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Italie

Nicolangelo Gelormini • Réalisateur de Fortuna

“Mon ambition était de faire en sorte que le spectateur ait la même sensation de malaise, de dépaysement et d’ambiguïté que l'héroïne”

par 

- Le réalisateur napolitain nous parle de l’approche qu’il a choisie dans son premier long-métrage pour raconter un fait divers affreux

Nicolangelo Gelormini • Réalisateur de Fortuna
(© Carlo William Rossi)

Après avoir fait sa première à la Fête du Cinéma de Rome, puis participé à plusieurs autres festivals internationaux (décrochant un prix à celui de Stockholm le mois dernier), Fortuna [+lire aussi :
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, le premier long-métrage du réalisateur Napolitain Nicolangelo Gelormini (43 ans), qui propose une relecture onirique et cubiste d'un fait divers abominable, arrive enfin dans les cinémas italiens le 27 mai, distribué par I Wonder Pictures. Nous avons discuté avec le réalisateur de la manière dont il pu aborder une histoire aussi difficile à raconter, celle de Fortuna Loffredo, une fillette décédée après qu'on l'ait jetée huitième étage d’un grand bâtiment de la banlieue de Naples, pour en tirer une terrible intrigue articulée autour d'abus sur mineurs.

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Cineuropa : Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans le long-métrage en prenant à bras le corps le défi de raconter "l'irracontable", comme vous l’avez dit vous-même ?
Nicolangelo Gelormini : Le film m'a été proposé par le producteur Davide Azzolini alors qu'il était encore très secoué par la lecture de ce fait divers. Au début, je ne voulais pas le faire, parce que je pensais qu’il n’y avait aucun instrument expressif pour représenter quelque chose d’aussi sombre. Sauf que l'art sert justement à chercher à faire la clarté sur l'âme humaine ; il a une fonction éthique, sociale, et le cinéma m'a paru être le médium le plus juste, parce qu’il permet de faire des hors-champ. J'ai donc décidé que la volonté de ne pas montrer serait précisément le moteur du film.

C’est un film déconcertant : le spectateur doit rester actif pour comprendre ce qui se passe et réunir les pièces du puzzle.
Mon choix a été de ne pas donner au spectateur quelque chose de pré-mâché, mais au contraire de le mettre à contribution, quitte à faire un film qui divise. En tant que spectateur, j’aime les films qui vous stimulent, qui ne vous racontent pas tout. Je crois que le public est intelligent. J’aime bien l’idée de me mettre dans le pli d’un cinéma qui cherche à faire une contribution, à porter un germe.

Dans quel état vouliez-vous mettre le spectateur, exactement ?
Je voulais le mettre dans le même état que celui où je pense que se trouve l'héroïne. Mon idéal était de traiter le film comme un opéra d’art contemporain, qui vous donne en même temps signification et émotion. Mon ambition était de créer une identification parfaite avec l’héroïne, que le spectateur ait la même sensation de malaise, de désorientation et d’ambiguïté que l'héroïne, c'est-à-dire au fond, ce sentiment de trahison, qui est le motif central du film. L’histoire de Nancy/Fortuna est une histoire universelle : celle de tous les enfants qui se retrouvent trahis par ceux-là mêmes qui devraient les aimer.

Comment est venue l'idée de cette structure double et des doubles rôles des actrices principales ?
Si je veux parler de trahison, je dois créer une réalité plus ou moins vraie, et puis je dois d’une certaine manière la démentir. C’est ainsi qu'a fait son chemin l’idée de la duplicité, dès le stade de l’écriture, avec une structure en deux actes, puis pendant le développement des deux personnages féminins, qui interchangent leurs rôles et trahissent tant l’héroïne que le spectateur. Le dédoublement ressort aussi dans la mise en scène, avec des plans scindés en deux parties à travers des éléments d’architecture. La réalité et son contrepoint sont devenus le leitmotiv thématique et esthétique du film.

Comment avez-vous travaillé avec les enfants, sur un sujet aussi délicat ?
Travailler avec les enfants est la chose qui me faisait le plus peur au début. Je me suis fait aider d’une coach pour enfants, j’ai parlé avec des pédopsychologues. Le choix de toute l’équipe a été de ne pas leur raconter toute l’histoire, même pas à l'actrice principale, mais de procéder par petits morceaux, comme une opération cubiste, de raconter les scènes au jour le jour, et jamais de manière trop claire. Par ailleurs, si on décompose le film, les scènes prises isolément ne contiennent rien d’obscur. Cette manière de ne pas raconter vous met dans un état d’angoisse, mais la violence n'apparaît jamais.

Vote première expérience du cinéma a été comme assistant de Paolo Sorrentino. Quelles souvenirs en avez-vous gardés ?
J’avais 20 ans et envie de faire du cinéma, mais je ne savais pas par où commencer. Cette année-là, Sorrentino tournait son premier film à Naples, L'Homme en plus [+lire aussi :
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, et j’ai eu l'occasion de travailler avec lui. Ce que j’ai absorbé alors, de cette expérience de tournage à ses côtés, je l’ai compris des années plus tard. Cette collaboration, comme d’autres collaborations que j’ai eues, avec Luca Ronconi et David Lynch, ce sont des expériences qui vous font comprendre l’importance d’exprimer pleinement sa personnalité. Pour moi, Fortuna me ressemble beaucoup, et donc je n’ai pas eu peur de prendre des risques.

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(Traduit de l'italien)

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