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CANNES 2020 Marché du Film

En temps de crise, les distributeurs apprennent à jongler avec plusieurs balles

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- CANNES 2020 : À l’occasion d’une discussion en ligne intitulée "Sortir des films à l’ère de la pandémie", Eduardo Escudero et Marike Muselaers ont échangé des conseils de survie

En temps de crise, les distributeurs apprennent à jongler avec plusieurs balles
Les participants à la conversation (dans le sens des aiguilles d’une montre à partir d’en haut à gauche) : Ivan Brincat, Eduardo Escudero et Marike Muselaers

Face à la fermeture soudaine des cinémas, les distributeurs indépendants ont testé de nouvelles façons de lancer des films. Le sujet a été évoqué dans le cadre d'une discussion tenue au Marché du Film de Cannes et intitulée "Sortir des films en temps de pandémie", la deuxième d'une série organisée par Europe créative-MEDIA, dont l'objectif était de partager des expériences pratiques fructueuses entre professionnels de l'audiovisuel – "tout comme nous le faisions déjà sur notre stand physique à Cannes", a fait observer le modérateur Ivan Brincat, responsable politique à la Commission européenne, quelque peu nostalgique.

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Eduardo Escudero, distributeur chez A Contracorriente Films ("un nom parfait pour des étrangers", a-t-il fait remarquer) et Marike Muselaers, co-directrice de Lumière, ont expliqué comment ces sociétés ont pris l'initiative d'affronter la crise en utilisant tous les outils de leur arsenal. "Personne ne s'attendait à ce que ça se produise si vite. Pendant les deux journées qui ont précédé la fermeture des cinémas, on avait l'impression d'être en conseil de guerre, a dit Muselaers. Heureusement, nous avions déjà l'infrastructure : il y a trois ans, nous avons lancé une plateforme en ligne, principalement destinée à nos émissions de télévision, par frustration, car parfois, elles n'étaient pas disponibles. Désormais, nous avons décidé de mettre également nos films en ligne". A Contracorriente a également réagi rapidement, en développant l'idée d'ajouter à leurs cinémas une possibilité d'obtention à la demande. "Je n'aime pas le mot 'plateforme', car notre Sala Virtual de Cine [litt. "salle de cinéma virtuelle"] ne propose pas des centaines de films, seulement une poignée soigneusement sélectionnée, a expliqué Escudero. Nous avons décidé que si cela convenait à nos cinémas, cela devait donc convenir aux autres, et nous avons invité d'autres distributeurs à nous rejoindre". 81 cinémas ont rejoint l'initiative et les nouveaux films sont sortis sur la plateforme également.

Comme mentionné par Brincat, le plus gros de "l'action" se passe à la maison. Mais même si les restrictions ont été levées, les nouvelles plateformes sont destinées à demeurer en place, permettant au public de regarder des films dont la carrière en salle est plus courte, mais aussi de recueillir des données. "C'est un service que nous voulons absolument garder, avoue Muselears. Nous avons converti 30 % des gens qui sont venus voir un film et les avons persuadés de jeter un oeil aussi à un programme de télévision cinématographique. Nous avons été en mesure de continuer de faire travailler une partie de notre personnel dédié au cinéma, sur le marketing et la communication de la plateforme, et en deux mois et demi, nous avons vendu 10 000 'tickets', comme nous les appelons". Dans le cas de A Contracorriente, cette nouvelle initiative va également être maintenue. "Il y a toujours de nouveaux films qui sortent en VàD, notamment des films américains de série B. La question était de savoir si nous pourrions créer un "brand" autour des sorties en numérique, et la réponse est oui. Nous avons séduit 30 000 utilisateurs inscrits en un mois seulement". Il s'est avéré cependant que le coût de l'ensemble était le même que celui des sorties en salle. "Il nous faut découvrir comment tailler une 'jaquette' sur mesure pour chaque film : nous ne pouvons pas utiliser le même modèle pour un petit documentaire indépendant et pour Le Roi lion. Nous ne sommes pas au paradis, mais nous n'y étions pas non plus avant", a-t-il ajouté, soulignant le fait que plus les films sont nombreux à sortir, plus le partage est subdivisé. "Plutôt que d'avoir une part de gâteau, vous recevez un morceau de donut".

Mais bien que les cinémas ne puissent pas fonctionner à leur capacité habituelle, il faut bien commencer quelque part. "Nous y avons réfléchi : est-il raisonnable de rouvrir cet été ? Mais finalement, il le faut, même si on doit se contenter de récupérer notre investissement ou qu'on perd de l'argent. On ne peut pas avoir une vaste rouverture de notre chaîne de salles et ne pas proposer cette expérience à nos spectateurs", a dit Muselaers. La solution peut reposer dans le choix de films que, comme Escudero l'explique, les gens ont vraiment envie de voir. "L'expérience a été merveilleuse, mais les cinémas doivent demeurer au centre. Je constate un certain décalage entre ce que les festivals et les critiques applaudissent et ce que le public veut. Peut-être que du fait de la crise, les gens veulent être divertis. Ce n'est pas le bon moment pour une dose supplémentaire de drame".

Alors que l'avenir semble un peu flou, le manque de contenus constamment annoncé, du fait des interruptions de tournages, ne semble pas beaucoup les inquiéter. "Je ne pense pas que nous serons en pénurie. Aussi parce que nous travaillons énormément avec les Scandinaves, et les tournages n'ont pas cessé en Suède !", a dit Muselaers dans un rire, alors que son collègue réfléchit aux changements à venir : "J'ai essayé de participer au Marché de Cannes autant que je le pouvais, et il semblerait que les gens sont toujours intéressés par l'achat de films. Mais la question est : à quel type de marché aurons-nous affaire en 2021 ou en 2022 ?" a-t-il demandé. Nous avons découvert que nous avions besoin de flexibilité entre les exploitants et les distributeurs, c'est une question de survie. Nous pouvons nous asseoir, attendre, et tout nous prendre en pleine face, ou nous pouvons être proactifs". Il faut aussi diversifier, choisir de passer à la production, au co-financement, ou, comme les sociétés de nos deux intervenants, à l'animation et aux événements sur le cinéma, aussi parce que ce sont souvent eux qui prennent le plus de risques. "Je pense que les distributeurs sont les plus faibles de la chaîne", a fait remarquer Escudero. "Il est vrai que nous, les distributeurs indépendants, sommes extrêmement vulnérables. Je dis toujours : il faut jongler avec un bon nombre de balles, comme ça, si l'une tombe, on se concentre sur les autres, a dit Muselaers. Cela dit, ces trois derniers mois, on a constaté un fort intérêt pour les films, devant la télévision. Pendant le confinement, les gens voulaient des récits avec un début et une fin. Donc parmi les leçons qu'on a apprises, il y a le fait que les gens veulent regarder des films". Tant qu'ils sont divertissants.

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(Traduit de l'anglais par Chloé Matz)

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