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Etats-Unis / France

Olivier Assayas • Réalisateur d’Irma Vep

“J’aimais l’idée de connecter le cinéma américain au cinéma français indépendant”

par 

- Le cinéaste français, toujours aussi tendance, nous parle de sa nouvelle série, qui vient d’être diffusée sur HBO, et des nombreux échos au passé et références qu'elle contient

Olivier Assayas • Réalisateur d’Irma Vep

Ce n’est pas de la télévision, c’est HBO, comme le dit le fameux slogan du géant du câble américain. Et à présent, à l'instar de collègues comme Luca Guadagnino et Barry Jenkins, qui ont déjà eu droit à de vastes plages de plusieurs épisodes pour leurs projets, à son tour, Olivier Assayas a tenté l’aventure de la télé américaine premium, extrapolant à partir de son méta-film de 1996, Irma Vep [+lire aussi :
critique
interview : Olivier Assayas
fiche série
]
, cette fois avec Alicia Vikander dans le rôle que tenait alors Maggie Cheung : celui de la star étrangère glamour qui échoue dans l’univers du cinéma français, pétri de paranoïa. Presque comme par la fait d'un lapsus révélateur, Assayas s'est référé au projet comme étant un "film" tout au long de notre entretien.

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Cineuropa : À présent que la diffusion d''Irma Vep est achevée, vous avez probablement des sentiments doux-amers. Avez-vous aimé suivre la succession hebdomadaire des épisodes et voir la réaction des gens sur les réseaux sociaux et ailleurs ?
Olivier Assayas :
Tout s’est passé en même temps : les premiers épisodes ont été projetés et diffusés avant même que j'aie terminé les trois derniers, donc je devais simultanément travailler sur le film, promouvoir le film et, donc, gérer les épisodes qui étaient encore à différents stades de leur post-production. J'ai fini le 8e épisode au moment de la diffusion des épisodes 5 et 6. Donc c'est la première fois, qui plus est sur un projet de cette échelle, que j'ai dû promouvoir le film et travailler dessus en même temps – ce qui est, dans mon univers, complètement nouveau et dingue. Dès que j'ai eu fini, je suis parti en Italie.

Aviez-vous en tête le lien entre les séries de films des débuts du cinéma et la télévision de haute qualité de maintenant – car la narration en plusieurs épisodes semble attirer ces derniers temps plus de scénaristes et cinéastes "sérieux" ? On pourrait dire que la boucle est bouclée.
Oui, complètement, et j’étais aussi très conscient de ça parce que j'en ai fait le sujet de mon mémoire de maîtrise quand j’étais étudiant. J’ai écrit sur la connexion entre les séries de films (les thrillers criminels du début du XXe siècle) et la poésie symboliste, car il y avait beaucoup de dialogue au niveau des thèmes, des visuels et de l'imaginaire entre la culture populaire et la culture des sphères intellectuelles. Pour moi, la seule chose qui a légèrement différé par rapport à mon fonctionnement habituel, c'est que la post-production et le montage ont été beaucoup plus rapides. J’ai dû réduire le temps normalement dédié à ces étapes. Nous étions lié par la date de livraison, ce qui signifie que le travail a été plutôt intense. Je pense que ça se reflète dans le produit fini, mais au bout du compte, c'est une chose positive.

Je suis curieux de savoir comment s’est passé le travail avec HBO, qui est sans doute la chaîne américaine la plus respectée. Aviez-vous un peu de champ libre ?
Il avait beaucoup d’interférences de la part de HBO, mais ça tenait aussi pour beaucoup à la pression du calendrier imposé : je devais leur envoyer tout de suite les premiers montages, et ils me renvoyaient très vite des notes. Si j’avais eu plus de temps, j’aurais attendu avant d’envoyer, j'aurais évité ce processus fastidieux. Cela dit, ça m’a aidé d’avoir un retour immédiat sur chaque épisode alors même que je travaillais dessus et finalement, j'en ai utilisé une grande partie, parce que les notes étaient plutôt bonnes... [digression]… Certaines étaient moins claires pour moi, d'autres ont été très utiles.

Vous avez clairement tenu à choisir des acteurs français.
Totalement. Je suis un réalisateur bilingue – j’ai fait des films en anglais, etc. C’était toujours des productions européennes. En l’espèce, il s’agissait d’une production américaine, donc j’ai aimé l’idée de connecter le cinéma américain et le cinéma français indépendant et d'utiliser un mélange de comédiens – aussi parce que c'est quelque chose que les générations précédentes ne pouvaient pas faire, parce que les acteurs ne parlaient pas anglais (comme Jean-Pierre Léaud dans le Irma Vep originel : il parlait en anglais phonétique, il n’avait aucune idée de ce qu’il disait !). Donc il y avait très peu d’acteurs français qui étaient bilingues à l’époque, et qui pouvaient se débrouiller dans un rôle en anglais, mais maintenant, ça a changé : dans la nouvelle génération des acteurs, la plupart se sentent assez à l'aise en anglais et la plupart de ceux qui le sont moins ont des coachs. Donc je connais la mécanique de la chose, j'y suis habitué. Je peux les rassurer, leur dire de ne pas s'en faire.

Compte tenu du fait que nombre de vos films parlent explicitement de politique (notamment de gauche) et des affaires mondiale, il est intéressant de voir comment ça se manifeste ici. Je pense en particulier au contexte de Première Guerre mondiale des Vampires.
Alors, pour tout vous dire, nous avons tourné ces scènes parce que Louis Aragon, le poète, a écrit un très beau texte sur la fascination des surréalistes pour Musidora, et aussi sur l’érotisme du personnage d'Irma Vep, et sur le fait qu'elle a été la dernière image sexuelle que beaucoup de soldats partis à la Première Guerre mondiale ont vue, et qu'ils allaient sans doute mourir en pensant à ça. J’ai donc tourné une scène où Louis Aragon parle sur tout un collage d’images de la guerre, mais ça n’avait pas de sens, parce que le plus gros du public international n'a pas idée de qui est Aragon, et seulement une notion très vague de ce qu'a été la Première Guerre mondiale. Dans le scénario, je ne sais pas pourquoi, mais ça collait parfaitement, alors nous avons tourné la scène, avec l’acteur Grégoire Leprince-Ringuet, mais quoique la scène fût très belle, elle cassait le rythme de l’épisode, donc nous avons dû la couper. Mais il en reste quelque chose, quelque chose de lié à la guerre, un propos sous-jacent sombre qui se rattache parfaitement au texte de Louis Aragon.

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(Traduit de l'anglais)

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