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BERLINALE 2022 Compétition

Nicolette Krebitz • Réalisatrice de AEIOU - L'alphabet rapide de l'amour

“C’est un film qui parle d’amour, et je ne ressens que de l’amour pour tout le monde ici”

par 

- BERLINALE 2022 : Après Wild, la réalisatrice allemande propose une autre histoire d’amour atypique, mais cette fois, pas de loups

Nicolette Krebitz • Réalisatrice de AEIOU - L'alphabet rapide de l'amour

Anna (Sophie Rois) est dans sa soixantaine, mais elle tombe amoureuse comme une adolescente, d'un adolescent (Milan Herms), d’ailleurs. Leur histoire d’amour va les amener du commissariat de police à des cours de diction et finalement jusqu’en France, sur des airs de Nina Simone et Robyn. Nicolette Krebitz nous parle du film qu’elle a présenté en compétition à Berlin, A E I O U – L'alphabet rapide de l'amour [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Nicolette Krebitz
fiche film
]
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Cineuropa: Anna et Milan forment un couple intéressant. Vous montrez l'attirance qui naît entre eux assez lentement et timidement.
Nicolette Krebitz :
Certaines personnes m'ont pourtant dit que tout se passait trop vite[rires]. Nous prenons notre temps, et pourquoi pas ? Ces deux-là ne sont pas très susceptibles de finir ensemble. Tout autour d'eux leur dit qu'ils ne devraient pas. Donc oui, ça prend probablement un peu plus longtemps qu'un rendez-vous Tinder, où les gens disent : "Ça va ? OK, allons-y". Je pense que cette alchimie n'est pas quelque chose que le metteur en scène peut créer : soit elle existe, soit il n'y en a pas. Entre Sophie et Milan, quand nous les avons invités à faire un bout d'essai ensemble, c’était tout simplement évident. Ils s’écoutaient l'un l’autre, ils voulaient être excellents l'un devant l’autre. C’est un film qui parle d’amour, et je ne ressens que de l’amour pour tout le monde ici. Je ne voulais pas montrer quoi que ce soit que je déteste.

Pour beaucoup de gens, c’est un gros problème, qu’elle soit beaucoup plus âgée.
Je suppose que c’est très bien si les gens ont des émotions fortes sur la question, mais le plus important, c’est que ces scènes et ce film existent, et qu’on puisse les voir. Ça fait quelque chose, quand on peut voir des images de ce genre de couple, ça devient plus réel, plus normalisé. La représentation, ça compte. Je pense que beaucoup de femmes aimeraient se voir de cette manière, et avec un peu de chance, elles vont s’amuser ce faisant. Pour les hommes, eh bien ça peut être assez stressant, surtout s’ils se concentrent sur leurs privilèges passés. Ils ont peur de les perdre, mais s’ils sont en paix avec eux-mêmes, je pense qu’eux aussi vont apprécier le film.

Pourquoi leur avez-vous offert ces vacances de rêve en France ? Ça fait presque l’effet d’un fantasme, mais il semble qu'Anna en ait besoin. Là, elle cesse d’être si terriblement complexée.
Quand on est loin de chez soi, parfois, tout est plus facile ; on peut se sentir libre. C’est pour ça que les gens vont en vacances ! Ils se vivent dans un autre environnement. Le sud de la France a été le décor de tant de films, notamment à une époque où les femmes commençaient enfin à quitter leur foyer, et leur cuisine, pour essayer de comprendre qui elles voulaient être. Les cinéastes comme Antonioni, Godard, Buñuel... ils les ont tous observées à ce moment-là, en train de faire des choses inattendues. Ils étaient fascinés par elles. Je pense que les femmes, surtout passé un certain âge, ne sont pas autorisées à faire quoi que ce soit hormis s'occuper de quelqu’un d’autre, alors qu'elles sont aventureuses, jusqu’au jour de leur mort ! J'en connais tellement dans ma vie privée, qui ont une vie sexuelle très active et des carrières très, très intéressantes, mais je n'ai pas l'impression que le cinéma reflète cela.

Pourquoi avez-vous voulu qu'Anna soit comédienne ? Vous montrez qu’elle a failli mettre sa carrière en danger en s'élevant contre la misogynie. Aujourd’hui, on chanterait ses louanges pour avoir fait cela.
Il était important de dire : "nous avons vécu ça". À présent, nous avons avancé, et on peut le voir à la manière dont Milan réagit à cet enregistrement. Les jeunes sont à un stade complètement différent maintenant : ils savent comment gérer ce genre de choses. Par ailleurs, comme comédienne, on se met sur le marché pour être traitée en objet, d’une certaine manière. C’est comme une version amplifiée de la condition de femme. Cependant, ce qui est bien quand on est comédienne, c’est qu’on peut trouver une solution pour presque toutes les situations. On peut jouer pour s’en extirper, ce qui est aussi une chose pour laquelle les femmes sont douées – car seuls les petits garçons sont encouragés à exprimer ouvertement leurs opinions.

C’est un peu trop drôle qu’il voie cet enregistrement d’elle en train d’être traitée en objet, et puis dans un sens, fait la même chose, en jetant un coup d'oeil.
Mais ce n'est pas désagréable d’être traité en objet par la bonne personne, non ? Il y a cette combinaison particulière du fait qu’elle est actrice, qu'elle a l'âge qu'elle a et qu'elle est fauchée : elle est au bord de la société. Si elle n’avait pas son ami Michel [joué par Udo Kier], les choses ne seraient pas formidables pour elle. Milan est aussi un peu dans les marges, dans ce sens-là. Tout le monde se fiche de ces individus, ils sont un peu invisibles, et c’est ainsi qu’ils vont pouvoir se rencontrer et développer cette affection mutuelle.

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(Traduit de l'anglais)

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