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CANNES 2020 Marché du Film

Les festivals s’interrogent sur la "nouvelle normalité" à l’ère du Covid-19

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- CANNES 2020 : À l’occasion de la discussion "Socialement distancés, numériquement proches", les directeurs de CPH:DOX et Séries Mania ont partagé des histoires sur leur expérience en première ligne

Les festivals s’interrogent sur la "nouvelle normalité" à l’ère du Covid-19
Les participants à la discussion (dans le sens des aiguilles d’une montre en partant d’en haut à gauche) : Laurence Herszberg, Lucía Recalde Langarica et Tine Fischer

Le festival danois du documentaire CPH:DOX et le festival français Séries Mania, qui devaient normalement se dérouler au printemps, n'ont eu que quelques jours pour repenser leur stratégie suite au renforcement soudain des restrictions contre le Covid-19. Aujourd'hui, lors de la discussion "Socialement distancés, numériquement proches : les festivals et marchés du film en temps de Covid-19 et au-delà" du Marché du Film de Cannes (animée par Lucia Recalde Langarica, cheffe d'unité pour l'industrie audiovisuelle et les programmes de soutien aux médias au sein d'Europe créative MEDIA), Tine Fischer, la directrice de CPH-DOX, et Laurence Herszberg, directrice générale de Séries Mania, ont raconté comment elles ont vécu la transition vers la sphère numérique dans une période de temps aussi courte.

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"Nous avons essayé, non seulement parce que nous voulions atteindre un public plus large, mais aussi, d'un point de vue général et démocratique, parce que nous croyons fermement qu'il faut repenser le fonctionnement des festivals et des marchés, a observé Fischer. Nous nous sommes dit : 'Ok, c'est peut-être notre seule opportunité de créer un prototype de ce à quoi un futur festival pourrait ressembler'. Nous étions comme des enfants dans un magasin de bonbons où quelqu'un nous aurait dit 'servez-vous !'" Tout en reconnaissant que, comme on peut s’y attendre, étant donné l'urgence, certaines choses ont mieux marché que d'autres, elle a tout de même défini l'édition en ligne du festival comme étant le moment le plus important de sa carrière, et souligne également le soutien du public. "Cela a changé ce que nous sommes et changera ce que nous deviendrons. Le public a créé notre nouvelle campagne sur les réseaux sociaux, en disant 'restez chez vous, restez vrais'. Le sentiment de communauté, en ce qui nous concerne, n'a jamais été aussi fort".

Séries Mania, comme l'a mentionné Recalde, s'est déroulé à un des pires moments possibles de la pandémie en France, ce qui a mené à l'annulation du festival mais à un maintien du marché, la spécificité des droits de diffusion à la télévision étant une des raisons. "On ne les aurait pas obtenus pour un public plus large. De plus, pour nous, un festival est un événement humain. On doit être ensemble, se réunir dans la même salle et regarder dans la même direction", a fait observer Herszberg. Même si Séries Mania avait dix jours pour fournir à l'industrie une plateforme numérique, la nouvelle situation a forcé les gens à trouver des solutions intéressantes, et aussi à pitcher en ligne. "Le scénariste du projet belge Good People a utilisé les Playmobil de sa fille. D'ailleurs, il a trouvé des producteurs après ça !", a-t-elle dit, évoquant aussi un projet serbe qui a sollicité l'aide d'un groupe de musique. "On peut être extrêmement créatif lorsqu'il s'agit de raconter une histoire sur une plateforme numérique. Pas seulement en étant devant la caméra, mais en utilisant tout ce qu'on a à sa disposition autour de soi".

Fischer a insisté sur le fait que l'événement n'aurait pas pu se dérouler sans l'aide de consultants en ligne, de producteurs, de réalisateurs et de décideurs. "Nous n'avons pas entendu un seul 'non', et ce qui aurait pu être extrêmement difficile a fini par être une expérience vraiment positive. Un tel changement ne peut être adopté que si l’on travaille en ensemble". Cela s'applique également à la collaboration avec d'autres événements, qui pourraient être désireux de partager leurs ressources ou données. "Les marchés et les festivals ont tendance à être en concurrence. Je ne suis pas contre la concurrence, mais pour créer un changement structurel, nous devons travailler ensemble". Cependant, tout n'a pas fonctionné dans l'espace numérique. "Nous étions efficaces avec notre plateforme, mais ce qui a été un peu décevant, c'est lorsqu'il s'agissait d'interagir ou de s'engager dans un projet. Là, les gens étaient un peu plus réticents, a dit Herszberg. On veut connaître la personne, la joindre, boire un verre ensemble. Cette crise changera la façon d'interagir et le rôle des festivals, mais je suis certaine que nous devrons garder une dimension physique fort".

Il est certes très probable que certains dirigeants voyageront moins et que tous les marchés et festivals ne survivront pas à la pandémie, mais le passage au numérique devrait aider à rendre certaines institutions plus ouvertes, diversifiées et durables, ont dit les intervenants, ainsi qu'à stimuler l'activisme contemporain. "Si on projette un film à l'échelle locale, même dans le cadre d'un festival international, on touche les gens qui y sont. Une fois qu'on passe au numérique, on a une portée plus large et la capacité d'agir différemment", a avancé Fischer, tout en mentionnant le succès de l'entretien avec Edward Snowden organisé par le festival. Normalement prévu pour accueillir 600 personnes, il a été vu en ligne par près de 100 000 personnes.

La crise servant d'accélérateur pour le changement, alors quelle est la nouvelle normalité ? "La nouvelle normalité sera l'hybridité", a dit Herszberg, et Fischer est allée dans son sens. Déterminer ce qui peut être transféré en ligne et ce et ceux dont la présence physique est encore requise est toutefois une autre affaire, plus particulièrement en ce qui concerne les nouveaux venus. Pourtant, ce qui est apparu clairement, c'est le potentiel pour créer des réseaux mondiaux. "Il est possible que je fonctionne en conjonction avec d'autres festivals en assurant la première mondiale du film, que nous nous engagerions à promouvoir. Il s'agit également de redéfinir ce qu'est une première. Je pense qu'on mettra moins l'accent sur le 'moi et ma marque', et plus sur la création de bonnes circonstances pour le film", a dit Fischer. "Notre marché a besoin d'être structuré autour de nouvelles voix", a ajouté Herszberg, dévoilant qu'une annonce serait faite prochainement. "C'est ce que nous essayons de construire : un réseau européen de talents. Nous avons tous notre propre identité, mais si nous sommes suffisamment généreux pour ne pas nous arrêter sur l'idée d'avoir droit à la première mondiale ou d'inviter quelqu'un pour la présenter, et que nous oeuvrons au lieu de cela à la construction d'un réseau qui suivra le projet, nous serons plus forts", a-t-elle assuré. Recalde a résumé l'événement en citant le commentaire d'un participant : "Il devrait exister une récompense pour ce que Tine et Laurence ont accompli". En effet.

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(Traduit de l'anglais par Chloé Matz)

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