email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2019 Quinzaine des Réalisateurs

Critique : Alice et le maire

par 

- CANNES 2019 : Nicolas Pariser signe une très intelligente et décalée comédie politique brillamment interprété par Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier

Critique : Alice et le maire
Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier dans Alice et le maire

"J’aurais aimé les hommes en dépit d’eux-mêmes". Cette citation de Jean-Jacques Rousseau, extraite de Rêveries du promeneur solitaire et pointant au cœur de Alice et le maire [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Nicolas Pariser
fiche film
]
de Nicolas Pariser, dévoilé à la 51e Quinzaine des Réalisateurs du 72e Festival de Cannes, reflète assez bien la démarche du cinéaste français qui s’est de nouveau penché sur le fait politique après son très remarqué premier opus Le Grand Jeu [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
(découvert à Locarno en 2015 et prix Louis-Delluc du meilleur premier film). Décryptant les systèmes à travers des péripéties individuelles sans jamais porter de jugement sur les faiblesses humaines et réussissant ainsi à faire émerger un vaste champ de réflexion sur la place des idées et des idéaux dans le champ d’action complexe de la République, le réalisateur emprunte cette fois le chemin de la comédie, après s’être essayé au thriller, mais toujours dans un style légèrement décalé qui porte le sceau d’un cinéma d’auteur qui "ne hait pas le divertissement".

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

"Ton poste, c’est de travailler aux idées, prendre du recul par rapport à l’action municipale quotidienne, faire de la prospective". C’est de cette manière qu’Alice (Anaïs Demoustier), une jeune philosophe qui a notamment enseigné à Oxford, se retrouve propulsée à la mairie de Lyon, dans un monde dans elle ignore totalement les us et coutumes et qu’elle va découvrir à vitesse accélérée. Appelée à la rescousse car le maire (Fabrice Luchini), un politique très chevronné, a pris conscience d’un épuisement total de sa pensée ("j’ai l’impression d’être à court de carburant, une voiture de course au moteur puissant qui n’est pas loin de la panne sèche"), Alice va vivre une ascension fulgurante dans la hiérarchie au gré de ses discussions en face-à-face (dans les moments les plus incongrus: en voiture, le soir, etc.) avec le dirigeant municipal qui prend goût à ces échanges. Des confrontations d’idées qui éclairent avec simplicité et justesse ce que peut faire aujourd’hui la politique, ce qu’elle ne peut pas faire et ce qu’elle ne peut plus faire, tout en brossant un tableau sans fard du travail dans la mairie d’une grande métropole, des équipes de communication aux conseils municipaux, des commémorations et inaugurations aux événements culturels, des réunions de brainstorming à la rédaction des discours, des grands projets nourris de concepts marketing creux abondés par des experts en tous genres aux manoeuvres en coulisses liées aux partis et aux ambitions nationales, etc. Le tout dans une passion de tous les instants qui vampirise la vie privée, attise les jalousies professionnelles, frôle parfois l’absurde (lire un livre en une demi-heure, diriger une médiation sur un sujet dont on ignore tout, etc.), mais qui a des conséquences bien réelles sur l’existence de tous les citoyens dans un environnement contemporain où la gestion de la pénurie est déjà en œuvre…

Tissant une exploration très fine et captivante d’un sujet d’intérêt public très difficile sur le papier à transposer au cinéma, d’autant plus qu’il se refuse à truquer l’intrigue avec des coups de théâtre narratifs, Nicolas Pariser réussit à donner corps, sans aucun manichéisme, aux différentes facettes d’un état de crise démocratique. Centré sur la parole (ce qui refroidira sans doute un brin les fans exclusifs d’action), le film se déploie harmonieusement, non sans humour, grâce à la profondeur de dialogues dont s’emparent avec un grand talent ses deux interprètes principaux. Et si la dernière ligne droite pourra sembler à certains manquer un peu de mordant, dans la lignée d’un parti-pris de réalisme assumé jusqu’au bout, l’ensemble n’en constitue pas moins un bel exemple de l’espace d’une pensée utile à tous que le cinéma peut injecter sous couvert d’une comédie intelligente délicatement maîtrisée. 

Produit par Bizibi et coproduit par Arte France Cinéma, Auvergne Rhône-Alpes Cinéma, Les Films du 10 et les Belges de Scope Pictures, Alice et le maire est vendu à l’international par Bac Films.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy