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KARLOVY VARY 2021 Compétition

Sonja Tarokić • Réalisatrice de The Staffroom

“Ça parle du fait de se rendre compte qu’on n’est pas un héros”

par 

- Dans son premier long-métrage, la réalisatrice croate reprend le chemin de l’école, pour se rendre compte que certaines choses ne changent jamais

Sonja Tarokić  • Réalisatrice de The Staffroom
(© Nikola Zelmanovic)

Dans le premier long-métrage The Staffroom [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Sonja Tarokić
fiche film
]
, projeté en compétition à Karlovy Vary, Anamarija (Marina Redžepović) commence un nouveau travail comme conseillère dans une école, mais pénétrer la communauté assez fermée des enseignants s'avère plus difficile que prévu, surtout quand elle se met à questionner les méthodes d'un de ses collègues (Stojan Matavulj), voire même, pour être parfaitement sincère, sa santé mentale. Rencontre avec la réalisatrice du film, Sonja Tarokić.

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Cineuropa : Les enseignants sont beaucoup critiqués, semble-t-il : tout le monde plaint toujours d'eux, que ce soit les élèves ou les parents. Avez-vous vous-même des liens avec le monde de l’éducation ?
Sonja Tarokić :
Je n’ai jamais travaillé dans une école, mais je me sens connectée de manière générale aux histoires qui traitent du système. J’ai grandi dans une famille de psychologues. La mère de notre actrice principale est conseillère et directrice en maternelle, et celle de notre productrice est enseignante. Il y a donc un lien personnel, pourrait-on dire, mais l'idée était plus de traiter des micro-tensions qui font qu'on se met à douter de tout son système de pensée et de sa force. Le film montre comment la tension et l’anxiété peuvent s'insinuer dans une vie sans sans même qu'on s'en rende compte ; il montre aussi que parfois, il est impossible de résoudre le moindre problème sans avoir auparavant établi des relations. Le sujet, c'est surtout l'idée qu'il faut choisir ses combats.

Beaucoup de gens sont venus nous voir après la projection, ici à Karlovy Vary, en disant : "C’est nous ; c’est ma vie". Ça m'a fait très plaisir. Le grand public, c'est une chose, mais c’est un soulagement de savoir que les gens qui pratiquent vraiment les salles des profs, comme celle-ci... eh bien que je ne les ai pas trahis ou déçus.

Une enquête récente sur la santé mentale sur les tournages de films a également mentionné les micro-agressions, le harcèlement, mais le cas de votre héroïne est différent, car elle doit malgré tout retourner dans cette salle des profs, tous les jours.
L'aspect le plus difficile et le plus important, en traitant cette histoire, était de s’assurer qu’on puisse avoir de l’empathie pour tout le monde dans cette pièce. Elle est suffocante, mais on peut comprendre que quelqu’un ait peur des parents ou sente de la compassion à l'égard d'un type dérangé parce qu'il travaille avec vous tous les jours. En même temps, on comprend aussi les parents, la conseillère et la proviseure. Tout le monde a à la fois tort et raison. L'angoisse est là, mais personne n’est un vrai méchant. Chacun a ses raisons pour ne pas vouloir se disputer avec les autres. se mettre à se battre. Si Anamarija n'arrive pas à aider un élève, c'est justement parce qu’elle s’est fait trop d’ennemis. Il faut s’entendre avec les autres pour pouvoir faire son travail.

Ces derniers temps, quand on choisit pour personnage central une femme, on peut sentir quelque pression, dans le sens où il faudrait la montrer forte, triomphante, combative. Mais votre héroïne est bien loin de tout cela.
Elle veut s'intégrer et changer les choses : c’est ça, son conflit interne, à chaque instant. On vous place parmi des collègues, mais quand on n'a pas un seul ami parmi eux, vers qui peut-on se tourner ? J’ai choisi ce métier pour mon personnage comme outil narratif : elle ne fait pas partie des enseignants, elle n’a pas sa classe ou son champ d’expertise, un domaine que personne d’autre ne pourrait toucher. C'est pour ça qu'ils la voient comme une intruse. Mais son rôle est bien d'être la médiatrice, entre les enseignants, les parents et les enfants, ce qui la place toujours quelque part au milieu.

Il y a tellement de tension dans le récit qu'on en devient un peu nerveux, et la musique y est aussi pour quelque chose.
Tout le récit, ainsi que la musique, fait comme des cercles. On a un problème, il faut revenir en arrière, et puis quelque chose se produit, de nouveau. C’est comme une danse. C’était notre intention dès le départ, de bâtir ce crescendo de tension, parce que le film ne parle juste d'elle en tant qu'être humain, mais aussi en tant que personne affectée dans sa vie active. Quelles sont ses options ? Bien sûr, l'école a une réputation à sauvegarder : elle a une responsabilité par rapport aux parents, de s'assurer que tous les gens qui y travaillent sont sains d’esprit et qu’ils font bien leur travail, par exemple.

On imagine que beaucoup de gens pourraient voir la trajectoire de l'héroïne du film comme tragique.
C’est un échec, mais ce n’est pas un échec personnel. C’est la vie, parfois, c'est ainsi que les choses se passent. Et puis elle ne perd pas l'étincelle pour autant : il faut savoir conserver cette flamme. Cette histoire parle de la prise de conscience qu’on n'est pas un héros, ce qui signifie qu’il faut savoir se pardonner à soi-même, mais aussi pardonner aux autres, de ne pas être aussi fort que tout le monde aimerait qu’on le soit. C’est douloureux, mais peut-être que l’année prochaine, elle sera plus avisée. Parce qu’il y a toujours une année prochaine.

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(Traduit de l'anglais)

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