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BERLINALE 2022 Berlinale Special

Maggie Peren • Réalisatrice de The Forger

“Je pense que les gens se comportaient ainsi pour survivre : ils souriaient”

par 

- BERLINALE 2022 : À partir d’une histoire vraie, la réalisatrice allemande essaie de saisir la réalité quotidienne de la Seconde Guerre mondiale, et le désir de vivre

Maggie Peren  • Réalisatrice de The Forger

Dans The Forger [+lire aussi :
critique
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interview : Maggie Peren
fiche film
]
de Maggie Peren, Cioma Schönhaus (joué par Louis Hofmann) veut vivre, ce qui n’est pas facile en Allemagne dans les années 1940, surtout quand on est juif. Il ne veut pas se cacher non plus, alors il adopte une autre identité la nuit et fabrique des faux papiers d’identité le jour. Sauf que bientôt, il risque d'en avoir besoin lui-même. Nous avons interviewé la réalisatrice sur son film, présenté à Berlin dans la section Special Gala.

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Cineuropa : The Forger fait assez primesautier par moments. Ça vient peut-être de sa bande originale facétieuse, ou de son personnage, quoiqu'il en soit c’est assez inhabituel pour un film qui parle de la Seconde Guerre mondiale.
Maggie Peren :
J’ai déjà participé à un film sur la Seconde Guerre mondiale [Before the Fall, dont Peren a écrit le scénario], et je ne voulais pas revenir à cela. Après, j’ai commencé le livre de Cioma et je n’ai pas pu m’arrêter de lire, jusqu’au matin matin. Il avait la chance de ressembler à ce que les Allemands voulaient voir. Il se cachait donc à ciel ouvert, dans ce beau corps. Mais il avait aussi un père qui, avant, l’emmenait au musée tous les dimanches ; il a étudié dans une école d’art et disait toujours que pour lui, fabriquer des faux passeports était comme fabriquer de petites œuvres d’art. Il y a eu un article conséquent sur son histoire dans le New York Times, et Hollywood s’est mis à l'appeler, mais je pense que c’était difficile pour eux de comprendre la vie quotidienne en Allemagne. Personne ne fait vraiment de films sur ce sujet.

Un jour, j’ai entendu dire que les droits du livre étaient encore disponibles, et je l’ai appelé. Il m'a dit que dans la plupart des films sur cette époque, les gens ne disent jamais “Heil Hitler”, "probablement parce que le son de ces mots fait trop peur". Pourtant, tout le monde le disait, même en entrant dans un magasin. Sinon, on était suspicieux. J’ai pensé que ce serait bien que les gens voient l'effet que cela faisait vraiment, d’essayer de survivre à l’époque. Cioma n'est plus en vie, mais c’était un être vraiment merveilleux.

Louis sourit beaucoup dans le film. C’en est presque bizarre.
Quand on sourit, c’est qu’on essaie de mettre les autres à l'aise. Je le fais aussi : quand quelqu’un me pose des questions sur des choses douloureuses pour moi, j’ai tendance à sourire. Au début, c’était dur pour les acteurs de comprendre, mais quand un officier de police vient dans l’appartement de Cioma, l’objectif de la scène était qu’il se sente le bienvenu. Je pense que c’est la manière dont les gens se comportaient afin de survivre.

C’est resté avec Cioma tout le restant de sa vie : il voulait réconforter les gens, même quand il a vécu en Suisse, plus tard. Je pense que c'est une chose qu’il a apprise à cette époque à Berlin. Quand Louis dit au propriétaire de l’immeuble qu’il ne reviendra jamais, qu'il ne demandera rien et continuera de dire que tout va très bien, c’est une phrase très importante. C’est comme ça qu’il se sentait, et je le vois aussi dans la manière dont de nombreuses familles gèrent le traumatisme de l’Holocauste : soit elles en parlent constamment, soit elles essaient de réconforter les gens.

Vos personnages sont la plupart du temps coincés dans leur chambre, dans ce restaurant. Ils sortent à peine. Pourquoi ?
À chaque fois qu’ils sortent, c’est très dangereux. Et puis, disons le franchement, notre budget était réduit. J’ai vu et revu Moonlight, parce que j’adore ce film, mais aussi parce qu’ils n’avaient pas d'argent du tout pour le faire. Le personnage principal reste isolé du monde extérieur, et ça fonctionne vraiment dans le film : me rendre compte de ça m’a énormément aidée. C’était une bonne leçon pour moi, comme réalisatrice et maintenant, à vrai dire, j’aime la manière dont mon film est fait. Je ne la changerai pas.

Ce que Moonlight a fait, aussi, c’est montrer beaucoup de relations différentes entre les hommes. Vous faites la même chose dans votre film. C’est la guerre, mais il n’est pas question que des combats.
C’était justement ça mon obsession ; je suis obsédée par la manière dont les gens interagissent entre eux. Je ne pense pas qu’on ait besoin de clichés pour établir certaines connexions ; on peut trouver d’autres manières. Cioma n’était pas agressif : ce n’est pas un personnage masculin de base. Il fait très moderne, à vrai dire. Je le compare toujours à Yoda dans Star Wars [rires]. C'est en partie pour ça que j’étais si contente de travailler avec une génération d'acteurs qui n’a pas peur de faire "effeminée", ils s’en contrefichent ! Ces acteurs ont une approche différente de ce qui est masculin et féminin. Ils utilisaient des recourbe-cils sur le tournage et au début, nos techniciens de sexe masculin les regardaient bizarrement, mais ça ouvre vraiment le regard !

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(Traduit de l'anglais)

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