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SUNDANCE 2022 Midnight

Hanna Bergholm • Réalisatrice de Egō

“Je voulais que les gens en viennent à aimer cette créature”

par 

- Dans son nouveau travail, la réalisatrice finlandaise évoque tout ce qui terrorise le plus les jeunes adolescentes - et la drôle de bestiole cachée dans le placard n’en fait pas partie

Hanna Bergholm • Réalisatrice de Egō
(© Laura Malmivaara)

Tinja (Siiri Solalinna), une gymnaste de 12 ans, veut que sa mère (Sophia Heikkilä) soit fière d'elle, mais un jour, elle fait quelque chose que les gentilles petites filles ne font pas : elle ramasse un œuf dans la forêt et le ramène pour qu’il éclose chez elle. Ce qui suit pourrait détruire la fragile façade de sa famille parfaite, mais lui offre aussi un compagnon dont elle avait bien besoin. Nous avons discuté avec la réalisatrice Hanna Bergholm de ce film, Hatching [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Hanna Bergholm
fiche film
]
, présenté à Sundance.

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Cineuropa : Vous montrez dans votre film l'univers parfait, rose bonbon, créé par la mère de Tinja, car elle est obsédée par l’image qu’elle projette. Ce monde devrait être attrayant, mais il fait un drôle d'effet.
Hanna Bergholm:
Tinja vit dans le monde que sa mère a créé, où il n’y a pas de place pour l’erreur. Elle est influenceuse, et projette cette idée d’un bonheur parfait, mais elle-même ne le ressent pas vraiment. Elle remplit son vide de tous ces objets "ravissants" et ces couleurs pastel, mais l’impression est que ce n’est pas un endroit où l'on peut vivre : on ne peut pas s’asseoir sur le canapé, on est entouré par du verre. C’est un film de genre, donc je voulais exagérer un peu. Quand un oiseau s'introduit dans la maison et casse une quantité d’objets, cela montre tout simplement combien ce monde peut éclater facilement. Il ne s’agit pas d’un conte de fées pur et dur, ce n'est pas un film de Tim Burton, mais oui, il y a quelque chose de bizarroïde dans tout ça. Je voulais mettre les gens mal à l’aise.

Vous avez fait appel à l'expert en animatroniques Gustav Hoegen pour concevoir la créature, mais elle ne reste pas longtemps dans le film : elle change. Est-ce que c'était prévu dès le départ ?
Mon scénariste Ilja Rautsi a imaginé les choses ainsi dès le départ. Il avait cette phrase en tête : "une fillette fait éclore son double méchant à partir d'un oeuf". Quoiqu'initialement, il s’agissait d’un garçon. Mais sinon, c’était déjà prévu. C'est ensuite que nous nous sommes dit : "OK, quand il éclot, il faut qu’il devienne quelque chose d’autre". C’est un enfant, un animal domestique, un ami et même, peut-être, tout simplement son image miroir à elle. Quand Tinja s'occupe de cette créature hideuse et incapacitée et l’aime telle qu’elle est, la créature se met à évoluer. Quand elle la rejette, lui dit de partir, la créature change de nouveau. L’amour vous rend entier, et le rejet vous brise.

Tout comme dans la relation de Tinja avec sa mère : tout va bien tant qu'elle fait ce qui est attendu d'elle. C'est fondamental ce que vous dites ici sur la manière dont nous nous percevons les uns les autres, particulièrement en tant que femmes.
C’est pour ça que je voulais que ce soit une fille. Cette idée de perfection est encore plus pertinente dans la vie des femmes : "Conduis-toi gentiment, n'oublie pas de sourire". On attend des femmes qu'elles soient... plus : "Sois un peu mieux. Tu n’es pas encore assez bien". Cela va au-delà de la relation entre Tinja et sa mère : c’est ainsi que notre société fonctionne.

On ne peut pas s’empêcher de penser aux troubles dysmorphiques corporels ou même aux troubles alimentaires, quand la fillette nourrit son "ami".
Ce n’est jamais mentionné explicitement dans le film, mais c’était bel et bien quelque chose que je voulais suggérer. Elle nourrit la créature avec son vomi, donc on pense à la boulimie. Il y a une chose qui crie dans son placard, alors elle fait ça, et les cris s'arrêtent. Il y a un sentiment de soulagement pendant un temps ; elle prend ses émotions dans ses bras, pour le dire comme ça.

Dès que quelqu’un convoque l'image d'une fille avec une mère suffocante, les références abondent, à commencer par Carrie. Craignez-vous que le motif ne soit trop reconnaissable ?
Nous ne voulions pas nous concentrer sur le moment où elle atteint la puberté, ni montrer que des choses terribles se mettent à se produire quand elle a ses premières règles. Tinja est un peu plus jeune, donc nous voulions nous concentrer sur cet âge-là, le fait qu'elle commence à changer et qu’elle n’est pas acceptée comme elle est. Nous voulions montrer à quel point ça l'affecte.

Un film d’horreur fonctionne bien mieux quand on a de l’empathie pour la créature, aussi menaçante qu’elle puisse paraître, quand elle n'est pas juste une chose qu'il faut absolument mater.
Au début, la créature était décrite comme un double "méchant", mais nous avons décidé de ne pas garder : elle n’est pas juste méchante, c’est un personnage à part entière. Il y a eu des moments où je me suis un peu perdue, et je me suis mise à me dire qu’il fallait que la créature soit bien plus effrayante et qu'elle tue des gens, mais à chaque fois qu'on a essayé quelque chose de cet ordre, on a senti que ça ne marchait pas. Je voulais que cette créature soit comme King Kong ou ET, surtout avec ces grands yeux. Elle n’est pas une prédatrice. Nous avons inventé toutes sortes de petits détails mignons, par exemple la scène où elle attrape le doigt de la fillette, comme le ferait un bébé. Nous voulions que les gens se rapportent à cette créature, et en viennent même, peut-être, à l’aimer.

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(Traduit de l'anglais)

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