email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BELGIQUE Pays-Bas / France

Banu Akseki • Réalisatrice de Sans soleil

"C’est un film qui plus que narratif, est immersif"

par 

- Rencontre avec la réalisatrice belge pour parler de son coming-of-age atmosphérique, un film qu’elle a voulu faire pour montrer un monde qui se dégrade

Banu Akseki • Réalisatrice de Sans soleil
(© Alice Khol)

Rencontre avec la réalisatrice belge Banu Akseki. Découverte avec ses courts métrages Songes d'une femme de ménage et Thermes, elle sort cette semaine en Belgique à travers sa société de production Frakas Film son premier long métrage, Sans soleil [+lire aussi :
critique
interview : Banu Akseki
fiche film
]
, avec Louka Minnella, Sandrine Blancke et Asia Argento, un coming-of-age atmosphérique, portrait d’une adolescence en quête de sens vécue dans un monde pré-apocalyptique où plane la menace d’un soleil en rébellion.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Cineuropa : Quelles sont les origines de Sans soleil ?
Banu Akseki :
Après mes deux courts métrages, j'avais envie de faire un film où je pourrai montrer un monde qui se dégrade. Pas tant une fin du monde que cette déliquescence de l’avant. Je ne savais pas forcément à ce moment-là quelles en seraient les causes, mais l’envie était là, et puis assez rapidement s’est imposé ce duo entre une mère et son fils. A partir de là, j’ai commencé à réfléchir au soleil. Comment son dérèglement pourrait avoir un écho cosmique, presque divin sur la psyché des personnages. Cela me semblait très excitant d’inventer un monde, même proche du nôtre, en train de se déliter, de se dégrader. Un monde qui serait rongé par une mélancolie froide, qui se répand peu à peu. Seule la chaleur humaine peut y faire face, mais celle-ci aussi se désagrège peu à peu.

Même si le sous-texte écologique est évident, le film s’emploie finalement surtout à explorer les réactions des gens…
Oui, d’autant que l’on ne connaît jamais vraiment les origines de ce mal, cela reste flou. On ne sait même pas vraiment si les éruptions solaires en sont bien responsables. Les avis divergent, certains choisissent d’ignorer le mal, d’autres de l’embrasser. Une communauté voit le jour, qui décide de vivre sous terre. Que faire face à un mal invisible ? Soit on est dans le déni, soit on accepte. On vit avec, on essaie de se protéger, mais il n'y a pas vraiment d'explication logique. Ça vient s’imposer aux personnages. Quand il n’y a pas de réponse, c’est assez logique d’amener une présence du mystique, qui offre une forme d’espoir de retrouver la lumière, la chaleur.

Comment avez-vous pensé le trio du film, entre le fils, la mère disparue, et la mère fantasmée ?
Quand j’ai commencé le processus d’écriture, qui s’est avéré très long, j’ai lu beaucoup de récits fantastiques du XIXe siècle, où il est souvent question d’êtres chers perdus. Mon personnage principal voit ressurgir une sorte de fantôme qui ressemble à sa mère perdue, et qui vient le hanter. On voit ça dans Bruges la morte par exemple. Le héros y est hanté par sa bien-aimée qui est décédée, et qu’il voit ressurgir dans les rues de Bruges, il se met alors à la suivre, happé par cette apparition. On retrouve ce motif dans le film. Ici on ne peut pas parler à proprement parler de fantôme, mais il y a quand même un personnage qui va happer Joey malgré lui dans un autre monde. Cette relation, forcément, est vouée à l’échec. Une porte est ouverte vers un autre monde, et on se demande si Joey va y rester…

Quelle est la place justement du fantastique et du genre dans à la fois au moment de l'écriture et dans votre envie du film aussi ?
Je ne suis pas partie techniquement avec l’idée d’écrire un film de genre, c’est venu comme ça. C’est vrai que mes deux premiers courts métrage étaient beaucoup plus ancrés dans la réalité, et ici j’avais envie qu’il y ait quelque chose qui ne relève pas forcément du fantastique, mais en tous cas d’une inquiétante étrangeté. Les éruptions solaires existent et peuvent avoir des conséquences, mais réduites. Pour l’instant. Il a fallu amplifier les conséquences, et l’anticipation et le fantastique sont arrivés avec cette amplification. Pour le reste, c’est très proche du monde dans lequel on vit.

Le trouble vient aussi de cette impression pré-apocalyptique, dans un monde qui ressemble fortement au nôtre, surtout avec la pandémie, qui j’imagine n’était pas prévu à l’origine…
Ah non, ce n’était pas prévu, c’est sûr. Mais je pense que tous les films d’anticipation peuvent avoir des échos avec ce qu’on a vécu, c’était tellement extraordinaire.

Ce sont surtout les dynamiques entre les personnages qui évoquent ce que l’on vient de vivre…
Oui, il y a les gens qui s’y opposent, ceux qui y croient, ceux qui sont dans le déni. Et l’imprévu crée des tensions.

Il y a aussi une drogue qui circule, quel est son sens ? C’est une alternative à une certaine forme de spiritualité ?
Dans ce genre de société, on peut imaginer que l’ivresse devient une sorte de grande aide pour les personnages, qui y trouvent un remède pour oublier leur mélancolie et leurs douleurs. Cette idée d’état d’altération de la conscience était présente dès le début de l’écriture, je voulais des scènes de transe, où on les voit danser, s’oublier. Cette drogue est un élément important pour trouver cet état, cette mystique, presque. C’est peut-être une façon de s’élever ? Et puis il y avait l’intuition visuelle, que la drogue passerait par les yeux, et les larmes.

Il y a un vrai minimalisme dans l’esthétique narrative et visuelle du film, dans laquelle sont plongés des personnages en mouvement.
Joey c’est un marcheur, il est happé par la revenante. Dès le début, j’avais en tête un personnage qui marche, ne sait pas vers où. Le scénario est lui-même assez minimaliste, il ne se passe pas énormément de choses, le parcours du personnage est ponctué de petites choses. Mon intuition, esthétiquement, c’était la caméra à l’épaule. On n’est pas dans une image très lisse, elle est plutôt un peu rugueuse, je voulais pouvoir ancrer ce monde d’anticipation dans notre réalité. Et puis le film se divise entre ce monde diurne et le monde nocturne, souterrain. Le monde d’en haut est fait d’intérieurs aux grandes baies vitrées, le monde souterrain s’articule autour de scènes de nuit, essentiellement. L’éclairage vient beaucoup du décor. Les inspirations pour ce monde souterrain, ce sont les campements de réfugiés, les mole people ou tunnel people, des sans-abris qui vivent dans des tunnels, dans les métros souvent, qui sortent très peu, voire jamais.

Pouvez-vous nous parler du travail très organique sur le son ?
Il était important pour moi de ne pas noyer tout le film dans les ondes, je voulais les décliner en plusieurs couches. Je voulais permettre au spectateur d’atteindre un état de contemplation. C’est un film qui plus que narratif, est immersif.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy