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CANNES 2013 Semaine de la Critique

Nos héros sont morts ce soir : dans le miroir du match Spectre contre Equarisseur

par 

- Plongée dans les années 60 et en noir et blanc dans l’univers du catch pour le premier long métrage de David Perrault

A l’aube des années 60, le catch connaît son apogée en France. La règle est simple : un héros lumineux et un parfait salaud. Avec son premier long, Nos héros sont morts ce soir [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, dévoilé en compétition à la Semaine de la Critique du 66ème Festival de Cannes, David Perrault ose un pari audacieux à plusieurs points de vue : un film en noir et blanc, un univers atypique du catch néanmoins abordé assez récemment et avec succès par The Wrestler, et un hommage appuyé au cinéma d’antan, en particulier américain des années 30 (avec L’ennemi public en référence affichée). Une ambition détonante dans la production française contemporaine que le cinéaste assouvit avec brio en termes de mise en scène, sans autant de réussite néanmoins du côté d’un récit reposant sur un sujet passionnant (qui est l’autre ? qui suis-je ?) altéré par le manque d’épaisseur des dialogues. Mais la tentative ne manque pas de panache.

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Démarrant parfaitement en restituant le climat tendu de l’époque  grâce à des images d’archives de la guerre d’Algérie, le film est centré sur deux hommes, un bar et un ring. Le premier, Simon (Jean-Pierre Martins) se présente en voix-off, décrivant les rouages des oppositions au catch. Au sommet de ce monde très codifié trône L’ange blanc, la vedette qui "enchaine les prises mieux qu’un danseur". Ensuite vient dans la hiérarchie celui qui cherche l’argent facile, à être tranquille et applaudi comme le Spectre incarné par Simon. Enfin, arrive le mauvais rôle, celui du méchant subissant les huées, un costume endossé par Victor (Denis Ménochet), qui vient d’être renvoyé de la Légion. Introduit par son vieil ami Simon auprès d’un organisateur de combats (Yann Colette) qui teste sa résistance à la douleur et dont le bras droit (Philippe Nahon) fait respecter la discipline ("je vends du spectacle"), Victor est rebaptisé L’Equarisseur de Belleville et porte le masque noir tandis que Simon garde son masque blanc. Mais très vite, au fil des entraînements et des combats, l’ancien militaire est poursuivi par d’étranges cauchemars et traumatisé par son rôle de représentant des forces obscures. Alors, les deux amis intervertissent en secret les masques. Mais devenir l’autre n’est pas si simple et les ennuis commencent.

Reconstituant très efficacement l(en dépit de moyens financiers loin d’être démesurés) l’atmosphère du début des sixties avec ses juke box, ses flippers, ses discours politiques grandiloquents à la radio, et le jazz de Gainsbourg, Nos héros sont morts ce soir brille par sa mise en scène superbe des préparatifs et des combats de catch. Jouant des contrastes de l’ombre et de la lumière (on ne peut s’empêcher de penser à Raging Bull) en les transcendant à l’aide de ralentis et grâce à un montage très inspiré, le réalisateur donne aussi à son ring une dimension onirique tirant sur le cauchemar, en écho à sa problématique centrale du bien et du mal, des rôles et des masques. Débordant de références littéraires et cinématographiques (parmi lesquelles Gérard de Nerval, Hamlet, Franju, Boris Karloff et James Cagney), le film pêche par le déficit de nuances des personnalités et du jeu de ses protagonistes, et par une intrigue secondaire amoureuse de circonstance relativement peu convaincante. Eprouvant certaines difficultés à approfondir le cœur fascinant de son sujet, l’altérité ("ce sera plus facile de prendre la place de l’autre que de jouer son propre rôle"), David Perrault peut cependant compter sur son sens extrêmement aiguisé de l’image pour développer un talent naissant.

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