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VENISE 2020 Hors-compétition

Quentin Dupieux • Réalisateur de Mandibules

“Je fais des comédies sérieusement”

par 

- VENISE 2020 : Entretien avec Quentin Dupieux, le réalisateur de Mandibules, sur les personnages pas fute-fute, les “films à créatures”… et Will Ferrell

Quentin Dupieux • Réalisateur de Mandibules
(© La Biennale di Venezia/Foto ASAC/Giorgio Zucchiatti)

En apportant une dose d’humour bien nécessaire et des insectes géants dans la sélection hors compétition de la Mostra de Venise, Mandibules [+lire aussi :
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de Quentin Dupieux, suit deux gars (Grégoire Ludig and David Marsais), deux nigauds, qui découvrent dans le coffre d’une voiture volée bien plus que des provisions oubliées. Ils décident alors de dresser leur découverte.

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Cineuropa : Lorsque vous décidez de parler de personnes un peu, disons, simples d’esprit, comment faites-vous pour les rendre sympathiques ?
Quentin Dupieux : Je pense que certaines personnes ne vont pas accepter le film, elles vont refuser le fait qu’ils soient stupides. Et on ne sait même pas pourquoi ! Ils sont comme ils sont, donc c’est à prendre ou à laisser. Quelqu’un a déjà suggéré le côté "film de potes" de mes films, et c’est un code classique. Je me souviens que lorsque j’ai découvert Dumb and Dumber, j’ai adoré le film et j’ai voulu que ma copine le voie. Elle m’a dit : "On dirait des adolescents, ça n’est pas du tout drôle." Je croyais ce genre d’humour universel, mais je me trompais. C’est juste comme ça que se comportent les mecs quand ils ont entre 12 ans et…

… et 60 ans.
Oui, ça n’arrête pas ! Ici, c’est horrible, et ça me fait rire. Vous commencez par avoir des idées farfelues, mais ensuite vous devez trouver des personnages réalistes. Même s’ils sont dingues, il faut qu’ils soient crédibles. Sinon, vous risquez de passer complètement à côté de votre film et de faire quelque chose qui ne parle à personne. C’est ce qui m’est arrivé avec Wrong [+lire aussi :
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. C’est un film chouette, mais tellement éloigné de la réalité, tellement absurde, que seuls quelques geeks l’ont apprécié. Les gens normaux n’ont pensé que : "Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?" Ça fait beaucoup trop de pourquoi.

Ils ne se demandent pas ce qui leur arrive. Une fois qu’ils comprennent que ce n’est pas un sèche-cheveux qui se trouve dans le coffre de la voiture, ils s’en accommodent.
C’était l’idée. Ils trouvent une mouche géante et n’importe qui d’autre s’enfuirait certainement en criant. Ils se contentent d’un "Hein ! Elle est vivante ?" C’est un point de vue très différent de la situation. Et puis, ce n’est pas un film d’horreur, la mouche n’est pas effrayante, et je pense que lorsque vous regardez le film, vous vous intéressez davantage à l’amitié, aux personnages et à leurs mésaventures. La mouche est là, mais c’est une sorte d’animal de compagnie. C’est un monstre cool, c’est sûr, mais ils ont leurs propres problèmes d’humains à gérer.

Aviez-vous en tête tous ces "films de créatures" des années 50, avec ces monstres qui sont souvent très drôles quand on les voit aujourd’hui ?
C’est tout à fait ça ! J’ai grandi avec ces films aux créatures en caoutchouc. Même dans les années 1980, c’est comme ça qu’ils étaient faits, parce que les images de synthèse n’existaient pas. Ma démarche était donc logique, notamment parce que je voulais que le monstre ait une relation avec mes acteurs. Nous l’avons fait "à l’ancienne", c’est une marionnette. Puis nous avons créé les pattes en images de synthèse, mais que les pattes.

Tout le monde se demande "pourquoi une mouche ?" Avant ils se demandaient "Pourquoi un pneu ?" (dans Rubber [+lire aussi :
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). Certains vont remettre en question mon choix, en prétextant qu’un moustique serait mieux. J’ai des tonnes d’idées, et quand l’une d’entre elles reste, je sais qu’il faut la creuser. Cette mouche coincée dans le coffre d’une voiture n’arrêtait pas de revenir.

Vous avez l’air d’aimer les personnages qui ont font des fixations, comme Jean Dujardin avec sa veste dans Le Daim [+lire aussi :
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, ou aujourd’hui Manu et Jean qui sont convaincus que leur découverte va finalement changer leur vie.
Je suis peut-être aussi comme ça, je suis obsédé par ce que je fais. J’ai une vie de famille avec femme et enfants, une vie presque normale. Mais, je ne joue pas au tennis, je ne navigue pas, je ne voyage pas, non, je ne suis qu’un père de famille ordinaire obsédé par le cinéma. Je ne fais que ça !

La méthode américaine qui consiste à "tester" les comédies pour s’assurer que les blagues sont comprises par tous est terrible. Vous ne trouvez pas ? Chaque fois que je me rends compte qu’un de mes films est apprécié, je suis surpris. J’ai une très grande liberté artistique et donc je suis le seul responsable. Si le film est ennuyeux, c’est de ma faute.

Vos films, si on voulait les résumer, ont tous l’air d’être des histoires simples. Toute la folie se cache dans les détails.
C’est en général quelque chose qu’on invente sur le tournage. Je peux dire à un acteur : "là, tu n’as rien à faire pendant quelques secondes, alors pourquoi ne pas te toucher les cheveux ?" Je pense que ma façon de réaliser mes films, de les construire, et de les écrire, rend ma présence dans ce genre de festivals possible. J’essaie de faire en sorte qu’une comédie stupide ait l’air d’un vrai film. Quand vous regardez une comédie de Will Ferrell, vous savez que c’est du Will Ferrell. Ce n’est même pas du cinéma, c’est du divertissement. Je fais des comédies très sérieusement.

Pour celle-ci, je pensais à No Country for Old Men, mais simplement pour l’aspect du film et parce qu’il n’y a aucune musique. Je trouvais le concept intéressant parce que quand je vois un film où la musique prend le dessus, je bloque. Je n’arrive plus à rire. Quand la musique est là pour expliquer "oh, voici le moment sentimental et là le moment drôle," je me dis "Euh non, là ce n’est pas possible."

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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