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BERLINALE 2021 Generation

Hamy Ramezan • Réalisateur de Any Day Now

“Vivre la guerre n’abolit pas l’enfant en vous : quand je suis arrivé en Finlande, les jeunes de mon âge buvaient déjà, moi, je jouais à la Nintendo”

par 

- BERLINALE 2021 : On peut arriver à tout quand on veut, semble dire ce film présenté dans la section Generation, tant qu’on ne s’oppose pas à sa famille

Hamy Ramezan  • Réalisateur de Any Day Now

La famille Mehdipour est une famille pleine d'amour, et Ramin (Aran-Sina Keshvari) s’en rend compte tous les jours avec les doux réveils de sa mère. Mais c’est également une famille dans l’attente, l’attente quotidienne d’un courrier qui leur accorderait l’asile en Finlande. En attendant, ils peuvent compter les uns sur les autres. Nous avons discuté avec le réalisateur finlandais d’origine iranienne Hamy Ramezan de la sélection à la section Génération de la Berlinale de Any Day Now [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Hamy Ramezan
fiche film
]
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Cineuropa : Vous avez déjà évoqué votre souhait de parler davantage de la famille dans ce film plutôt que d'une évidente "histoire de réfugiés ". Mais vous prêtez beaucoup d’attention aux enfants.
Hamy Ramezan : J’utilise toujours des enfants dans mes films, sans pour autant les considérer comme des films pour enfants. C’est une chose pour laquelle j’ai dû me battre un peu. J’ai dû convaincre certains que Ramin n’était pas le héros du film. Le courrier du début s’adresse à toute la famille, pas seulement aux parents. C’est la raison pour laquelle le jeune garçon vomit, car pour ces enfants, la vie n’est pas qu’un jeu. C’est un moment excitant pour eux : ils vont à l’école, mais je voulais me laisser la liberté de suivre ceux qui le méritent, quand ils le méritent.

C’est compliqué d’essayer de raconter ce que c’est que d’être un réfugié ou un demandeur d’asile. C’est un thème tellement vaste ! C’est un peu comme prétendre faire un film sur l’alcoolisme. Je veux déjouer certaines attentes et surprendre, montrer qu’il est question d’une famille, d’humanité, que ces gens mènent en quelque sorte une vie normale. Leur statut de réfugiés n’est pas leur identité. Alors, j'ai dû prendre des risques et déterminer la fréquence des apparitions de Ramin pour ne pas perturber les spectateurs. Je sais que le film est naïf, mais dans le bon sens. C’était la seule façon que j’avais d’aborder ce thème.

Nous imaginons toujours que les enfants ne sont pas conscients de ce qui se passe, mais c’est faux, n'est-ce pas ? Parce qu’avec ces gens-là, un seul regard suffit pour se parler. Ils sont si proches.
En Iran, tout est dans de ce regard (rires). Je me souviens quand mes parents me lançaient ce regard. Lorsque ma famille a fui, je savais ce qui se passait (après avoir fui les persécutions en Iran, Ramezan a séjourné dans un camp de réfugiés en Yougoslavie avant d’arriver en Finlande). Mes parents m’ont dit, qu'en cas d’échec, nous risquions la mort, il fallait donc se taire. C’est ce que j’ai fait. Lorsque la mère (interprétée par Shabnam Ghorbani) pleure dans le film, ce n’est pas seulement à cause du rejet ou non de leur demande d’asile. Elle pleure parce qu’elle se demande ce qu’ils ont de si terrible pour ne pas être accepté. Je montre leurs rituels matinaux, et l’on se demande : "est-ce là leur seule arme ?", Mais en tant que famille, ils ne sont jamais vaincus. L’affection qu’ils se portent, la tendresse peut les faire gagner. J’ai dit à mon directeur de la photographie que ce film ne nous appartenait pas, c’est celui des Mehdipour. C’est leur portrait, nous ne faisons que le filmer.

Ramin semble si heureux dans ce nouvel environnement. Personne ne lui donne l’impression d’être un étranger, ce qui est assez inhabituel dans ce genre d’histoires, non ?
Nous avons tous eu, d’une manière ou d’une autre, une enfance terrible. Nous avons tous, d’une manière ou d’une autre, été malmenés… ou pas. Et dans ce film, il ne l’est pas. Quand j’ai choisi la fille dont il tombe amoureux, je me suis dit : "jamais, jamais au grand jamais, tu n’auras cette fille." Et ce n’est pas simplement à cause de son physique, était-il seulement dans cette école ? Est-il vraiment là ? Ça prend une tournure un peu philosophique, mais c’est un enfant intelligent, il sait qu’ils risquent d’être expulsés, et il sait qu’il pourrait perdre un certain nombre de choses. Et pourtant, vivre la guerre ne vous prive pas de votre enfance. Quand je suis arrivé en Finlande, les jeunes de mon âge buvaient déjà, et moi, je jouais à la Nintendo.

Je voulais juste voir le monde comme le voient les Mehdipour, de l’intérieur. Aujourd’hui, nous portons tous ces masques, et les choses vont empirer. Nous devrions donc nous habituer à ce changement. La seule manière de survivre est de prendre conscience que nous sommes aussi "les géants". Nous ne pouvons pas tout laisser aux mains des politiciens. Il y a tellement de gens bien et je déplore que cela n’apparaisse pas dans les journaux télévisés. Avec ma famille, nous avons atterri en Finlande grâce à des gens ordinaires. Je suis content de pouvoir le montrer aujourd’hui, en tant que réalisateur.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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