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France

Olivier Henrard • Directeur général délégué, CNC

"Les plateformes ont compris que leur intérêt n’était pas de délaisser ce qui fait la force et la singularité historique de la création française"

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- Le n°2 du CNC décrypte le haut niveau des ambitions françaises pour l’intégration imminente des plateformes dans le système de financement du cinéma et de l’audiovisuel

Olivier Henrard • Directeur général délégué, CNC

Netflix, Amazon, Disney+, etc., les leaders mondiaux florissants de la SVoD vont très bientôt être insérés légalement dans le système de financement du cinéma et de l’audiovisuel. Dans le cadre de la transposition de la directive européenne SMA (Services de Médias Audiovisuels), le projet français (lire le détail), actuellement en attente du feu vert européen, a notamment fixé l’obligation d’investissement des plateformes dans la production d'oeuvres françaises et européennes à 25 % ou 20 % de leur chiffre d'affaires en France (en fonction de la place souhaitée dans la chronologie des médias, pour une diffusion SVoD qui sera possible moins de 12 mois après la sortie en salles en France ou plus tard). Olivier Henrard, le directeur général délégué du CNC, éclaire les ambitions, la philosophie, les objectifs, les détails techniques et le calendrier de cette évolution majeure du financement à venir des oeuvres.

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Cineuropa : Quels sont les points forts du projet français de décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande ?
Olivier Henrard : Le projet de décret SMAD, qui vient d’être notifié à la Commission européenne (en application du règlement européen n° 2015/1535) vise à transposer dans la législation nationale les règles relatives aux quotas de diffusion et aux obligations d’investissement dans la création pour les services de médias audiovisuels à la demande. Il tire les conséquences de la grande victoire politique pour l’exception culturelle qu’a été le vote de la directive SMA en 2018 : elle permet enfin d’associer à ces obligations les services situés dans d’autres Etats membres qui ciblent le public français. Dans le contexte de l’essor des plateformes, le décret institue un équilibre de financement juste et ambitieux en faveur d’un renouvellement de la création française et européenne. Il constitue ainsi pour la France, à l’initiative de la Ministre de la Culture, un premier jalon fondamental de l’intégration des plateformes à un modèle industriel qui a fait ses preuves et dont tous les signaux montrent qu’il est appelé à prospérer.

Si on entre dans le détail, il s’agit d’un projet ambitieux en termes de financement, exigeant en faveur de l’indépendance et de la diversité de la création, équilibré entre toutes les parties prenantes. Le décret est structuré autour de cinq grands principes : un niveau élevé de contribution au financement de la création pour les diffuseurs qui en bénéficient – c’est la réaffirmation du principe cardinal de la loi de 1986 – et notamment un niveau important de production d’œuvres d’expression originale française ; une réaffirmation du critère de l’indépendance comme gage de diversité, avec le fléchage d’une partie substantielle de la contribution vers la production indépendante et une définition stricte de celle-ci ; la distinction entre l’audiovisuel et le cinéma, qui est défini par l’exploitation commerciale de l’œuvre en salles ;  la défense des auteurs et de leurs droits ; la réaffirmation de la valeur du catalogue avec le fléchage de la contribution audiovisuelle vers les œuvres patrimoniales ; l’insertion concrète dans le système  de financement avec des obligations fortes de préfinancement.

Quelles sont les garanties apportées en faveur de la production indépendante ?
La définition de la production indépendante que retient le projet de décret est ferme : il ne doit pas y avoir d’emprise du diffuseur tant sur l’entreprise que sur l’œuvre. C’est ainsi une définition en deux branches : indépendance liée à l’entreprise de production, dont le SMAD ne doit détenir aucune part ni aucun droit de vote, et indépendance liée à l’œuvre, sur laquelle le diffuseur ne peut détenir que des droits encadrés.

La répartition entre financement de la production cinématographique et de la production audiovisuelle (20%-80% minimum en fonction du type de plateforme) représente-t-elle un bon point d’équilibre entre les besoins des uns – les professionnels français – et des autres – les plateformes ?
La production cinématographique est un point fort de la création française. En dehors de la crise du Covid-19, ses résultats sont bons : 1,1 milliards d’euros d’investissements en 2019 ; 301 films agréés ; 213 millions d’entrées dans les salles dont 74,66 millions pour les films français.

Cette réussite est confirmée à l’international avec des flux financiers supérieurs à 500 millions d’euros en moyenne sur les dix dernières années, 869 films français exploités à l’international en 2019 et un socle d’entrées supérieur à 40 millions d’entrées depuis dix ans. Aujourd’hui, les plateformes ont compris que leur intérêt n’était pas de délaisser ce qui fait la force et la singularité historique de la création française, à savoir un secteur cinématographique puissant et structuré, capable de produire des œuvres de qualité et de dénicher les nouveaux talents à tous les stades de la création et de les exposer dans un réseau de salles qui est le plus dense d’Europe. Le cinéma, défini plus que jamais par l’exploitation en salles, est ainsi reconnu comme une exception qualitative française.

En revanche, il est clair depuis le début que l’entrée des plateformes dans la production cinématographique doit s’accompagner d’une adaptation de leur place dans la chronologie des médias, proportionnée à l’importance de leur financement. Cette évolution permettra de concilier un modèle économique qui est aujourd’hui – au moins pour certaines d’entre elles – assez éloigné du cinéma en salles, avec l’exception culturelle française.

Quels sont les volumes estimés de financement à court terme ?
Sur la base d’une année pleine, on peut attendre de l’intégration des plateformes étrangères au financement de la création environ 200 à 250 millions d’euros par an à court terme, dont au moins 20% dans le cinéma, voire davantage si leur chiffre d’affaires continue de croître ce qui est bien la tendance actuellement observée.  

Quel est le calendrier prévisionnel pour la mise en application ? La négociation qui a démarré sur la révision de la chronologie des médias va-t-elle interférer ? 
L’objectif de mise en œuvre est celui qu’a annoncé la ministre Roselyne Bachelot c’est-à-dire la date du 1er juillet 2021. Cela concerne l’entrée en vigueur du décret SMAD, la modification des décrets TNT et Câble-satellite et également la chronologie des médias. L’ordonnance de transposition de la directive SMA a en effet prévu qu’une nouvelle chronologie devait être négociée et qu’en l’absence d’accord dans un délai à fixer par décret, le Gouvernement devra fixer provisoirement – c’est-à-dire jusqu’à la signature et la généralisation d’un accord – les nouvelles fenêtres applicables. Ce délai de négociation vient d’être fixé au 31 mars. Cette date ne signifie pas la fin des négociations : elle constitue un point de rendez-vous, à partir duquel le Gouvernement pourra commencer à travailler à l’élaboration d’un décret en Conseil d’Etat de façon à être prêt le 1er juillet si aucun accord n’avait été conclu à cette date.

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