email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VENISE 2019 Compétition

Critique : Il sindaco del rione Sanità

par 

- VENISE 2019 : Un interprétation surprenante de Francesco Di Leva, le boss charismatique de la Camorra, dans cette adaptation par Mario Martone de la comédie du même nom par Eduardo De Filippo

Critique : Il sindaco del rione Sanità
Francesco Di Leva dans Il sindaco del rione Sanità

"Que ceux qui ont des saints aillent au paradis, que ceux qui n’en ont pas viennent me voir", dit Antonio Barracano, le charismatique boss camorriste du film Il Sindaco del Rione Sanità [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Mario Martone
fiche film
]
. Par "sindaco", c'est-à-dire "maire" (ndlt.), il faut entendre la personne qui contrôle et administre les activités criminelles du quartier et s'emploie à départager avec l'autorité d'un juge, ses controverses et litiges. Le nouveau film de Mario Martone, en compétition à la Mostra de Venise, scénarisé par le réalisateur avec Ippolita di Majo, est une adaptation de la comédie du même nom écrite en 1960 par Eduardo De Filippo, mise en scène sur les planches en 2017 par Martone lui-même. Le projet est né d’une intuition de l’acteur Francesco Di Leva, animateur du NEST-Napoli Est Teatro de San Giovanni à Teduccio, une des banlieues les plus dégradées de Naples. L’idée était d’actualiser l’histoire de la pièce en abaissant l’âge du héros du chef-d’œuvre d'Eduardo De Filippo de 75 à 30 ans, l'âge moyen des jeunes chefs de la Camora d’aujourd’hui. Le film conserve en revanche l’ambiguïté troublante de ce "maire", vers lequel tout le monde se tourne pour obtenir "justice" et que Di Leva, 40 ans, interprète en déployant un talent impressionnant. Une ambiguïté qui avait été bien expliquée par l'auteur de la pièce : par Eduardo : Barracano n’est pas un parrain, mais un homme qui a vécu dans sa chair une injustice et qui, justement par amour de la justice et par confiance dans les hommes, la rend lui-même.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Dans une des scènes les plus intenses du film, Barracano raconte au riche boulanger Arturo Santaniello (Massimiliano Gallo) qu’il est né dans une famille de pauvres bergers et qu’il a été soumis, à la fin, par le gardien d'un terrain où il était réduit à rester vivre avec ses bêtes. Il avait ensuite nourri des projets de vengeance et tué l’homme, ce qui lui avait valu un procès où il a été déclaré innocent grâce à des faux témoignages.

Le film s’ouvre sur un échange de coups de feu à la sortie d’une discothèque mais les trois actes du film, qui reprend la structure originelle du récit de De Filippo, se déroulent quasiment entièrement en intérieur. La journée du "maire" commence ainsi, par une première visite : celle de l’auteur des coups de feu et de celui qui a été blessé, de tout jeunes amis qui se sont disputés pour un emploi, et qui ont dû se réfugier dans la villa de Barracano, au flanc du Vésuve. Pour recoudre la blessure du jeune homme, il y a le docteur Fabio Della Ragione, un médecin qui vit mystérieusement avec la famille Barracano et sert de bras droit au maire dans l’administration de la justice, par-dessus les parties et en dehors de l’État. Le personnage du médecin, confié à l’interprétation de l’excellent Roberto De Francesco (qui a rejoint la troupe quelques jours seulement avant le début du tournage), est peut-être le personnage le plus à fascinant et pinterien, une sorte de prisonnier qui aurait le syndrome de Stockholm. Pendant la journée, d’autres personnages vont se succéder en audience chez le maire, jusqu’à la confrontation avec le boulanger, que Martone a développée énormément par rapport au texte original. Santaniello représente l’autre face de Naples : c’est un homme honnête qui a constitué sa fortune en travaillant, et qui flanque au visage de Barracano son intégrité avec la dureté d'un diamant. Les personnages féminins, comme la femme de Barracano, Armida (Daniela Ioia), ont été adaptés à notre époque et ils ont davantage tendance à s'exprimer par jeux de regards qu'avec les mots.

À des années-lumière de la série Gomorra, le film de Martone est une histoire sans temps et sans lieu qui parle de sentiment de culpabilité, de rédemption et d’espoir –comme le montre le geste de responsabilité du héros à la fin du film, un geste ouvert et pas du tout pacificateur que De Filippo avait déjà écrit, il y a 60 ans, sans faux optimisme. Dans Il Sindaco del Rione Sanità, encore une fois, le réalisateur napolitain établit un rapport entre cinéma et théâtre, s'inspirant de Polanski, Fassbinder, Kurosawa et certainement Hitchcock, faisant évoluer les personnages dans des espaces vastes mais fermés et les enflammant dès les premiers plans, très longs. Son choix, gagnant, était de donner à la mise en scène le rythme d’un freestyle, une cadence de rap napolitain, un flux mélodique au niveau de la diction des acteurs, et il a également impliqué dans le projet le rappeur Ralph P., qui en plus de jouer dans le film en a également écrit les morceaux de début et de fin.

Il Sindaco del Rione Sanità, produit par Indigo Film avec Rai Cinema, en coproduction avec Malìa  et en collaboration avec Elledieffe SRL, Teatro Stabile di Torino et NEST, va sortir dans les salles italiennes comme film-événement entre le 30 septembre et le 2 octobre, avec  Nexo. Les ventes internationales du film sont gérées par True Colours.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy