email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

LOCARNO 2019

Lili Hinstin • Directrice artistique, Festival de Locarno

"Je veux que le Festival de Locarno soit très libre dans ses choix"

par 

- Rencontre avec Lili Hinstin, nouvelle directrice artistique du Festival de Locarno, pour discuter de la 72e édition, de ses ambitions et des nouveautés par rapport au passé

Lili Hinstin • Directrice artistique, Festival de Locarno

Cineuropa a rencontré Lili Hinstin, nouvelle directrice artistique du Festival de Locarno, pour discuter de la 72e édition qui se déroulera du 7 au 17 août, de ses ambitions et des nouveautés par rapport au passé.

Cineuropa : Quelle est la touche personnelle que vous voulez donner à la manifestation ? Quels sont vos objectifs à court et long terme ?
Lili Hinstin : Je veux que le Festival de Locarno soit très libre dans ses choix. Au niveau de l’industrie par exemple, je ne vais pas choisir un film juste parce qu’il est suisse. Je ne vais pas faire de choix diplomatiques. On a décidé que s’il n’y avait pas de bons films suisses on n’allait pas en mettre à tous prix. Je pense que ce n’est pas un service à rendre au cinéma suisse. Il se trouve que cette année on a vu de très bons films suisses, avec des gestes cinématographiques très libres et notamment des films qui témoignent d’un important renouveau générationnel. C’est une règle importante qu’on s’est donné, c’est un choix politique important pour nous en tant que plus grand festival suisse. Evidemment on a une attention toute particulière pour la cinématographie nationale et on a envie qu’il y ait des films suisses au festival mais on ne veut pas qu’il en ait juste pour une question de représentativité.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

La même chose pour l’industrie internationale. On ne va pas choisir un film juste parce qu’on a des bonnes et fidèles relations avec un vendeur ou un distributeur. Parfois c’est très difficile de refuser le film d’un cinéaste dont on aime la cinématographie complète. La programmation nait d’une proposition collective du nouveau comité de sélection. On veut garder une intégrité artistique complète.

Dans le projet de programmation que j’ai, l’ensemble des films proposés dans la programmation doit découler d’une proposition esthétique et donc politique. Il s’agit d’un ensemble à la fois ouvert mais aussi rigoureux et pointu. En somme, une réflexion sur l’art cinématographique.

Je pense que cela fait vraiment partie de la tradition du festival. En tant que directrice artistique je pense que le point de départ de mon travail c’est l’interprétation d’un héritage, d’une histoire liés au festival. Je pense que le festival de Locarno a toujours été une "tête chercheuse", un lieu de défrichage de nouveaux gestes contemporains. Dans ce sens, je m’inscris complètement dans la lignée de mes prédécesseurs.

En compétition internationale on remarque la présence de beaucoup de films européens, notamment de productions et coproductions françaises, comment expliquez-vous cela ?
A mon avis il n’y a que deux films français dans la Compétition internationale : celui de Nadège Trebal (Douze Mille [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
) et celui de Damien Manivel (Les Enfants d'Isadora [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Damien Manivel
fiche film
]
). Terminal Sud [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
de Rabah Ameur-Zaïmeche est indiqué comme français mais en fait il s’agit d’un cinéaste algérien. C’est un film qui parle de l’histoire de l’Algérie donc je le vois presque plus comme un film algérien que français. A Febre [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Maya Da-Rin
fiche film
]
de Maya Da-Rin qui est une coproduction entre Brésil, France et Allemagne reste selon moi un film très brésilien, avec une cinéaste brésilienne et tourné au Brésil. C’est comme à Cannes où il y a je pense 50% de productions et coproductions françaises dans la programmation et cela montre aussi la force du système économique français. C’est une économie qui est aussi ouverte à l’international et qui aide et soutient les cinémas du monde. Parfois il y a des vendeurs internationaux qui sont impliqués dans le financement des films mais je ne pense pas qu’il y ait davantage de films français dans la Compétition internationale cette année.

