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LOCARNO 2019 Compétition

Eloy Enciso • Réalisateur de Longa noite

"Le cinéma est un moyen d'explorer ainsi que de raconter"

par 

- Le réalisateur galicien Eloy Enciso, en lice à Locarno avec son deuxième long-métrage, Longa noite, nous raconte les coulisses de ce nouveau film très évocateur

Eloy Enciso  • Réalisateur de Longa noite

Sept ans après Arraianos [+lire aussi :
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, présenté dans la section Cinéastes du présent, le réalisateur galicien Eloy Enciso fait son retour au Festival de Locarno avec Longa noite [+lire aussi :
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, un voyage sensoriel au cœur de la blessure encore à vif de la répression franquiste. Nous avons discuté avec lui afin qu’il nous en dise plus à ce sujet.

Cineuropa : Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce film ?
Eloy Enciso
 : Deux raisons complémentaires. La première est d’ordre artistique, je voulais faire un film nocturne, explorer l’obscurité et les limites de la perception au cinéma. Dans le cinéma actuel, il y a souvent un excès d’information, tout est éclairé, et j’ai pensé qu’il serait intéressant d’aller dans la direction opposée. La seconde idée a émergé suite à la crise économique et politique espagnole, en m’intéressant aux raisons de cette crise. Je me suis intéressé à la transition démographique, mais j’ai senti qu’en revenant davantage en arrière, mes lectures avaient une résonnance plus grande. J’en ai conclu que le moment le plus important pour comprendre l’Espagne d’aujourd’hui était probablement les dix premières années du franquisme. J’ai commencé à lire des mémoires et des lettres de prisonniers, et j’ai senti qu’il y avait quelque chose à explorer là-dedans. Et, comme le dit souvent Jean-Marie Straub, "faire la révolution, c’est aussi remettre en place des choses très anciennes et oubliées". J’ai donc pensé que pour comprendre le présent, il fallait parler du passé pour savoir comment ça s’était passé, plutôt que pour des raisons historicistes.

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Dans ce cas, est-ce que ce sont les textes qui ont façonné le film ?
Oui. Au bout d’un moment, j’avais déjà beaucoup de matière. Sans vouloir écrire un scénario classique avec une intrigue fermée, j’ai sélectionné des éléments qui pourraient être réunis dans un même projet. Je savais qu’un personnage allait me servir d’excuse pour visiter différents lieux, pendant son voyage de retour dans son village natal après la guerre civile espagnole. De manière assez intuitive et sans me soucier vraiment de l’ordre des éléments, j’ai créé différents personnages, profils et voix qui donneraient lieu à une étude approfondie sur le déroulement passé des choses, ou du moins sur la manière dont beaucoup de personnes les vivaient à ce moment-là.

Il est intéressant de voir que dans vos films, vous utilisez des mots déjà écrits, au lieu d’en écrire des nouveaux. Est-ce que ça vous fait peur d'écrire "en partant de zéro" sur un sujet aussi lourd que l’Jistoire ?
Ce n’est pas tant que j’aie peur, c'est que d’autres ont déjà écrit avant moi et qu’ils ont vécu cette Histoire dans leur chair, et de manière remarquable en plus. En fait, dans mes premières ébauches, j’utilisais davantage certains éléments qui étaient liés à mon passé familial, mais rapidement, en commençant mes recherches, je me suis rendu compte que ma façon de voir les choses était un peu simpliste. Au fil de mes lectures, j'ai compris que la réalité était bien plus complexe que ça.

La phase de recherche, de création et de production a-t-elle été facile pour vous ?
De manière générale, les gens se sont réjoui que quelqu’un s’intéresse à des documents qui sont presque inédits ou qui ont été très peu publiés. La contribution des héritiers qui gèrent l’héritage des auteurs, des fondations, etc., a été capitale. Et puis j’ai travaillé un certain temps à l’institut Radcliffe d’Harvard, durant la phase de recherche et d’écriture, et aussi sur des aspects techniques qui sont liés à l'approche formelle. La production n’est jamais facile, mais on a créé une production dont la taille nous permettrait de travailler grâce aux aides qu’on pourrait avoir.

L'approche formelle qu'adopte le film est claire. Il réunit des références cinématographiques claires tout en s'inscrivant dans certain courant stylistique plus novateur du cinéma actuel. Pourriez-vous nous parler de vos décisions artistiques ?
Selon moi, ces deux concepts sont liés. Mon œuvre contient beaucoup de références, mais en réalité, on arrive à avoir des similitudes en considérant le travail d’une certaine façon, et non en prenant des décisions conscientes. Souvent, les références ne sont même pas cinématographiques. Pour ce film, je me rappelle même avoir parlé d’artistes contemporains plasticiens comme James Turrell ou Anish Kapoor à mon directeur photo, Mauro Herce. Cela démontre que le cinéma n’est pas replié sur lui-même. Et travailler avec des personnes qui ont une relation transversale avec le cinéma comme, par exemple, des acteurs non professionnels qui font du théâtre amateur, rend le Septième Art plus accessible. Au-delà des histoires qu'il raconte, le cinéma est un outil d’exploration. Il y a différentes manières de susciter des émotions, la narration n'est que l’une d’entre elles, mais il y a bien plus. Le cinéma est un art qui peut regrouper de nombreuses manières et disciplines, mais il continue de dépendre beaucoup de l'approche narrative qu'on a au sens littéraire du terme, après plus d’un siècle d'existence. Même si les thématiques sont presque toujours les mêmes, dans le fond, j’aime les aborder d'une manière différente qui permet de les voir comme quelque chose de nouveau.

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(Traduit de l'espagnol par Fabien Soulier)

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