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Belgique

Fabrice du Welz • Réalisateur

"Il est grand temps reprendre nos métiers et le cours de nos vies"

par 

- En vue de l’absence d’engagement quant à une possible reprise de l’industrie en Belgique, le cinéaste Fabrice du Welz revient pour nous sur cette situation qu’il juge délétère

Fabrice du Welz  • Réalisateur
(© Claure Geerts/Be TV)

Alors que de nombreux pays européens annoncent plans de soutien et dates de réouverture des salles, voire le retour des tournages, le quasi silence des autorités fédérales en Belgique commence à devenir assourdissant pour les professionnels. Si des mesures ont été annoncées par des instances de soutiens régionales ou communautaires, et si les discussions pour assouplir les modalités de recours au Tax Shelter semblent avoir abouti, depuis quelques jours, interventions et tribunes se succèdent, à titre individuel ou collectif, comme la récente campagne #noculturenofuture lancée par une dizaine d’associations professionnelles.

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La situation en Belgique est aujourd’hui très floue, et si des dates de retour aux affaires se murmurent par-ci par-là en coulisses, aucune déclaration officielle n’est venue à ce jour alléger les inquiétudes légitimes du secteur. Le cinéaste belge Fabrice du Welz (Adoration [+lire aussi :
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) s’apprêtait à lancer le tournage de son nouveau long métrage, Inexorable, quand tout s’est soudain arrêté mi-mars. Après plus de deux mois d’interruption, et l’absence d’engagement ou même de perspective quant à une possible reprise, l’incompréhension et la colère le gagnent. Il revient pour nous sur cette situation qu’il juge délétère, et appelle à un retour au travail.

Cineuropa : Comment vivez-vous cet arrêt de moins en moins momentané des programmes ?
Fabrice du Welz :
Je fais des films depuis 15 ans. Le cinéma est ma grande passion et ma seule obsession. Je suis à l’arrêt depuis le 13 mars alors que j’étais à 3 semaines de commencer le tournage de mon prochain film, Inexorable.

Aujourd’hui, j’ai un peu le sentiment d’être au coeur d’un film peu connu et que j’aime beaucoup : Le Château de la pureté d’Arturo Ripstein (1972) où un homme décide de préserver sa femme et ses trois enfants des perversions du monde et les enferme pendant 18 ans. Partout et tout le temps, j’entends des gens qui me disent quoi faire, où je peux m’assoir, où je peux me promener, où je peux marcher et ce que je dois porter. Sous couvert de l'inattaquable “me protéger c’est protéger les autres”, je dois me soumettre au bon sentiment, l’aveuglement et l’incohérence.

La peur est aussi un facteur important de ce changement de paradigme.
Avant la crise, le monde n’était déjà pas très réjouissant. Aujourd’hui et ce, depuis le premier jour de confinement, le principe de précaution semble être devenu un nouveau modèle de société. Au point que pour la première fois de ma vie, je sens ma liberté individuelle diminuée. De manière insidieuse, je me retrouve infantilisé, dépendant et dans l’attente anxiogène d’une voie concrète à suivre.

Les professionnels belges réclament des mesures, ou a tout le moins des annonces. Que faire, face au silence ?
J’attends. Je ne travaille plus. Deux mois et plus que j’attends, comme tant d’autres. J’attends que des gens élus - les mêmes qui, pendant cette crise, ont tâtonné, démontré l’étendue de leur incompétence et sciemment menti - me disent enfin quand et comment je pourrai reprendre ce que j’avais commencé.

J’ai toujours fui les politiques, les donneurs de leçons et les artistes démagogues et si je me permets de m’exprimer à ce sujet aujourd’hui, c’est avant tout parce que je me sens aliéné par un système de précaution qui pense et agit à ma place. Je suis un homme de 47 ans et je chéris la liberté plus que tout. Sous couvert du principe de précaution, nos libertés se réduisent et ne font qu’accentuer les injustices et les déséquilibres entre nous tous.

Je demande la liberté de vivre et de travailler. Ce droit est fondamental. Vivre sous garantie est une idiotie. Il n’existe aucune garantie à la vie. Vivre c’est agir, et toujours mourir à la fin. Et moi je veux vivre. À ma guise.

Oui, des gens meurent - j’ai moi-même perdu des amis dans cette crise. Mais nous avons compris aujourd’hui que nous ne faisons face ni à la peste noire, ni à Ebola, ni au choléra.

Qu’attendre du monde de demain, alors ?
Je ne veux pas d’un monde de précaution, un monde digital qui me soumet, je refuse d’être dépendant de gens qui me disent quoi faire, quoi penser, quand travailler et quand me confiner. Je ne veux pas d’un monde de télétravail, de réunions Zoom et de journalistes/ experts qui diffusent continuellement à la télévision leur poison violent. La peur nous contamine, cette peur nous empoisonne et nous entraine inexorablement vers l’abîme.

La liberté est notre bien le plus précieux et il est grand temps reprendre nos métiers et le cours de nos vies. De ne plus nous soumettre à l’approximation de nos dirigeants et surtout de ne pas compromettre notre avenir et notre liberté, ni celle de nos enfants.

Je veux vivre sans peur, responsable, conscient des dangers et en harmonie avec mon environnement, mais vivant, agissant et libre.

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