accompagnant en voix-off tout le film, les écrits du poète (extraits des recueils Sur la table inventée, Le journal d’un manœuvre, Entre l’eau et la feuille, Lettres à la Bien-aimée, Terre, Carnet d’Orphée et L’homme qui penche) nous racontent sa vie alors qu’il s’est installé dans la campagne agenaise avec sa femme et ses trois enfants afin de se dédier à son art. Pour subsister, il travaille sur des chantiers, un gagne-pain dont il décortique dans ses œuvres l’isolement, les rencontres, l’aliénation physique et répétitive ("ce que tu fais à mains nues n’est que l’entrée en matière de ton travail. Tu dois d’abord ravitailler les maçons avant de vouloir ravitailler la langue") tout comme il retrace ses week-end en famille ("mon dimanche est un pays simplifié") et son amour très attentif pour toutes les sensations et les couleurs nées de la nature : arbres, soleil, vent, oiseaux, terre, fleurs, cailloux, morceaux d’écorce, brindilles, berges de la Garonne, etc.

Mais en 1988, c’est le drame : son fils cadet, âgé de huit ans est renversé par une voiture devant leur maison et meurt dans ses bras. Commence une longue descente aux enfers pour le poète ("rien que l’instant et son vide, son incohérence. Toute l’intégralité de l’inutile, du pourquoi", "un grenier de chagrin", "Qu’y a-t-il derrière ce qui n’a plus de sens ? Où se prépare le monde ? Écriture à l’œil crevé") qui verra sa famille le quitter quelques années plus tard avant qu’il ne sombre totalement dans la dépression et l’alcool qui le mèneront jusqu’à la dernière étape de son calvaire : une institution psychiatrique à Cadillac où il tentera de se désintoxiquer et écrira L’homme qui penche.

Chantier s’étendant progressivement aux sons des pelles et des machines, forêt profonde, couloirs de la clinique comme hantés par les patients : le film creuse souterrainement dans l’âme du poète, comme dans un gisement et illustre ses mots par une multitude de représentations symboliques et suggestives, le plus souvent en plans fixes, en laissant le temps s’écouler. D’un premier abord assez austère et misant sur la capacité de projection du spectateur dans un monde d’idées et de perceptions subjectives ("tout tient dans l’intime et immense du regard, des instants de ciel sous les pas… Ma pensée est liquide, l‘eau d’un ruisseau"), le documentaire gagne en intensité et en émotion au fil de la destinée tragique d’un écrivain auquel Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury rendent un très bel hommage cinématographiquement poétique. Un film bien dans l’esprit de son inspirateur : "marcher, dériver… Lentement j’ai suivi le soleil… Lentement… Qu’importe ce que j’ai trouvé. Du vent et des ombres. Je passais."

Produit par Survivance, L'Homme qui penche a été coproduit par Studio Orlando et The Shooting.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy