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BERLINALE 2020 Compétition

Fabio et Damiano D'Innocenzo • Co-réalisateurs de Storia di vacanze

"Nous voulions placer le spectateur dans une position inconfortable"

par 

- BERLINALE 2020 : Rencontre avec Fabio et Damiano D'Innocenzo, de retour à Berlin avec Storia di vacanze, le conte de fées le plus perturbant de la compétition internationale

Fabio et Damiano D'Innocenzo  • Co-réalisateurs de Storia di vacanze
(© Fabio D'Innocenzo)

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(Favolacce), le second film de Fabio et Damiano D’Innocenzo présenté à la Berlinale après Frères de Sang [+lire aussi :
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en 2018, voit une petite communauté de la banlieue de Rome tenter de survivre à un été mouvementé de plus. Mais ils ne pourront pas échapper à une anxiété et des frustrations grandissantes, et encore moins au jugement de leurs enfants, qui remarquent chacune des erreurs qu’ils essaient de faire oublier.

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Cineuropa : Votre film évoque les contes de fée sombres que l’on apprenait petits. Est-ce que vous le concevez aussi ainsi ?
Damiano D’Innocenzo : Ce n’est qu’au début du siècle dernier que les contes de fée ont commencé à bien se terminer. Mais à l’origine, ce n’est pas pour ça qu’on les raconte, et d’ailleurs ce n’est pas leur but ! Ils sont censés vous apprendre comment survivre : c’est un peu comme votre propre Manuel des Boy-Scouts, pour ainsi dire. Par ailleurs, c’est aussi les parents qui ont besoin d’être constamment rassurés que tout ira bien, à la fin. Ce sont ceux qui se décident pour emmener voir certains films à leurs enfants, choisir s’ils sont appropriés pour eux ou pas. Mais pas nous : on voulait que ces histoires soient brutes et rustiques. Ce n’est pas par hasard que nos contes favoris sont russes, ou bien ceux des frères Grimm.

Je me souviens de votre précédent opus [Frères de Sang], et maintenant il est parfaitement clair que vous n’avez pas peur de montrer des personnages faire du mal. Est-ce que c’est quelque chose que vous voyez en regardant votre environnement ? Et est-ce que c’est le cas avec des enfants ?
Fabio D’Innocenzo : Nous sommes des gens très sensibles, et on était souvent victimes de la méchanceté des autres. Et dans le cas de notre pays, ce phénomène ne fait que s’accentuer : être méchant est vu comme une attitude acceptable, et les gens en deviennent presque déshumanisés. Pour nous, c’est choquant de voir l’époque dans laquelle on vit. C’est vrai que parfois, on a des problèmes de communication, et on espère que ce monde deviendra meilleur un jour. Et c’est pour cela qu’à chaque fois qu’on a l’opportunité de raconter quelque chose, on n’essaie pas de romancer la réalité. On la montre de la manière dont on la vit et oui : on voit du mal partout. Dans notre film, les enfants essaient de faire comme les adultes ; ils imitent ce qu’ils voient.

Pourquoi avez-vous décider de placer l’action sur tout un été ? Cela semble rendre tout le monde plus nerveux, avec de la sueur visible partout où ils vont.
F.D. : Il s’agissait plus d’un choix esthétique. On avait besoin du soleil pour rendre service à l’image, évidemment, mais aussi pour souligner les traits vulgaires de nos personnages adultes, et les faire contraster avec la délicatesse et la gentillesse des visages de leurs enfants. On avait aussi besoin d’eau : un autre élément qui peut vous baigner et vous mettre en valeur ou, au contraire, devenir presque obscène, comme dans la séquence avec [un des comédiens principaux] Elio Germano. Lorsque son personnage est censé se reposer, en flottant dans l’eau, il baigne juste dans des eaux sales.

Storia di vacanze a presque sa propre odeur – et pas celle qui sent le meilleur. C’est aussi parce que, à cause de ces fortes chaleurs, les corps semblent poser problème.
F.D. :
On en a parlé pendant l’écriture, et c’est vrai : le sentiment commun à beaucoup de nos personnages peut se rapprocher de l’enfermement dans une cage. Mais ce n’est pas juste le corps qui est enfermé : l’esprit et l’âme aussi. Ces gens-là semblent être totalement cloîtrés. Ils nourrissent du ressentiment, des jalousies et des frustrations, ils sont incapables de réaliser leurs rêves. Ils ruminent sur tout ça, et bien sûr, ils en pâtissent aussi sur le plan physique.

Est-ce que vous vouliez toujours laisser planer cette ambiance de mauvais augure sur le film ? Dès le départ, quand on entend un reportage télé sur une tragédie familiale, il semble que quelque chose se trame à notre insu…
D.D. : On avait seulement 19 ans quand on a commencé le travail sur ce film mais oui, c’était intentionnel. Ce qui nous restait en tête, c’était une leçon de Raymond Carver [écrivain américain]. Il dit que chaque histoire doit avoir un élément déclencheur, mais qu'on ne doit pas savoir immédiatement ce que c’est. On a repris cette idée à notre compte : mettre le public mal à l’aise. On sent que quelque chose va se passer, mais on ne sait pas quoi. Robert Altman faisait aussi ça dans ses films d’ensemble. Ses personnages sont ensemble, et alors ? Il y a toujours quelque chose qui ne tourne pas rond.

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(Traduit de l'anglais)

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