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FILMS / CRITIQUES

Nothing Personal

par 

- Le vainqueur du titre de meilleur film hollandais de l'année. Une oeuvre complexe sur les multiples facettes d'une émotion souvent discutée mais peu représentée au cinéma : la solitude

Avec le titre encensé Nothing Personal [+lire aussi :
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fiche film
]
qui a remporté six prix à Locarno et quatre Veaux d'or (prix du cinéma hollandais) dont celui du meilleur film, la réalisatrice d'origine polonaise résidant aux Pays-Bas Urszula Antoniak ajoute son nom à la liste croissante en Hollande des cinéastes d'art et d'essai qui se trouvent être des femmes. Son premier film pour le grand écran (après plusieurs téléfilms) explore de manière singulière la solitude à travers deux personnages qui la désirent (ou du moins n'en souffrent pas), se reconnaissent l'un l'autre cette qualité et, paradoxalement, se lient l'un à l'autre autour de ce goût de la solitude.

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Les récits, et partant les films, passent souvent longtemps à rendre compréhensibles des motivations, des actions et des pensées qui, dans la vraie vie, seraient tout le contraire. Ce premier long métrage d'Urszula Antoniak refuse toutefois cette approche, choisissant pour premier plan l'image de boîtes pleines d'un indistinct bric-à-brac qui représente le passé de l'énigmatique héroïne (dont le nom reste inconnu pendant tout le film), interprétée avec fougue par la Néerlandaise Lotte Verbeek.

Ces boîtes sont empilées devant la maison qu'elle quitte. Dans la scène qui suit, on voit cette héroïne aux cheveux roux sur une vieille route de campagne dans l'automne irlandais (photographié avec un joli sens de l'atmosphère et de la valeur narrative des images par Daniël Bouquet). Prise en auto-stop par un camionneur, elle saute tout du suite du véhicule en marche car elle croit avoir vu le conducteur tripoter sa braguette. Quand il arrête son camion et en descend lui aussi, elle émet un cri strident, animal, pour l'effrayer. Est-elle vraiment en danger ou sa peur vient-elle de la raison qui l'a forcée à quitter les Pays-Bas ?

Ces deux séquences, courtes mais habilement réalisées, suffisent à démontrer le talent de narratrice visuelle d'Urszula Antoniak qui donne volontiers des indices mais refuse de fournir des réponses définitives, réflétant ainsi les vues et la connaissance souvent partielles des choses qu'ont les gens dans la vraie vie.

L'intrigue démarre vraiment quand la jeune femme entre en contact avec Martin (interprété par l'acteur irlandais chevronné Stephen Rea, apprécié dans The Crying Game), veuf d'âge moyen. Ce dernier est un homme sophistiqué et solitaire qui vit dans une maison de campagne bien équipée mais très isolée (Urszula Antoniak a tourné dans la demeure d'Oscar Wilde). La jeune femme, d'abord agacée par la gentille mais profuse attention qu'il lui accorde – plus par courtoisie que par besoin –, se déride progressivement après qu'il lui ait proposé de travailler pour lui en échange du couvert et, par la suite, du logis (car elle dort dans une mince tente plantée dans la lande).

Martin baigne dans le confort sous toutes ses formes ; il possède notamment une vaste collection de disques de musique classique, de livres et de produits d'épicerie fine qui renvoient tous à la civilisation, et donc à l'interaction humaine. Cependant, tout en prenant plaisir à jouir de ces biens comme de la compagnie de la jeune héroïne, il semble tout aussi heureux quand il est seul.

Urszula Antoniak développe la relation entre ces deux personnages en imitant subtilement les différentes formes de solitude qu'ils se reconnaissent mutuellement : sa solitude à elle lui a peut-être été brutalement imposée comme écran protecteur contre les événements du passé ; sa solitude à lui tient plus d'une lassitude du monde qui l'a atteint petit à petit à force de vivre à la campagne et du fait de sa décision de ne pas se remarier.

Les scènes finales, calmement choquantes, prennent la forme d'une transfiguration évocatrice du thème central de la solitude qui souligne le postulat discrètement présent dans tout le film, tant sur le plan narratif que sur le plan visuel, à savoir qu'il est sans doute impossible de connaître entièrement quelqu'un, mais que cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer.

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(Traduit de l'anglais)

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