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ROSE D’OR 2020

Critique : Fear

par 

- Dans son quatrième long-métrage, après le succès de Losers, Ivaylo Hristov se penche sur le thème des réfugiés en Europe avec des yeux neufs

Critique : Fear
Svetlana Yancheva et Michael Fleming dans Fear

Cinq ans après qu'un groupe de rock ait troublé la vie tranquille d'une ville de province dans le film Losers [+lire aussi :
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interview : Ivaylo Hristov
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, le réalisateur bulgare Ivaylo Hristov a de nouveau recours à un élément perturbateur dans son quatrième long-métrage, Fear [+lire aussi :
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, présentement en compétition au 38e Festival de la Rose d'or. La question des migrants ayant été explorée de maintes façons différentes au cinéma ces derniers temps, Fear l'aborde sous un angle cocasse, en choisissant un ton enjoué pour évoquer la xénophobie provinciale et une certaine attitude assez pan-européenne par rapport aux plus démunis.

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Le scénario, écrit par Hristov, s'ouvre sur une scène où l'héroïne, Svetla (Svetlana Yancheva), clos avec des scellés la porte d'une école qui a été fermée parce que dans le petit village où elle habite, à la frontière entre la Bulgarie et la Turquie, il n'y a plus assez d'élèves. Le nombre d'élèves manquants dans cette commune est toutefois largement compensé par le nombre des migrants qui s'y trouvent. Comme si la vie de Svetla n'était pas déjà assez criblée de difficultés comme ça, tout va changer quand cette femme déterminée tombe sur un réfugié africain en chassant le lapin dans la forêt.

On a l'impression en regardant Fear que le film a été écrit par deux scénaristes, un qui souhaitait divertir le public et un autre qui voulait explorer le sujet très actuel de l'expérience bouleversante que vit une personne qui a été forcée de quitter son pays et semble destinée depuis à ne pouvoir faire un pas sans être confrontée au rejet des autres. Certains spectateurs seront confondus par plusieurs des choix qu'a faits Hristov dans ce film, à commencer par celui de faire de son personnage masculin principal, Bamba (Michael Fleming), une sorte de hipster toujours en train de jacasser, tout cela pour en venir à formuler un message politique assez bizarre.

Bien promu, le film a de bonnes chances d'attirer un nombre impressionnant de spectateurs dans les cinémas bulgares, car Hristov peuple son récit de personnages divers et variés qu'on peut facilement imaginer vivant des vies paisibles dans n'importe quel petit village d'Europe de l'Est – ou même ailleurs. Il y a le maire Gogovska (Miroslava Gogovska), dont les compétences administratives déjà terriblement lacunaires s'avèrent totalement inutiles quand arrive au village un groupe de migrants faisant route vers l'Allemagne. Il y a Ivan le dandy local (Ivan Savov), Bochev (Stoyan Bochev), un costaud qui commande la garnison militaire du coin, etc., et chacun des personnages semble particulièrement enclin à s'engager dans des mésaventures idiotes.

Un autre élément qui surprend dans Fear est le travail de photographie assez singulier d'Emil Hristov, qui est probablement le chef-opérateur le plus prisé de Bulgarie depuis qu'il s'est fait un nom dans les années 1980. Le fait que Hristov ait choisi de tourner Losers en noir et blanc était logique, mais on ne comprend vraiment pas pourquoi il a réitéré dans Fear.

Cependant, l'élément qui laisse vraiment bouche bée ici, c'est le dénouement du film. Dans la mesure où Fear a peu de chances de traverser les frontières (comme l'avait fait Losers), on peut l'évoquer sans craindre de "spoiler" l'histoire, d'autant qu'il est assez révélateur de la manière dont le film traite d'un sujet qui reste complexe : rejetés par tout le village, Svetla et Bamba partent pour l'Afrique dans une charrette conduite par un inconnu mystérieux joué par le réalisateur lui-même. Cette fin, que le public de Varna a apparemment trouvée drôle, est en fait à vous briser le coeur, car les deux seuls personnages positifs du film se retrouvent ostracisés par tout le village (ou la société ?) et c'est Dieu lui-même, semble-t-il (Hristov étant supposément derrière chacune des décisions prises dans le film), qui s'assure qu'ils s'en vont. Il faudrait interviewer le réalisateur pour en savoir plus sur ce symbolisme bizarroïde, car on craint un peu d'avoir ici affaire à de la xénophobie dans un emballage de farce provinciale guillerette.

Fear a été produit par la société bulgare Profilm.

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(Traduit de l'anglais)

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