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VENISE 2019 Orizzonti

Valentyn Vasyanovych • Réalisateur d'Atlantis

"En Ukraine, il faut être un optimiste"

par 

- VENISE 2019 : Avec l'aide du producteur Vladimir Yatsenko dans le rôle de l'interprète, Cineuropa a discuté avec Valentyn Vasyanovych de son film Atlantis, élu meilleur film de la section Orizzonti

Valentyn Vasyanovych  • Réalisateur d'Atlantis

Dans Atlantis [+lire aussi :
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interview : Valentyn Vasyanovych
fiche film
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, élu meilleur film de la section Orizzonti de la Mostra de Venise, Valentyn Vasyanovych va jusqu’au futur et imagine l'Est de l’Ukraine en 2025. La guerre est terminée depuis un an et le pays est tellement détruit qu'on ne peut le reconnaître. Un ancien soldat, Sergiy, qui souffre d'un syndrome post-traumatique, essaie de trouver un sens au monde dépouillé qui l’entoure. Et peut-être aussi de rencontrer l’amour en chemin.

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Cineuropa : Dans Atlantis, vous avez voulu montrer la guerre comme un désastre écologique et pas seulement un conflit armé. Comment avez-vous procédé pour créer cet univers qui ressemble à un désert ?
Valentyn Vasyanovych :
J’aime placer mes personnages dans des lieux atypiques. Le Donbass correspondait parfaitement parce que j’ai passé longtemps là-bas et maintenant, c’est vraiment comme la Zone dans Stalker de Tarkovski. Je dirais qu’il y a plusieurs niveaux différents à cette histoire, mais ce désastre écologique est quelque chose qu’on vit déjà. C’est comme Tchernobyl, pourrait-on dire. Le problème est que ce genre de choses n'arrive pas du jour au lendemain. C'est pour ça que les gens n'y font pas trop attention au début.

C’est une région rurale et il n’y a plus beaucoup de sources d’eau qui restent. Comme ce territoire déborde de mines abandonnées, fermées depuis déjà de nombreuses années, les gens sont obligés de pomper l’eau, sinon elle absorbe tout le poison. Cela va prendre encore quelques années pour que toutes les sources d’eau dans cette région disparaissent complètement, mais très vraisemblablement elle va devenir un désert, un marécage salé, tout comme dans le film. Personne ne sait si on peut encore l’arrêter ou si c’est déjà trop tard. Je voulais montrer le monde quand l’affaire est faite. Dans Atlantis, les troupes russes ont déjà quitté les lieux, mais on ne peut plus vraiment se servir de ce territoire. C’est très sombre comme idée : ça veut dire que des gens sont morts pour un lieu qui est littéralement devenu un marécage.

Dire qu’un réalisateur a "trouvé la lumière dans l’obscurité" est devenu un des pires clichés en matière de critique de film, mais c’est exactement ce qui se passe ici ! Pourquoi était-il important de nous laisser un peu d’espoir à la fin ?
Je suis un optimiste, en Ukraine il faut l'être. Avant tout parce que je dis qu’en 2025, la guerre sera finie. Au départ, j'ai abordé cette histoire très sérieusement, et puis les 70 % du film tournés, je me suis rendu compte que ça ne fonctionnait pas. Alors j’ai réécrit certaines scènes, je me suis rendu de nouveau dans le Donbass et j’ai ajouté cette histoire d’amour [entre des personnages joués par Andriy Rymaruk et Liudmyla Bileka], et là les choses ont commencé à avoir du sens. Ma manière de travailler comprend l'idée de ne pas trop coller au scénario. Je préfère absorber les situations. Je sais ce que je vais obtenir, bien sûr, mais généralement, je laisse de l’espace pour que des miracles arrivent.

Quand ils creusent pour retrouver des corps momifiés dans le film, ils disent qu’ils "vont revenir chercher ceux qu'ils ont laissé derrière eux". Ce concept vient d'une initiative existante, n’est-ce pas ?
Oui, c’est une association qui existe. Quand Liudmyla Bileka a commencé à travailler sur son personnage, elle a parlé avec une fille qui travaillait pour la mission Tulipe noire [une organisation humanitaire qui cherche les corps des gens portés disparus]. Je voulais inclure ces scènes pour souligner qu’à ce stade, la guerre est déjà finie, et les deux parties dans le conflit sont enterrées bien profond dans la terre. Quand la guerre se termine, il faut en vérité beaucoup, beaucoup d’années pour arranger les choses et tout nettoyer. Nous avons déjà perdu des milliers de gens dans cette guerre et dans les troupes ukrainiennes, il y a tellement de volontaires que personne ne les compte vraiment. Un jour, ils disparaissent, simplement.

Était-il intéressant pour vous de parler de ces événements moins directement ? Vous mentionnez Stalker et oui, il y a une dimension science-fiction dans votre film également. Cela dit, depuis ma récente visite à Odessa, j’ai l’impression que les réalisateurs ukrainiens en général sont enfin prêts à parler de la guerre.
Dans Atlantis, je n’avais pas besoin de montrer la situation dans son ensemble, les détails étaient beaucoup plus importants. Je voulais dépasser les simples faits, et déplacer tout le récit dans le futur m’a permis de réfléchir sur ce qui se passe maintenant. Ça a été un exercice psychologique pour mon cerveau. C'est vrai qu'on ne commence que maintenant à parler de ces événements au cinéma, mais le plus gros de la société préfère encore les ignorer. Vous savez comment c'est : quand on est devant quelque chose de terrifiant, on continue de se répéter que cette chose n’existe pas. Ça ne marche pas vraiment : on ne fait qu’éviter la situation quand on fait ça, ce qui finit par la rendre bien pire.

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(Traduit de l'anglais)

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