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DISTRIBUTION / SORTIES / SALLES

Portrait de la distribution cinématographique au Portugal

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- Europa Distribution s’est intéressé aux sociétés de distribution portugaise indépendantes afin d’analyser le marché national et ses spécificités

Portrait de la distribution cinématographique au Portugal

Dans le monde audiovisuel contemporain, imprévisible et en rapide évolution, être à la tête d’une société de distribution relève de la gageure. Au Portugal, c’est un combat quotidien : le marché restreint est dominé par un géant qui assied son emprise sur l’exploitation cinématographique. Toutefois, les petites sociétés peuvent adopter des stratégies efficaces afin de se distinguer de la concurrence et maintenir leur part de marché, faible, mais stable.

Europa Distribution a rencontré João Paulo AbreuLuis Apolinario et João Froes, représentants de trois des sociétés portugaises indépendantes les plus reconnues, afin de discuter du marché national et de ses spécificités, ainsi que des avantages et des inconvénients du secteur de la distribution au Portugal. Les trois sociétés de distribution en question sont Films4You, Alambique et Outsider Films.

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Films4You a été créée en 2006 par des gens très expérimentés, tant dans le secteur de la distribution que celui de l’exploitation. À l’origine, l’activité de cette petite société basée à Lisbonne se concentrait sur le cinéma européen. Elle travaille régulièrement avec l’Italie et la France, chaque année, elle distribue des films italiens à succès et quelques comédies et drames français. C’est également dans ces deux pays qu’elle va chercher ses principaux partenaires de production. Films4You, dont l'activité principale est la distribution cinématographique, couvre également d’autres domaines, tels que la SVoD, la TVoD, la télévision payante et gratuite.

Il en est de même pour Alambique, cette société travaille principalement avec des productions cinématographiques d’art et d’essai. Elle s’intéresse plus particulièrement aux films nationaux et indépendants, mais vise également à distribuer des titres de réalisateurs prometteurs et novateurs, quelques fois de renommée internationale, mais encore inconnus au Portugal (notamment Bone Tomahawk de S. Craig ZahlerMademoiselle de Park Chan-Wook et The Eyes of my Mother de Nicolas Pesce).

Enfin, Outsider Films fait la même taille que Films4You et Alambique, mais accorde une attention particulière aux films d’animation. Fondée en 2012 par un producteur, un distributeur de films et un distributeur de vidéos (Froes), cette société a percé en 2013 avec Zambezia, un film d’animation indépendant qui a amassé plus de 100 000 entrées en salles. Depuis, Outsider Films a conservé la même ligne éditoriale : être la société de référence pour les comédies et films d’animation indépendants de qualité. Elle distribue 12 à 14 films par an, européens en majorité (France, Italie et Espagne), et 2 ou 3 films d’animation.

Pour une petite société indépendante, il n’y a rien de plus difficile et effrayant que d’essayer de garder sa place dans un marché restreint et de résister à l’arrivée d’un concurrent colossal et invasif, à l’image d’une baleine dans un étang. Sans surprise, les trois distributeurs citent le même nom en tête des sociétés les plus menaçante : NOS Audiovisuais.

“NOS Audiovisuais domine notre marché, tant au niveau de la distribution que de l’exploitation”, a déclaré João Froes d’Outsider Films. Ce à quoi il a ajouté : "Cette société accapare 67 % du marché de la distribution, tandis que Big Picture 2 (deuxième plus grande société portugaise, NDLR) en contrôle 23 %. De ce fait, à elles seules, ces deux sociétés monopolisent 90 % du marché. Qui plus est, elles sont partenaires !"

João Paulo Abreu de Films4You a souligné la difficulté qu’ont les sociétés indépendantes à rivaliser avec des acteurs si performants au sein d’un marché aussi restreint que celui du Portugal. "Ces grandes sociétés travaillent avec Paramount, Warner Bros., Disney et Universal et, du côté de l’exploitation, elles possèdent 28 cinémas et 280 écrans. De plus, elles appartiennent à un groupe de télécommunication et détiennent 4 chaînes de télévision payantes : nous pouvons donc affirmer qu’elles accaparent la totalité du marché !"

