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JIHLAVA 2018

Critique : My Unknown Soldier

par 

- Le 1er long-métrage documentaire d’Anna Kryvenko, créé à partir d’archives vidéo, adopte un angle personnel pour formuler un message universel selon lequel l’Histoire n’est en rien linéaire

Critique : My Unknown Soldier

My Unknown Soldier [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, un premier long-métrage documentaire par Anna Kryvenko, née en Ukraine mais installée à Prague, revient sur l'occupation de la Tchécoslovaquie par les forces du Pacte de Varsovie en 1968, et ce presque exclusivement à travers des archives vidéos, en adoptant un angle fortement personnel. Le film va encore plus loin : ici, les événements historiques et politiques d'il y a 50 ans sont mis côte-à-côte avec ceux de 1945 et se chevauchent aussi souvent avec des conflits plus récents, dont certains sont encore en cours, ce qui crée une stratification complexe entre l'histoire familiale et l'Histoire mondiale. 

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My Unknown Soldier, qui a fait son avant-première internationale dans la section First Light de Ji.hlava, commence par des images où l'on voit des jeunes Pragois en train de profiter du soleil et du vent de liberté que le Printemps de Prague a fait souffler. La monteuse Daria Chernak passe tout de suite après à des images qui montrent de jeunes soldats soviétiques de 18 et 19 ans (des enfants en somme) tandis qu'ils montent à bord de tanks, de camions et de trains pour aller libérer la Tchécoslovaquie des méchants contre-révolutionnaires. "C'est notre devoir fraternel", commente la voix du présentateur d'actualités cinématographiques soviétiques dont on voit des extraits. 

Juste après, de nos jours, on voit notre narratrice, Kryvenko, parcourir un album de photos de famille où elle trouve plusieurs clichés où un personnage a été coupé. On ne sait pas de qui il s'agit. Elle veut faire des études à la FAMU de Prague mais cela fait plus de trois ans qu'elle attend son visa. Quand elle parvient enfin en République tchèque, elle se rend compte que les Tchèques plus âgés se souviennent encore de 1968 et qu'ils sont encore plus qu'amers – on la traite par exemple de "salope d'occupante russe", pendant que dans son pays, les gens meurent Place Maïdan, et que Poutine est sur le point d'annexer la Crimée et d'attaquer le Donbass.

Le film réunit des vidéos d'archives et des photographies récupérées auprès d'une multitude d'institutions et d'antennes de télévision, ainsi que de nombreux courts-métrages, le tout accompagné par un design sonore qui dramatise l'ensemble, de musiques qui vont de l'idyllique au tonitruant (notammment les hymnes et marches) en passant par le sinistre, et de voix de présentateurs d'actualités cinématographiques tchèques et soviétiques. À ces images viennent parfois servir de contrepoint d'autres documents montrant les Tchèques et les Slovaques accueillant l'armée soviétique dans le pays en 1945.

Des archives de l'armée soviétique révèlent qu'on avait demandé aux troupes de s'abstenir d'utiliser des vraies balles. De leur côté, les soldats tchécoslovaques armés se sont vus intimer par leurs supérieurs de rester dans les baraquements. Un témoignage bouleversant décrit comment une foule a presque tué par lynchage une femme ukrainienne, après avoir l'avoir traînée nue dans les rues de Prague. Il n'y a clairement aucune réponse simple à ce qui est évoqué ici. Il est même très difficile de formuler les bonnes questions. 

Et quid de la silhouette découpée dans l'album de famille de Kryvenko ? C'est son grand-oncle, qui a combattu auprès des forces soviétiques occupantes quand il était jeune soldat. On le voit également dans certaines vidéos, ce qui ajoute une touche de mystère morbide autour de l'histoire familiale. 

My Unknown Soldier est un film complexe qui invite à ce qu'on le regarde plusieurs fois, car il contient une pléthore d'informations soigneusement contextualisées et additionnées d'impression personnelle, plus une spirale d'émotions longue et tortueuse qui ne va jamais dans une seule direction. Mais le coup de maître ici, c'est le fait que cette réalisatrice débutante ait réussi à réunir tous ces éléments et à formuler à travers eux à la fois un message personnel, à sa famille et son grand-oncle disparu depuis longtemps, et un message universel : que l'Histoire n'est jamais linéaire. 

My Unknown Soldier a été coproduit par la société tchèque Analog Vision avec Baltic Pine Film (Lettonie) et Wandal Production (Slovaquie). 

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(Traduit de l'anglais)

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