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KARLOVY VARY 2022 Compétition

Christos Passalis • Réalisateur de Silence 6-9

“La compréhension, c’est surfait”

par 

- Nous avons interrogé l’acteur grec sur son premier film derrière la caméra, et devant, face à Angeliki Papoulia

Christos Passalis • Réalisateur de Silence 6-9

Tout en interprétant le rôle principal masculin, aux côtés d'Angeliki Papoulia, Christos Passalis réalisateur nous montre dans son film une petite ville au milieu de nulle part, où des gens esseulés continuent d’attendre le retour de leurs proches. Incapables de tourner la page, ils ne peuvent pas non plus crier leur douleur, car on les oblige à garder le silence de six heures à neuf heures. Nous avons interrogé Passalis sur ce film, au titre éloquent de Silence 6-9 [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Christos Passalis
fiche film
]
, qui a été projeté en compétition à Karlovy Vary.

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Cineuropa : Comment avez-vous créé l'étrange atmosphère de ce film ? Vous n’expliquez pas trop, vous vous contentez d'entrer dans ce monde.
Christos Passalis : J’aime ce terme, atmosphère : c’est quelque chose qu’on peut communiquer à ses collaborateurs sans trop expliquer. C’est ça qui est bien. Avec ça. On voit un film, on écoute de la musique et on se dit : "Voilà, ça c’est le film". Mais on ne peut pas vraiment pas l’expliquer avec des mots, seuls les grands écrivains le peuvent. Nous avons commencé à écrire le film [avec Eleni Vergeti] par petits bouts, en commençant par les choses que nous aimions. Je ne suis pas mystérieux comme personne, ni cryptique, mais dans les films ou les poèmes, on n'a pas besoin de tout dire explicitement. Parfois, je pense que notre sens logique va nous détruire : nous avons besoin de trouver nos émotions d’abord.

Avec des histoires comme celle-ci, il faut s'assurer que les relations soient crédibles, même si le monde qui les entoure est fou. Terry Gilliam faisait ça très bien.
Angeliki et moi sommes dans notre quarantaine, mais la relation de nos personnages me fait plutôt penser à la puberté. Il y a cette maladresse qui existe entre eux. Je voulais montrer une relation plus innocente (quel que soit le sens de ce terme) entre deux adultes. La vérité, c'est qu'à moins qu’il y ait une bonne raison pour ça, je ne peux pas vraiment regarder deux personnes s'embrasser à l’écran. Je ne comprends jamais pourquoi ils le font ! Ils ne le font pas, même s'ils sont clairement amoureux. Ça n'a rien à voir avec le puritanisme : il faut que ça ait du sens, sinon ces scènes deviennent les plus ennuyeuses. À moins qu’on ne parle de quelque chose comme Don’t Look Now ou Mulholland Drive.

Il y a un sentiment d'absence d’espoir auquel beaucoup de gens se réfèrent aussi quand ils décrivent la situation de votre pays. Cette histoire est-elle pour vous un peu politique ?
Parler de politique directement serait ennuyeux. Ce n’est pas mon esthétique. À mon avis, ça devrait être fait de manière subtile. Il n’y a pas de relation directe avec ce qu’on est en train de vivre maintenant, mais ce remous politique qui s'est fait une place dans le film était capital. Ces deux personnes se retrouvent dans un endroit où il y a une intranquillité sociale et des disputes. Ils sentent la pression de forces extérieures.

Vous décrivez des sujets assez sérieux, mais il y a de l'humour aussi. J’étais récemment en Italie, et ça disait, dans un hôtel : "Silence de 2 à 4h". Ça semblait vraiment arbitraire, comme dans votre film.
Cette histoire parle d'un monde très absurde, mais nous obéissons vraiment à des règles comme celle-ci. Notre existence est basée là-dessus. Quand quelqu’un nous dit ne pas franchir une ligne, on ne le fait pas. On se dit qu’il doit y avoir une raison. En Grèce, pendant la pandémie, on devait envoyer des messages si on voulait aller se promener. Le scénario a été écrit avant la pandémie, mais certains éléments de notre réalité récente se sont insérés dedans. L’État et le gouvernement introduisent ces règles, et nous les respectons. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est le cas. Dans ce sens, les artistes sont utiles, parfois : ce sont eux qui remettent les choses en question.

Presque toutes les mentions de votre film contiennent ces mots : la "nouvelle vague grecque, des films étranges". Ça a été utile par le passé, mais est-ce toujours le cas, ou est-ce que ça vous paraît paresseux comme description ?
C’est drôle, j'ai justement utilisé le mot "paresseux" dans une autre interview à Karlovy Vary. Quand vous parlez des films grecs, suggérer qu’ils appartiennent tous à une "vague", c’est paresseux. C’est une approche paresseuse de la singularité de chaque film. Il y a une nouvelle vague dans le sens de nouvelle génération d’artistes qui parlent différemment de notre réalité, mais je n’aime pas qu’on colle des étiquettes sur les choses. Mon objectif était de créer un monde que j’aimerais habiter, aussi dystopique ou utopique qu’il puisse paraître. Je voudrais exister là-bas, mais comme je l’ai dit, on s'attache trop à tout comprendre. Tous mes films préférés peuvent être "compris" sur un plan émotionnel. Je ne saurais pas dire de quoi ils parlent : je ne peux que décrire le parcours intérieur que j'ai fait en les voyant. Je ne sais pas ce qu'est L'Année dernière à Marienbad ou de quoi parlent les films d'Apichatpong Weerasethakul. C’est important, de faire travailler le spectateur.

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(Traduit de l'anglais)

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