Un autre des enjeux majeur du secteur de la distribution au Portugal concerne le manque d’engagement du jeune public, qui rend la sortie d’un film expérimental comparable à un suicide commercial. "Tous les films destinés à la nouvelle génération sont de plus en plus difficiles à sortir", a précisé Luis Apolinario d’Alambique. Ce à quoi il a ajouté : "Chevalier [+lire aussi :
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d’Athina Rachel Tsangari a fait seulement 300 entrées en salle, mais presque 1000 en festival. On en conclut donc que la jeune génération regarde des films, mais pas au cinéma !" D’après lui, sa société a perdu 2 ou 3 générations de jeunes spectateurs et survie grâce à un public plus âgé. Néanmoins, les jeunes aiment toujours autant les films, ils sont au courant des dernières sorties en ce qui concerne les films d’art et d’essai, ils en parlent même sur les réseaux sociaux : ils refusent simplement de payer pour voir un film, que ce soit au cinéma ou sur une plateforme SVoD. Les jeunes d’aujourd’hui ont l’habitude d’accéder gratuitement aux films, et ils préfèrent les voir en festival ou les télécharger gratuitement, c’est ce qu’on appelle le fossé entre les générations. Toutefois, Alambique développe actuellement une nouvelle approche pour les "petits films", en espérant qu’elle inverse la tendance au cours des 3 prochaines années. Cette stratégie s’appelle Cinema Bold, c’est un nouveau label visant à sortir (presque) simultanément les films au cinéma, en DVD et en VàD. Grâce à une programmation de film coup-de-poing, une campagne promotionnelle solide et un événement spécial, Cinema Bold vise à créer une communauté de cinéphile qui décidera de la sortie d’un film. Alambique espère ainsi créer un lien entre le label et les jeunes spectateurs.

Au-delà des sorties simultanées, Luis Apolinario a également bouleversé les fenêtres de lancement respectées par Alambique depuis des années : 3 mois pour les DVD/VàD, 6 mois pour la télévision payante, 12 à 18 mois pour la télévision gratuite. Sur le plan de la répartition, les supports les plus fructueux sont le cinéma et la télévision payante (35 % chacun), suivi des DVD (15 %) puis de la télévision gratuite et de la VàD/SVOD (7,5 % chacun). D’après les dirigeants de Films4You et d’Outsider Films, la sortie en cinéma permet de prédire si le film va être une réussite ou un désastre. Faire une bonne performance au cinéma signifie généralement que, par la suite, les recettes engrangées à travers les autres segments du "cycle d’exploitation" (DVD, VàD, télévision payante et gratuite) seront fructueuses.

Néanmoins, João Froes a souligné que le plus difficile est de trouver le bon moment pour sortir un film et pouvoir le projeter au cinéma plus d’une semaine. Quelques fois, ce n’est pas suffisant de choisir une date des mois à l’avance, surtout quand on partage le marché avec NOS Audiovisuais, qui peut décider de sortir deux films à succès le même jour, écrasant ainsi les films concurrents. De plus, même si le film connaît un grand succès au cinéma, les nouveaux films peuvent pousser les exploitants, pour qui il est plus important d’offrir des films récents, à annuler un film après la première semaine, ou à lui accorder seulement une projection journalière.

En conclusion, malgré toutes les difficultés qu’elles rencontrent, les sociétés de distribution portugaises indépendantes sont stimulées par leur amour pour le cinéma et elles ne se feront pas oublier de sitôt grâce à leur capacité à développer de nouvelles approches. Nous ne pouvons qu’espérer que leur rêve d’un marché plus équilibré, au sein duquel chacun peut jouer un rôle en fonction de sa position, deviendra un jour réalité. "Nous ne souhaitons pas étendre notre activité, car il faudrait investir plus d’argent. Nous voulons être une référence sur le marché pour les films familiaux et d’animation de qualité afin que le public assimile notre marque à de bons moments !" a déclaré João Froes. "Je rêve d’un marché dans lequel le public reconnaîtrait la valeur réelle d’un film, et où les blockbusters ne représenteraient pas 90 % du box-office", a avoué João Abreu, qui espère une renaissance des productions portugaises. Ce sur quoi Luis Apolinario a conclu : "Nous ne cessons de penser que les films peuvent contribuer à rendre le monde meilleur. Nous en avons besoin, et ils ont besoin d’aide."

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