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GALWAY 2020

Guillaume de Fontenay • Réalisateur de Sympathie pour le diable

"Paul Marchand était un personnage de film fort"

par 

- Rencontre avec le réalisateur franco-canadien Guillaume de Fontenay dont le premier long-métrage Sympathie pour le diable est présenté cette semaine au Galway Film Fleadh

Guillaume de Fontenay  • Réalisateur de Sympathie pour le diable
(© Shayne Laverdière)

Depuis sa première mondiale en octobre 2019 lors de la 26e édition des Prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, la coproduction Canada-France-Belgique Sympathie pour le diable [+lire aussi :
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fiche film
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a remporté de nombreuses récompenses, notamment le Grand Prix du Festival International de Film de Saint-Jean-de-Luz (France) et trois Prix Iris (Québec).

Ce biopic de guerre en plein cœur du siège de Sarajevo (1992-1996) qui continue sa tournée internationale est désormais présenté au sein du volet Peripheral Visions du Galway Film Fleadh, dont la programmation est accessible en ligne du 7 au 12 juillet sur le territoire irlandais. Cette nouvelle section vouée à renforcer le rayonnement du cinéma européen contemporain est réalisée en association avec Europa Film Festivals. Chacun des treize festivals membres du regroupement a choisi un titre répondant aux thèmes de Galway 2020 Capitale Européenne de la Culture : paysage, langage et migration. Et c’est ainsi le Festival de films francophones Cinemania (Montréal) qui accompagne Sympathie pour le diable à Galway.

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Rencontre avec Guillaume de Fontenay, réalisateur de ce drame saisissant adapté du livre éponyme signé par le reporter de guerre français Paul Marchand, aujourd’hui disparu.

Cineuropa : À quand remonte votre première rencontre avec le personnage de Paul Marchand ? Quand et comment avez-vous découvert son histoire ?
Guillaume de Fontenay : J’ai d’abord connu Paul au travers du Téléjournal de Radio-Canada où il était correspondant de guerre freelance depuis Sarajevo de juin 1992 jusqu’à ce qu’il soit évacué d’urgence en novembre 1993. En 1997, je l’ai redécouvert au travers de ses récits dans Sympathie pour le diable. Prise de risque maximum, provocateur, il avait écrit sur sa voiture à l’attention des snipers "Morituri te salutant" et "Don’t waste your bullet, I’m immortal". Paul Marchand était un homme profondément blessé, une des intelligences les plus vives que j’ai rencontrées et de par sa personnalité extrême, un personnage de film fort. Nous nous sommes rencontrés en France pour la première fois en juin 2006.

L'an dernier, votre film a remporté pas moins de quatre récompenses en Belgique au sein du Waterloo Historical Film Festival (Prix du Public, de la Critique, Interprétation masculine pour Niels Schneider, Interprétation féminine pour Ella Rumpf). Justement, décririez-vous Sympathie pour le diable comme un film historique ? En quoi vous semblait-il essentiel de revenir sur le siège de Sarajevo, ce moment trouble de notre histoire contemporaine ?
Oui quatre prix à Waterloo, juste après les quatre prix du Festival International du Film de St-Jean-de-Luz et juste avant une Palme de Bronze à la Mostra de Valencia. Quel bonheur et quel honneur pour nous tous après toutes ces années ! Sympathie pour le diable est avant tout un film sur la fêlure d’un homme, d’un journaliste qui aurait souhaité réussir à alerter le monde, à le rendre meilleur, à faire une différence. Doit-on rester neutre, prendre parti, doit-on venir en aide aux victimes ? D’un point de vue historique, j’ai été profondément choqué par notre apathie collective face à cette guerre, à ce siège médiéval aux portes de l’Europe que nous avons toléré pendant près de 4 ans. Et il me semblait important de revenir sur ce conflit trop vite oublié.

Parlez-nous de la manière qu'avait Paul Marchand de relater la guerre. Comment avez-vous transcrit cela dans le film ?
Paul était plutôt un éditorialiste qui avait une opinion assumée. Il est le seul correspondant que je connaisse qui terminait ses topos en concluant de son fameux : "(…) et tout ça sous le regard impassible de la Communauté Internationale." En 4/3, l’image a le cadre de nos téléviseurs et des reportages de l’époque. Elle est plus brutale, plus claustrophobique. J’ai sciemment voulu suivre Paul. C’est au travers de lui que nous découvrons le siège de Sarajevo, ses habitants, et le métier de correspondant de guerre. C'est lui qui nous ouvre le chemin, qui nous précède la majeure partie du temps. Son passé et son futur ne m’intéressent pas, ce qui m’intéresse est son rapport au présent dans ce monde en survie.

Le film a été dans sa quasi-intégralité tourné à Sarajevo. Parlez-nous de cette expérience qui fut, semble-t-il, constamment guidée par un fort désir d'authenticité. Qu'est-ce qui vous a fasciné dans cette ville ?
C’était très important pour moi de tourner tout le film à Sarajevo, je voulais redonner aux Sarajéviens et faire ce film avec eux. Heureusement, Boba Lizdek, qui est un personnage central du film, m’a soutenu depuis que Paul s’est enlevé la vie, elle m’a aidé pendant toute la préparation et le tournage. Un tournage très exigeant, en plein hiver, le froid, des conditions difficiles, parfois dangereuses. La quasi-totalité de l’équipe était bosnienne, tous ceux et celles qui avaient plus 30 ans ont été profondément marqués par cette guerre. Ça force l’humilité, l’engagement total et le désir de faire un film fort et juste. Une expérience extraordinaire avec une équipe exceptionnelle.

Vous avez plusieurs fois évoqué votre souhait de mettre en place une "narration sensorielle" pour raconter cette histoire à la fois crue, violente et humaniste. Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos intentions de mise en scène ? 
Il est difficile de dire beaucoup de chose en 1h40 et j’ai privilégié une approche plus sensorielle pour essayer de faire ressentir aux spectateurs un peu de ce siège et de ce métier de correspondant de guerre. Cette urgence de dénoncer qui habitait Paul, j’ai voulu la retrouver au travers d’une narration sans fioriture, une caméra à l’épaule, de longues prises immersives, éviter les champs, contre-champs habituels, être au plus près, faire ressentir la guerre, cette pression sourde, éviter d’être complaisant, rester sur les faits, montrer la violence de façon crue avec pudeur et retenue. Raconter ce que Paul racontait. Tenter d’être le plus juste possible face à un sujet aussi important.

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