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CANNES 2022 Quinzaine des Réalisateurs

Alice Winocour • Réalisatrice de Revoir Paris

"Les gens n’arrêtaient pas de s’arrêter et de demander si quelque chose s’était passé, donc nous avons dû mettre des panneaux disant ‘ceci est un tournage de film’”

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- CANNES 2022 : La réalisatrice française s’inspire des attentats de novembre 2015 à Paris et propose une lecture très personnelle des événements

Alice Winocour • Réalisatrice de Revoir Paris

Dans Revoir Paris [+lire aussi :
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interview : Alice Winocour
fiche film
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, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du 75e Festival de Cannes, on rencontre Mia (Virginie Efira), victime d'un attentat terroriste dans un bistrot parisien, qui tente de retrouver une vie normale, du moins autant que possible, après ce traumatisme. En plus d'avoir fait des recherches poussées sur le sujet, la réalisatrice et scénariste Alice Winocour a également un lien personnel avec cette histoire.

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Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a amenée à entreprendre ce parcours ?
Alice Winocour :
Une chose personnelle, car mon petit frère était au Bataclan la nuit des attentats. Je lui écrivais un texto et il a répondu qu'il ne fallait pas que je lui écrive, parce que l’endroit avait été pris d'assaut par des terroristes. J'ai écris le scénario à partir de mes souvenirs de cette nuit, mais aussi des discussions que j’ai eues les journées et les mois qui ont suivi, avec mon frère. J’ai décidé de ne pas représenter le Bataclan et d'écrire sur un lieu fictionnel, inspiré par ces souvenirs et par le monde que j’ai découvert à travers mon frère et des gens autour de lui qui ont survécu et que j’ai rencontrés.

Donc votre frère a survécu ?
Oui, bien sûr – j’aurais peut-être dû être plus claire. Et il est très proche du film : il a lu le scénario et rencontré les acteurs. Il apparaît même à un moment dans le film, comme figurant.

Avez-vous parlé à des experts en psychologie et psychiatrie pendant vos recherches ?
Bien sûr, et on m’a parlé de cette notion de "diamant dans le trauma", qui est la beauté qui peut émerger de la tragédie. Derrière un événement traumatisant, il y a des rencontres entre des gens qui ne se seraient pas connus s'ils n'avaient pas vécu une tragédie, des gens venant de mondes et de classes différentes. La plupart du temps, nous sommes cantonnés à nos classes sociales respectives et les moments où cela peut changer sont très rares, s'il y en a jamais. Mais dans des moments comme ça, les barrières sont éclatées : on est tous égaux face à la tragédie. J’ai rendu visite aux associations de survivants où des gens qui ont perdu des proches cherchaient des rescapés pour savoir s'ils se souvenaient de ce que ces proches avaient dit ou fait avant de mourir. Ils ont essayé de reconstituer les événements en tant que collectif, le collectif faisant partie de la thérapie, parce qu’on ne peut pas faire ça tout seul. Au-delà de ça, les gens se rassemblent, ils sont là les uns pour les autres, ils s'aident. Montrer ça aujourd’hui, alors que des communautés différentes sont en train de se battre, ça semble important, et c’est une belle chose.

La ville de Paris a un rôle important dans le film, c’est presque un personnage à part entière.
Paris est ma ville. Je n’ai jamais tourné à Paris avant, ça a été difficile pour moi. Je voulais précisément montrer Paris comme un personnage à part entière, le personnage blessé que Paris est devenu après les attentats et que tous les Parisiens ont senti. Nous avons senti ces émotions quand nous avons tourné, surtout que le procès du Bataclan était en cours en même temps. Quand nous tournions devant le restaurant où l'attentat a lieu dans le film, nous avions mis des tas de bougies, en mémoire des victimes, et les gens ne cessaient de s’arrêter pour demander si quelque chose était arrivé, de sorte que nous avons dû mettre un panneau disant "Ceci est un tournage de film". Donc la réalité et la fiction se sont vraiment rapprochées l’une de l’autre, dans ma tête et dans la ville.

A-t-il été difficile de trouver un titre ? Vous avez choisi Revoir Paris, Paris Memories en anglais.
Ce n’est pas venu facilement, non. Ce que j’aime dans "Revoir Paris", c’est le sens de voir sous un regard neuf. Je pensais beaucoup aux Ailes du désir de Wim Wenders en écrivant, pour l'idée d'errer dans une ville dont on n'est plus une partie humaine, ce qui arrive au personnage de Virginie. Elle est un peu dans un entre-deux, comme un fantôme qui peut voir les autres fantômes de l’attentat.

A-t-il été difficile de lâcher ce film dans le monde pour le laisser voler de ses propres ailes ?
Non, au contraire. Le processus a été long, et j’étais vraiment heureuse que la première ait lieu en France, à Cannes. Mon frère a vu le film avec moi hier, pour la première fois. Il était content, mais nous en reparlerons ensemble, plus tard.

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(Traduit de l'anglais)

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