Par rapport au grand nombre de films européens, c’est aussi un constat qu’on a fait avec le comité de sélection. Il y a en effet beaucoup de films européens dans la programmation. C’est une tendance qu’on a rencontrée cette année aussi dans d’autres grands festivals mais je ne serais pas l’expliquer. Bien sûr, même si on a envie que dans la programmation il y ait un équilibre et que les films viennent du monde entier, de Chine ou d’Amérique latine par exemple, ce n’est pas toujours le cas. Dans la décision finale ce qui prime c’est quand même le geste cinématographique. Notre vocation n’est pas de proposer un panorama international. Il y certains directeurs artistiques qui ont pensé la sélection plus dans ce sens mais pas moi.

Quelle place réservez-vous aux jeunes cinéastes dans la programmation mais également dans les sections et les activités parallèles ?
Au niveau de la programmation Locarno a une section (Cinéastes du présent) intégralement dédiée aux premiers gestes (premiers, deuxièmes et troisièmes films). C’est l’endroit où on retrouve aussi des propositions très radicale, nouvelles, libres mais comme tout le reste de la programmation c’est très mélangé, très éclectique.

L’autre question importante pour nous est celle de la jeunesse en tant que public. Dans ce cas, c’est plus un travail de recherche du public. Je pense que du côté de la programmation on se refuse complètement à considérer qu’un film doit être choisi parce qu’il pourrait plaire à un public jeune, je n’y crois pas du tout.

Je travaille avec des sélectionneurs assez jeunes, notamment le comité de sélections des courts métrages qui est piloté par Charlotte Corchète qui a seulement 26 ans. Dans ce sens, il y a aussi une adéquation générationnelle entre les personnes qui choisissent les films et le public qu’on vise. Il s’agit aussi de la manière dont on va raconter et organiser la programmation, par exemple en éditorialisant les deuxièmes parties de soirée de la Piazza Grande. Ils s’appelleront désormais Crazy Midnight. On fait ça pour toucher un public jeune dont on pense qu’il est susceptible d’avoir envie d’aller voir un film à minuit. C’est une façon assez ludique de nommer les choses, de leur indiquer que c’est pour et ouvert à eux. Ensuite, très concrètement, il y a ce magnifique projet proposé par un des collaborateurs de longue date du festival, Stefano Knuchel, qui s’occupe aussi de la Filmmakers Academy, qui est le BaseCamp. La ville de Losone, à côté de Locarno, a mis à disposition du festival une ancienne caserne militaire gigantesque dans laquelle on a installé 200 lits, ce qui nous permets d’accueillir environ 270 jeunes sur toute la durée du festival pour un prix symbolique de 100 chf, accréditation comprise. C’est une action très pragmatique pour donner accès au festival à un public jeune qui n’a pas forcément beaucoup de moyens.

Est-ce qu’on peut parler d’un renouveau pour ce qui est du cinéma suisse ?
Pour ce qui est des jeunes cinéastes suisses c’est flagrant. En Compétition internationale on retrouve Basil Da Cunha, un nom bien connu de la cinéphilie internationale parce que son premier long est passé à la Quinzaine des réalisateurs il y a quelques années. Son deuxième long, O fim do mundo [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Basil Da Cunha
fiche film
]
, est très attendu. Ensuite, pour ouvrir la compétition Cinéastes du présent il y a un film remarquable d’une jeune cinéaste Klaudia Reynicke, soutenu par la Ticino Film Commission, qui s’appelle Love Me Tender. C’est un film extrêmement libre et osé, avec un magnifique geste de cinéaste et avec un personnage principale féminin qui tient le film sur ses épaules. C’est vraiment la découverte d’une comédienne. Il y a aussi le dernier film de Maya Kosa e Sergio da Costa, des cinéastes habitués des festivals depuis leur premier court et qui ont eu leur premier long au Forum de Berlin. On est très contents de montrer leur deuxième long L’île aux oiseaux. C’est vraiment un renouveau générationnel je trouve.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy