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SAN SEBASTIAN 2020 Compétition

Dea Kulumbegashvili • Réalisatrice de Au commencement

“En Géorgie, en tant que femme, on vous entraîne à accepter que vous ne comptez pas vraiment”

par 

- Nous avons rencontré Dea Kulumbegashvili pour parler de son premier film, Au commencement, qui a triomphé à San Sebastian, raflant le Coquillage d’or et d'autres prix

Dea Kulumbegashvili  • Réalisatrice de Au commencement
(© Alex Abril/Festival de San Sebastián)

Cineuropa a rencontré Dea Kulumbegashvili au Festival de San Sebastian pour parler de son premier long-métrage, Au commencement [+lire aussi :
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interview : Dea Kulumbegashvili
fiche film
]
, qui a décroché le Coquillage d’or, de sa décision de s’intéresser aux Témoins de Jéhovah, du rôle de la religion et de la féminité en Géorgie.

Cineuropa : Pourquoi avez-vous choisi de mettre la communauté des Témoins de Jéhovah au centre de Au commencement?
Dea Kulumbegashvili :
Il y a cinq ans, je rendais visite à mon père dans le village où il habitait, et il me parlait de ces gens liés à notre famille, des gens de ce village. il a dit : "Ils se réunissent généralement dans une salle de culte et leur voiture est en panne, et personne ne veut les amener bien que ça leur fasse des kilomètres à couvrir à pied, alors toutes les semaines, je les amène, tout simplement". J’ai demandé à mon père : "C'est juste pour donner un coup de main ?". Parce qu'il n’était pas, je dirais, très favorable au choix que ces parents avaient fait de se convertir à la religion des Témoins de Jéhovah. En tant qu'être humain, il se sentait coupable du fait que ces gens soient ostracisés à ce point par la communauté dans laquelle ils avaient grandi, chez eux. Et puis mon père est mort, et ces gens sont venus à l’enterrement et ils se sont mis à me parler.

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De quelle manière cette conversation vous a-t-elle affectée ?
J'ai commencé à voir que c’est un groupe de personnes très complexe. C’est un problème très complexe qu’on aborde ici : d’un côté, ils sont vraiment ostracisés par la communauté dans laquelle ils ont grandi alors qu'ils sont de là, mais de l’autre côté, la structure de ce groupe religieux en particulier est aussi très particulière. Donc j’ai commencé à m’intéresser à la manière dont ils vivent. Ce qui m’intéressait beaucoup, c’était le sujet de l’aliénation et de la manière dont, à cause des choix personnels qu’on peut faire, d’un coup, on peut se sentir comme un étranger, même parmi les gens avec lesquels on a grandi. Et le sujet de la religion en général m’intéresse.

Votre héroïne, Yana, jouée par Ia Sukhitashvili, qui vient d'être primée pour ce rôle, est une ancienne actrice qui a abandonné sa carrière pour la religion de son mari. Dans le film, elle trouve une voie. Quel est l’aspect de la féminité que vous vouliez explorer ?
Quand on grandit en Géorgie, en tant que femme, on est entraînée à ne pas se soucier de soi-même, d’une certaine manière. Dès l'enfance, tout ce que vous faites, ce n’est pas pour vous, c’est pour votre futur : quel genre de mère vous allez être, quel genre d’épouse vous allez être… Vous êtes entraînée à accepter que vous ne comptez pas vraiment. Et je m’intéresse vraiment au sujet de ce que cela signifie qu’être une femme. Je pense qu'avec toutes les préoccupations actuelles sur l’émancipation des femmes, ce sujet et ce problème vont bien plus loin que les droits de l'Homme ou juste des questions de parité. Et ça ne concerne pas que la Géorgie en particulier ; je dirais qu’il y a beaucoup d’autres pays où ces questions sont beaucoup plus pertinentes et problématiques.

La Géorgie est passée de la situation d'État communiste athée à un retour très rapide de la religion dans la société. Dans quelle mesure avez-vous été témoin de cela ?
Pendant mon enfance, il y a eu une première vague de chrétienté extrême qui a frappé la Georgie. Comme je le comprends, les gens ont besoin de croire en quelque chose de plus grand que nous. Parfois c’est l’État, parfois ce sont les idéaux communiste, et parfois c’est la religion. Je pense que quand le communisme a échoué, les gens se sont mis à chercher désespérément comment remplacer ce rêve par quelque chose d'autre, et la religion était là. Ma sœur et moi nous sommes mises à aller à l’église, et pourtant ma grand-mère était athée.

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(Traduit de l'anglais)

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