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ONE WORLD PRAGUE 2019

Critique : Reconstructing Utøya

par 

- Dans ce film en forme de séance de thérapie de groupe, Carl Javér laisse s'exprimer les survivants au massacre d'Utøya

Critique : Reconstructing Utøya

On a tendance à penser que le timing ne pourrait être pire pour la sortie du documentaire Reconstructing Utøya [+lire aussi :
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de Carl Javér, récemment récompensé du Prix spécial du jury et du Prix du jury régional au festival One World Prague. Les événements tragiques du 22 juillet 2011, quand une bombe explosa dans des bâtiments officiels d'Oslo avant que l'auteur de l'attentat n'aille continuer le massacre sur l'île d' Utøya, ont déjà été couverts non pas par un film, mais deux en une seule année (la reconstitution en un seul plan-séquence U – July 22 [+lire aussi :
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interview : Erik Poppe
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d'Erik Poppe et le drame Netflix en anglais 22 July [+lire aussi :
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de Paul Greengrass), mais bien que celui-ci ne puisse se mesurer à l'ampleur des deux autres, il trouve une autre manière d'envisager sous un autre angle cette tragédie difficile à oublier. 

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Il est intéressant de voir ce film maintenant, après ce qui vient d'arriver en Nouvelle-Zélande, notamment compte tenu de la décision ferme de la Première Ministre Jacinda Ardern de se concentrer sur les victimes plutôt que sur l'auteur des faits. Cette approche, qui consiste à ne donner aucune notoriété au coupable est au coeur de Reconstructing Utøya : une seule mention est faite de l'homme responsable dans le générique de début, sans le nommer (il est désigné comme "un terroriste d'extrême droite norvégien". Après cela, on s'intéresse tout de suite aux survivants, qui sont au nombre de quatre, et sont rejoints par d'autres jeunes gens qui vont les aider à reconstruire leurs souvenirs. 

Coincés dans un grand espace vide, avec rien d'autre comme décor que des lignes sur le sol (qui font écho à Dogville [+lire aussi :
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), les survivants et leurs petits assistants mettent en scène les événements aussi précisément que possible, mais ils se perdent petit à petit dans cet effort, et l'expérience se met à ressembler à une espèce d'atelier d'art dramatique ou, comme le dit l'un d'eux, un "atelier psychologique". Le concept fonctionne mieux sur le papier (ou à l'intérieur de cet espace) qu'à l'écran, car après un certain temps, il devient lassant de suivre quelque chose qui n'est intéressant que si on participe activement – c'est un peu comme si on assistait aux séances de psychanalyse de quelqu'un d'autre, sauf que les mots sont ici remplacés par des adolescents faits marionnettes. Cependant, ce travail fait qu'on se pose beaucoup de questions, et il a le mérite de respecter suffisamment les victimes pour leur laisser le contrôle de tout le récit. Ce n'est pas pour rien que les gens, s'ils sont capables d'entendre un terrible récit de guerre par leur grand-père sans ciller, ont les larmes aux yeux en voyant un film comme They Shall Not Grow Old [+lire aussi :
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de Peter Jackson.

On se demande aussi ce que ces gens retirent de l'expérience, qui va aussi loin que de les engager à demander à un étranger complet : "Voulez-vous être moi ?". Il y a quelque chose de presque pervers dans l'attention accordée à chaque détail, tandis qu'ils recréent des scènes compliquées et demandent à les revoir encore et encore. Certes, l'idée de revivre un traumatisme pour enfin aller de l'avant n'est pas nouvelle, mais quid des jeunes qui aident les survivants ici, et semblent de plus en plus affectés par leur histoire et le bruit hérissant des coups de feu ? Cette conversation quoiqu'il en soit intéressante est coupée par un dénouement sentimental à en grincer des dents. Ce qui reste, c'est de la compassion : on essaie de comprendre si on pourrait ressentir aussi, simplement en entendant l'autre, au lieu de regarder tout ce dispositif en "essayant de comprendre". Sans doute qu'il n'y a pas de vraie compréhension possible, qu'il faut juste lâcher prise.

Reconstructing Utøya a été produit par Fredrik Lange de Vilda Bomben Films, en coproduction avec Polarfox, FilmCamp, Made in Copenhagen et Film i Väst. En Norvège, le film est distribué par Tour de Force. Ses ventes internationales sont assurées par Cinephil.

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(Traduit de l'anglais)

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