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AJB DOC 2020

Critique : Transforming Tomorrow

par 

- Dans ce film primé à AJB DOC, le réalisateur bosnien Dino Mustafić dévoile comment le géant de l’acier ArcelorMittal est soutenu par le gouvernement local dans ses activités illégales et nocives

Critique : Transforming Tomorrow

Le lauréat du Prix du jury du programme Al Jazeera Balkans du Festival du film AJD DOC (voir l'article), Transforming Tomorrow [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, tire son titre ironique et amer du slogan de la multinationale sidérurgique ArcelorMittal. L'entreprise opère en Bosnie-Herzégovine avec un manque choquant de responsabilité sociale et environnementale, grâce à une combinaison étrangement familière d'irresponsabilité arrogante de la part des entreprises et de corruption aux échelons les plus élevés de l'État. Tel est le sujet du documentaire réalisé par le metteur en scène et réalisateur bosnien encensé Dino Mustafić.

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Le film s'articule autour de deux intrigues parallèles liées à deux personnages principaux. À Zenica, la troisième plus grande ville de Bosnie, qui abrite des aciéries depuis le début du XXe siècle, le militant écologiste et responsable de l'ONG locale Eco-Forum Samir Lemeš se bat pour que l'entreprise rende des comptes. Malgré les rapports officiels, qui indiquent que les émissions de substances polluantes des usines d'ArcelorMittal sont 17 fois plus élevées que les niveaux autorisés en Bosnie-Herzégovine (et 42 fois plus que ceux définis par les normes de l'UE), les plaintes au pénal sont rejetées par le tribunal local, qui considère qu'il s'agit d'une infraction mineure.

Pendant ce temps, dans la ville de Prijedor, en République serbe de Bosnie, Mersad Duratović, un survivant du camp de concentration d'Omarska, où des centaines de Bosniaques ont été tués pendant la guerre de 1992-1994, se bat également contre l'entreprise, qui possède désormais la mine de fer d'Omarska. Ils interdisent aux survivants de visiter l'ancien camp, sauf certaines zones une seule fois par an, même si les restes des dépouilles des victimes n'ont pas tous été récupérés.

Dans les deux cas, le groupe industriel et le gouvernement ont fait des gestes symboliques envers la communauté, qu'ils n'ont jamais respectés. Au lieu d'installer des filtres promis il y a dix ans, ArcelorMittal a financé la construction du département d'oncologie de l'hôpital de Zenica, tout en affirmant que leurs activités ne représentaient aucun risque sanitaire. L'organisme de santé publique les soutient, en mettant l'augmentation des maladies respiratoires et des cas de cancer sur le compte du tabagisme.

À Prijedor, ArcelorMittal a annoncé la construction prochaine d'un mémorial pour les victimes du camp de concentration. Il n'a jamais été construit, et le fait que la mine se trouve dans la partie serbe de la Bosnie, là où le public ne fera que peu pression sur cette question, facilite les choses à la fois pour le gouvernement et la firme. Dans le final glaçant, qui reprend une interview télévisée, Duratović évoque l'hypothèse très plausible selon laquelle des restes humains de victimes du camp auraient fini dans la Tour Orbit d'ArcelorMittal à Londres, un bâtiment construit avec de l'acier provenant de ses filiales aux quatre coins du monde, pour célébrer les JO de 2012.

Mustafic a réussi à intégrer tout cela avec concision dans les 48 minutes que dure le film, et d'autres choses encore, dont l'exposé d'une méthode d'évasion fiscale sur les taxes et droits de concession utilisée par le géant minier, et des témoignages de citoyens de Zenica atteints de cancer. Bien qu'il s'agisse d'un pur documentaire télévisé, le réalisateur utilise avec goût certains angles de caméra créatifs, et trouve le temps d'insérer des passages à l'atmosphère étrange où l'on voit des images embrumées de Zenica avec pour fond sonore un solo de piano discordant.

Transforming Tomorrow a été produit par Udruženje za kulturu i umjetničko stvaralaštvo Pan (Bosnie).

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(Traduit de l'anglais par Alexandre Rousset)

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