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BERLINALE 2022 Encounters

Peter Strickland • Réalisateur de Flux Gourmet

“La plus grande peur d’un réalisateur est qu’on rie de lui, mais on ne peut pas avancer si on ne prend pas ce risque”

par 

- BERLINALE 2022 : Le nouveau film du cinéaste britannique croise (attention, vous êtes prêts ?) l’indigestion, les jeux de pouvoir et Spinal Tap

Peter Strickland  • Réalisateur de Flux Gourmet

Quand des dissensions surviennent au sein d'un collectif culinaire pendant une résidence artistique, un malheureux rédacteur nommé Stones (Makis Papadimitrou), embauché pour faire un reportage sur leur travail, se retrouve dans l’œil de la tempête, mais comme ses problèmes gastriques piquent l'intérêt de la cheffe du collectif (Fatma Mohamed), il n'a plus la possibilité d'observer en toute sécurité, de l’extérieur. Nous avons interrrogé le réalisateur britannique Peter Strickland sur Flux Gourmet [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Peter Strickland
fiche film
]
, qui a été présenté dans la section Encounters de la Berlinale.

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Cineuropa : Est-ce qu'infliger toutes ces choses affreuses au pauvre Stones était une manière de vous venger des journalistes ?
Peter Strickland :
Bizarrement, ce n’est pas du journaliste qu’on se moque ici. J’ai beaucoup de sympathie pour lui. Stones aimerait écrire pour lui, mais comme tout le monde, il a besoin de gagner sa vie. Il écrit ce qu’on lui dit d’écrire ; il est comme le gars qui fait les kits presse électroniques. Il est au second plan, à prendre des notes de production. Ces gens sont invisibles, c'est ça que je trouvais intéressant. Je suppose que les gens dont je me moque le plus ici sont les artistes.

Il faut dire qu'ils le cherchent, parfois. Vous sembliez déjà intéressé par les bruits que la nourriture peut faire dans Berberian Sound Studio [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
. Il ne m’a jamais traversé l’esprit d’écouter ce que je mange, mais peut-être devrais-je me mettre à y faire plus attention.
Ça fait un bruit sympa, non ? Ça vient de très, très loin. En 1996, je faisais partie d’un groupe qui s’appelait The Sonic Catering Band. On enregistrait des sons en cuisine, puis on les amplifiait et on les manipulait. On a fait ça pendant un bon nombre d’années, et on a arrêté. J’ai utilisé certaines de ces prises dans Berberian Sound Studio, et voilà que c'est la prémisse de ce film. Peut-être que je voulais enfin vendre des disques.

En tant que personne qui ne fait pas la cuisine, vous m'avez amenée à me demander si c'est parce que je suis paresseuse ou parce qu'en tant que femme, parfois, on se sent obligée.
La génération actuelle est la première qui vit cette libération de la cuisine : les femmes plus âgées ont vécu, globalement, une situation d'esclavage là-dedans. Je me demandais si quelqu’un qui a cuisiné toute sa vie alors qu'elle n'en avait vraiment pas envie serait contente de voir rappliquer une jeune femme dans sa cuisine, ou si elle serait jalouse ? On pourrait appeler ça une satire, mais cet aspect est assez réel.

S'agissant de manger, plusieurs phases du processus sont ouvertement célébrées, alors que d’autres restent cachées – ce qui, quand on y pense, n'a aucun sens.
Choquer juste pour choquer ne m’intéresse pas, mais en provoquant le public, on les fait réfléchir à tous ces tabous. Imaginons que quelqu’un souffre de maladie coeliaque ou du syndrome de l’intestin irritable. Ces choses sont très, très privées et gênantes.

Il y a beaucoup de souffrance dans le film, et pas seulement au sens de souffrance physique. Comment vous assurez-vous qu’il y a une connexion émotionnelle, malgré toute la folie ambiante ?
Ça tient en grande partie au jeu des acteurs. Le personnage de Fatma est une menteuse, en gros : c’est ce qui la caractérise. Elle ment sur l’école où elle a étudié, sur son choc anaphylactique. Comment la rendre aimable du spectateur malgré le fait que ce soit quelqu'un qui trompe les autres ? Le truc, c'est que je suis attiré par les méchants au cinéma. Prenez tous les personnages du Parrain ou de Withnail et moi, ou Dr Glock dans Flux Gourmet [joué par Richard Bremmer]. Je les détesterais dans la vraie vie, mais j’adore les regarder à l’écran.

Sur le collectif lui-même, il y a quelque chose d’adorable dans le fait qu'ils sont si ridicules. Ils se lèvent même tous en même temps le matin !
Ça, c’est l'effet groupe de rock. C’en est une version exagérée, mais c’est comme entre les chiens et leurs propriétaires. Ils se mettent à marcher de la même manière et ils ont les mêmes expressions faciales. Peut-être qu’ils ne se lèvent pas tous en même temps, mais un rythme commun se crée.

Je suppose que j’aime les films sur les groupes de musiciens. Ici, on les voit se disputer sur un flanger, alors que c'est un détail, mais ça montre bien comment se passent tous ces jeux de pouvoir. On voit ça tout le temps : en politique, en art. Le personnage d'Elle, joué par Fatma, est comme un parasite. C’est une opportuniste qui s’accroche à Stones comme une tique à son hôte, exploitant sa souffrance et l'utilisant pour choquer les gens. "Quelque chose d’aussi privé, sacrifié pour la cause de l'art", dit-il dans le film. Cette scène [une endoscopie publique] a été dure à tourner. On se retrouve très, très exposé, en tant qu'acteur et en tant que personnage, on s'ouvre totalement face à l’inconnu. La plus grande peur d’un acteur ou d'un réalisateur est qu’on rie de lui, mais on ne peut pas avancer si on ne prend pas ce risque.

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(Traduit de l'anglais)

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