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COTTBUS 2019

Štepán Altrichter • Réalisateur de National Street

"L'histoire, ça n'est pas si important que ça"

par 

- Cineuropa a rencontré le réalisateur tchèque Štepán Altrichter qui, après Schmitke, est retourné au Festival de Cottbus avec son deuxième film, National Street

Štepán Altrichter  • Réalisateur de National Street

Après avoir remporté le prix du meilleur premier film au Festival de Cottbus pour Schmitke [+lire aussi :
critique
fiche film
]
, en 2014, Štepán Altrichter fait son retour à l'événement allemand avec National Street. Le film, projeté dans le cadre de la Compétition longs-métrages, suit les mésaventures de Vandam (Hynek Čermák), un personnage violent qui se bat pour sauver son bar préféré en s'inspirant, clairement, de l'autre Van Damme.

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Cineuropa : Votre film est tiré d'un roman de Jaroslav Rudiš, assez célèbre en République tchèque.
Štepán Altrichter: C'est mon producteur, Pavel Strnad [de Negativ] qui en a eu l'idée. Il avait vu mon premier long-métrage, qu'il a aimé, je crois, et il a suggéré que j'adapte le roman en collaboration avec Jaroslav. Je l'ai trouvé intéressant, mais même ma mère a dit que c'était impossible - et elle n'a rien à voir avec le cinéma ! Miloš Forman disait que si on veut adapter un livre, la première chose à ne pas faire est le reproduire à l’écran tel quel. Un livre et un film ne fonctionnent tout simplement pas de la même manière. L'ironie, c'est que j'ai découvert que travailler avec l'auteur du roman me donnait davantage la liberté d'y apporter des changements. Le cinéma est comme le petit frère idiot de la littérature : tout doit y être plus simple.

On dirait par moments une version tchèque de Tortilla Flat, avec tous ces personnages étranges en arrière-plan, qui forment une communauté.
Pour moi, c'était plus important que l'histoire en elle-même. Ça peut paraître bizarre, mais si vous m'interrogiez sur mes films préférés, je ne pourrais pas vous dire ce qu'ils racontent. Je sais tout des images, du son et des personnages, mais l'histoire... ça n’est pas si important que ça.

Il y a un film des années 1960 intitulé The Cremator [de Juraj Herz]... Quand j’ai lu le livre pour la première fois, j'ai eu la même idée : entrer dans la tête de ce type, mais Pavel a dit : "D'accord, ça va fonctionner avec les intellos, mais quid des autres ? Faisons en sorte que même quelqu'un comme Vandam puisse voir le film". Vous y entrez d'abord avec lui, er puis vous faites un pas dans l'inconnu. La première partie est plutôt une comédie, et la seconde un drame. Il était important pour nous d'amener les gens à voir Čermák comme un "mec cool", pour ensuite se rendre compte que ce qu'il fait n'est peut-être pas si cool que ça. On a face à ce personnage des réactions très ambivalentes : il est attachant, mais c'est un connard. Certaines personnes ont un problème avec ça : dans le scénario, on donnerait trop de temps d'écran à ce type à moitié nazi, on ne se serait pas positionnés assez nettement contre lui. Alors que c'est pour moi la partie la plus progressiste du film ! L'idée était justement de toucher les Vandams.

Mais étant donné ce qui se passe sur le plan politique, ne craigniez-vous pas qu’une grande partie de ces gens se sentent encouragés à agir comme lui, en voyant "un des leurs" aller au feu, pour ainsi dire ?
Si. Même les acteurs ont craint ça. Prenez donc Joker : apparemment, il y a des gars d’extrême-droite qui essaient de refaire comme lui, qui disent que le film les encourage à commettre des actes de terrorisme. C’est la même situation. Je suis d'ailleurs allé présenter mon film au cinéma, dans des petites villes autour de Prague, aussi parce que je voulais voir si j'étais parvenu à faire ce que je voulais faire, pour m'assurer que je ne m'étais pas retrouvé à faire un film d’extrême-droite !

Avec les intellos de gauche dans mon genre, c’est certainement un terrain plus glissant, mais après j’ai aussi posé la question à des types chauves avec des t-shirts Bohemia Hammerskins : "Vous avez aimé? Il est cool ce mec, non ?", j'ai dit, peut-être pour les provoquer un peu. J'obtenais toujours la même réponse : "C'est un brave gars, mais il part en sucette". C'est simple : quand il tape ce type, au sauna, ou quand il traite la fille comme il le fait, même si les mecs sont des sexistes homophobes qui se disent au départ que le personnage est un des leurs, ils repartent avec le sentiment que c'est un loser. Je suppose que malgré tout, il pourrait en rester qui auront une autre lecture, mais c’est justement pour cela que le film est fait si simplement ; comme ça, ils suivent le personnage et font tout ce parcours, alors qu’ils ne tiendraient pas cinq minutes devant Irréversible de Gaspar Noé. D'ailleurs, ils ne rient pas quand il frappe des gens. Ça vaut pour le public "normal", ça vaut pour les Vandams. Je ne pense pas que les films puissent avoir de l'impact à ce point – cela dit, on a fait passer quelques messages, ça c'est sûr.

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(Traduit de l'anglais)

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