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LOCARNO 2019 Compétition

Critique : O fim do mundo

par 

- Basil Da Cunha revient avec un travail exigeant et poétique qui montre le côte obscur d'un Lisbonne trop souvent idéalisé

Critique : O fim do mundo

Cinq ans après Après la nuit [+lire aussi :
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(Quinzaine des Réalisateurs 2013), le réalisateur suisse et portugais Basil Da Cunha retourne dans son quartier de prédilection, Reboleira, dans la banlieue de Lisbonne, pour filmer des personnages à la dérive qui se battent contre les fantômes du passé. O fim do mundo [+lire aussi :
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, en compétition au Festival de Locarno, est un hommage sans concessions à ceux auxquels on refuse désormais la parole.

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Spira sort de maison de redressement après huit ans de détention pour retrouver sa famille à Reboleira, un bidonville en passe d'être rasé. Le retour à la maison n'est pas sans complications et Kikas, un des boss locaux, fait vite comprendre à Spira que le territoire est sous son étroite surveillance. Notre héros déambule parmi les ruines de Reboleira comme un fantôme, conscient que l'avenir a peu à lui offrir. La prison est derrière lui mais des barreaux, à présent imaginaires, ceux de son quartier, continuent de le cerner comme des lances effilées.

Basil Da Cunha filme les corps harassés mais fiers des habitants de Reboleira avec respect et un raffinement formel qui les rend mystérieux voire irréels. La complexité de ce lieu dominé par la violence est ici montrée dans toute sa beauté désespérée, sans fausse pudeur et sans se cacher derrière une hygiène angéliste. Pour Da Cunha, respecter les habitants de Reboleira, c'est montrer leurs côtés lumineux et humains, mais aussi et surtout leurs facettes obscures, brutales et parfois même incompréhensible.

Au lieu de tomber dans le piège dangereux du cliché du “bon sauvage”, le réalisateur nous propose d'observer (souvent de très près) des personnages complexes et fascinants dans leur cruelle ambiguïté qui cherchent simplement à survivre. Dans O fim do mundo, on ne trouvera aucune leçon de morale, juste un regard sincère et direct posé sur une société dans la société que le plus grand nombre préfère ignorer.

Da Cunha parvient habilement à faire coexister réalité et fiction en créant un monde parallèle où le concept de marginalité se transforme souvent en poésie brutale. Ses personnages, relégués dans des ghettos lointains à des années-lumière d'un Lisbonne splendide et gentrifié que se disputent les investisseurs étrangers, retrouvent enfin la dignité et la parole qu'on leur refuse depuis trop longtemps.

Spira nous guide à travers les rues souvent obscures de Reboleira comme un danseur sur la scène d'un théâtre en ruines. La mélancolie de ses yeux et de son visage, filmés de près dans la pénombre, semble refléter la dure réalité d'un monde où il n'y a plus de place pour la faiblesse ou la tendresse. Ici, pour survivre, il faut montrer son côté dur, et l'amour semble un luxe auquel les personnages filmés par Da Cunha ne peuvent se permettre d'accéder.

En public, l'homme de Reboleira doit incarner le stéréotype du macho invincible et intouchable, prêt à tout pour défendre son territoire. Dans O fim do mundo, il est cependant permis de regarder dessous la surface pour voir le coeur de ces personnages qui donnent l'impression de ne plus rien ressentir. Da Cunha filme avec respect et une dose fascinante d'ésotérisme les moments où les personnages deviennent de vraies personnes : ces brefs instants de triste beauté qui révèlent l'humanité cachée derrière la brutalité, comme quand Spira retourne chez lui, la nuit, après sa sortie de prison ou quand il se retrouve seul. O fim do mundo est une manifestation de la magie du cinéma, qui est capable de nous faire regarder au-delà de la surface en nous ouvrant l'esprit vers des territoires inexplorés entre réalité et fantômes.

O fim do mundo a été produit par Thera Production et RTS Radio Télévision Suisse. Les ventes internationales du film sont assurées par Wide Management.

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(Traduit de l'italien)

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