email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2022 Generation

Sanna Lenken • Réalisatrice de Comedy Queen

“Beaucoup d’enfants ne savent pas comment parler de la douleur du deuil”

par 

- BERLINALE 2022 : Après My Skinny Sister, qui avait décroché à Berlin un Ours de cristal, la réalisatrice revient avec un film qui montre qu’au bout du compte, seul le rire peut guérir le chagrin

Sanna Lenken  • Réalisatrice de Comedy Queen
(© Ola Kjelbye)

Dans Comedy Queen [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Sanna Lenken
fiche film
]
, Sasha (Sigrid Johnson) a perdu sa mère. Certains diront qu’elle joue la comédie, qu’elle se rase la tête et qu’elle perturbe ses camarades avec ses blagues. D’autres prétendront qu’elle poursuit simplement son rêve de devenir humoriste. Ils pourraient tous avoir raison. Nous avons discuté avec la réalisatrice Sanna Lenken sur sa participation à la section Generation de la Berlinale.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cineuropa : Cette idée d’un parent qui se suicide en laissant derrière elle son enfant est un sujet difficile.
Sanna Lenken : Comedy Queen est basé sur un livre écrit par la psychologue Jenny Jägerfeld. J’ai tout de suite vu qu’elle savait de quoi elle parlait. J’ai demandé à la rencontrer parce que je voulais connaître les raisons pour lesquelles elle écrivait sur ce sujet. Elle avait rencontré des enfants qui avaient perdu leurs parents. Nous avons pleuré, et cette conversation m’a donné envie de faire le film.

Quand je décide de travailler sur quelque chose, j’ai besoin de sentir que le projet est honnête, qu’il part de quelque chose de vrai. Elle m’a dit que beaucoup d’enfants ne savaient pas comment parler de la douleur du deuil. Pour un enfant, ce chagrin va et vient. Il n’est pas constant. Nous en avons discuté avec les acteurs, mais je ne voulais pas que nous sachions de quelle façon la mère de Sasha s’était suicidée dans le film. C’était de montrer la réaction de sa fille qui était importante. Elle se sent coupable et triste, sa mère lui manque, toutes les émotions sont là.

On ne peut que s’émerveiller devant le nouveau look de Sasha, peut-être à cause de Nothing Compares [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, le récent documentaire sur Sinéad O'Connor présenté à Sundance.
Sigrid savait qu’elle devrait se raser la tête dans le film. C’est la première chose que nous avons faite, dès le premier jour et devant la caméra ! Cela l’a métamorphosée. Elle a vieilli, elle est devenue plus forte. Cela a apporté beaucoup au personnage. Sa mère avait de longs cheveux et elle refuse de lui ressembler. Elle ne veut pas être déprimée et faire pleurer tout le monde. Alors, elle prend le contre-pied.

Les filles qui ne veulent pas ressembler à leur mère sont un phénomène assez courant, même s’il est évident que les motivations de Sasha sont un peu différentes. A-t-il été difficile de comprendre la relation qu’elles entretenaient ?
C’est un sujet qui m’inquiétait un peu au début. Dans le souvenir de Sasha, sa mère revient un peu comme un fantôme. Il fallait que ce soit subtil pour ne pas ressembler à un film d’horreur où tout à coup la mère apparaît. Quelquefois quand je regarde un film et que les gens parlent de quelque chose qui s’est passé avant, ça n’a aucune importance pour moi. Je n’ai pas cette connexion. Mais j’ai l’impression que nous avons réussi à montrer qui était cette femme. Nous avons également montré le deuil et la difficulté de cette situation pour Sasha. Je ne sais pas si le mot "magie" est approprié ici, mais il y a un sentiment de réalité exacerbée dans le film, qui était nouvelle pour moi. Ça m’a plu, j’ai aimé relever le défi.

Les acteurs sont souvent des personnes sérieuses et compliquées, toujours en proie à leurs démons. On est ici dans quelque chose de l’ordre du stéréotype, et pourtant ça semble vrai. La comédie peut être une réponse à la douleur qui est insoutenable.
Elle veut aussi faire rire son père, le rendre à nouveau heureux. Faire en sorte que les choses rentrent dans l’ordre est une responsabilité difficile à porter, surtout pour une enfant. C’est pourtant son objectif principal ! Quand il rit, elle peut commencer à faire son deuil. C’est également lié à sa mère, qui en fait était très drôle. J’aimais l’idée qu’elle ne soit pas simplement cette ombre grise qui se suicide.

Votre actrice, Sigrid, excelle dans l’art de raconter de mauvaises histoires drôles.
Comme moi. Je me suis d’ailleurs inspirée de moi ici (rires). Elle a du mal à être drôle. Moi aussi quand j’étais enfant, je voulais faire rire, et puis j’étais très gênée quand ça ne marchait pas. Sigrid pensait qu’être drôle était la chose la plus difficile à faire. Elle trouvait plus facile d’avoir les larmes aux yeux ou de ressentir toutes ces émotions fortes. Je ne l’enviais pas. Nous avions un humoriste pour nous aider, et je me suis rendu compte que je ne serais jamais capable de faire ça sur scène. Vous pouvez tout de suite voir si vous perdez votre public. C’est affreux !

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Lire aussi

Privacy Policy