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ROSE D’OR 2021

Dragomir Sholev • Réalisateur de Fishbone

“Ce qui m’intéresse, c’est l’esprit de fuite consistant à éviter de traiter les problèmes et de leur chercher des solutions”

par 

- Nous avons interrogé le réalisateur sur son nouveau film et la manière dont sa structure complexe lui permet de parler de la société bulgare en passant par la métaphore

Dragomir Sholev • Réalisateur de Fishbone

Le Bulgare Dragomir Sholev, rendu célèbre par son premier film Shelter [+lire aussi :
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, avait présenté il y a deux ans son deuxième long-métrage indépendant, The Pig [+lire aussi :
critique
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interview : Dragomir Sholev
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. Il s’apprête aujourd’hui à présenter son nouveau film, Fishbone [+lire aussi :
interview : Dragomir Sholev
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, une coproduction bulgaro-roumaine de Rossitsa Valkanova pour KLAS Film et d’Ada Solomon pour Hi Film Productions. Nous avons discuté avec Sholev de la complexité de la structure narrative et des idées qui sous-tendent ce film aux multiples facettes à l’occasion de sa projection en avant-première lors la 39e édition du Golden Rose Film Festival (du 23 au 29 septembre) à Varna.

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Cineuropa : Il semblerait que Fishbone nous parle de la division qui existe au sein de la société bulgare, entre les fidèles au système et ceux qui ont fait le choix de vivre en marge de celui-ci. Il le fait à travers un sujet environnemental qui pourrait toutefois n’être qu’un prétexte pour évoquer d’autres problèmes plus profonds. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Dragomir Sholev : Le film s’inspire de véritables événements, des situations absurdes qu’un blogueur, gérant d’un camping sur la côte bulgare, a révélées dans son blog. Cependant, je me dis que si nous nous étions focalisés uniquement sur les problèmes les plus épineux, le film aurait perdu la dimension universelle que je recherchais. J’ai donc bâti l’histoire autour du thème de l’environnement. Mais en général, ce qui m’intéresse, c’est le paradoxe de l’existence au sein d’une société dont les membres ne parviennent pas à fonctionner ensemble.

De quels événements réels s’agit-il ici ?
Le blogueur en question a effectivement trouvé des dauphins morts sur la plage, comme dans le film. Il a commencé par les enterrer jusqu’à ce qu’il en ait assez et se mette à écrire publiquement sur le sujet. Ce que révèlent ces histoires, c’est que l’État bulgare n’était pas préparé à gérer de telles affaires, considérées comme mineures. L’agitation qu’elles ont suscitée reflète parfaitement la société. À ce jour, personne ne sait pourquoi ces dauphins sont morts. Ont-ils été tués par quelqu’un ou empoisonnés par les eaux polluées ? Certains militants cherchent des réponses, mais il n’existe aucune stratégie gouvernementale pour résoudre ces problèmes environnementaux. Fishbone n’apporte pas de réponse non plus. Ces affaires non résolues, considérées comme "mineures", évoquent principalement le dysfonctionnement de la communauté dans son ensemble. Cela révèle l’état d’esprit à l’égard de l’endroit où nous vivons, de notre environnement, des autres et, mais également de nous-mêmes.

Vous avez travaillé avec deux autres scénaristes, Emanuela Dimitrova et Georgi Merdzhanov. Razvan Radulescu, auteur du scénario de Shelter, avait quant à lui un rôle de consultant. Comment s’est passée cette collaboration ?
L’écriture du scénario a duré 6 à 7 ans et est passée par différentes phases. Nous avons commencé en équipe, puis j’ai continué seul. J’ai également consulté Razvan Radulescu dont l’avis comptait beaucoup pour moi. Beaucoup de choses ont changé au cours du processus, mais nous avons réussi à conserver la structure narrative, qui est assez complexe à élaborer et à tourner. Même le choix de l’affiche a été compliqué. La structure ressemble à un squelette de poisson, à savoir une grande arrête dorsale, l’histoire principale, d’où partent de fines arêtes, c’est-à-dire les petites histoires. Chaque petite histoire dévoile un problème différent, chaque arête se loge dans la gorge des personnages de manière différente. Et comme chaque histoire présente un nouveau personnage, on a l’impression qu’elle est indépendante des autres. Cependant, elles forment un tout, elles font partie de la structure du squelette. Sans l’une d’entre elles, la construction s’effondrerait. Ceci est dû à la véracité des histoires qui regorgent de détails abstraits et absurdes.

Dans quelle mesure les personnages correspondent-ils à un prototype réaliste ?
Ils mêlent différentes expériences et qualités humaines. Le détective à la retraite, par exemple, est inspiré d’une autre histoire vraie impliquant un faux détective, une histoire décrite par l’auteur bulgare Georgi Markov qui, alors qu’il torturait la population locale d’une petite ville de la côte de la Mer Noire pendant la période communiste, possédait une imagination débordante. En intégrant de tels personnages dans le film, j’ai créé le personnage d’un imposteur un peu fou qui semblait être le seul à proposer des solutions efficaces.

Dans Shelter et The Pig, vous évoquez la démission des parents au sein de la famille. Pourrait-on dire que Fishbone est poursuit ce même thème en s’intéressant cette fois sur la démission de l’État dans la vie publique ?
Effectivement, même si je ne l’ai pas formulé de cette façon. Ce qui m’intéresse, c’est la stratégie de l’évitement qui consiste à éviter de s’occuper des problèmes en jeu, mais aussi de chercher des solutions. Cette routine confortable qui empêche les gens de répéter leurs erreurs. C’est un comportement caractéristique dans notre pays.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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