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CANNES 2019 Séances spéciales

Werner Herzog • Réalisateur de Family Romance LLC

"Je voulais revenir au temps d'Aguirre, la colère de Dieu"

par 

- CANNES 2019 : Nous avons rencontré le cinéaste allemand Werner Herzog pour parler de son incursion dans la réalité alternative japonaise : Family Romance LLC

Werner Herzog  • Réalisateur de Family Romance LLC

Pour faire Family Romance LLC, projeté au Festival de Cannes dans le cadre des Séances spéciales, le cinéaste Werner Herzog est parti au Japon afin d'y enquêter sur une société qui se spécialise dans la location d’acteurs pour satisfaire différents besoins émotionnels des gens, qu'il s'agisse de jouer le père absent de quelqu’un ou un employé de gare qui se fait gronder pour avoir semé la zizanie en faisant partir un train à la mauvaise heure.

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Cineuropa : Votre film m'a rappelé Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K Dick. Pensez-vous qu'on est arrivé au moment où il va falloir commencer à interroger notre réalité?
Werner Herzog :
C’est un des meilleurs titres jamais inventé. Je ne l'ai jamais lu, mais je connais très bien le contenu, car il y est fait référence dans mon film Lo and Behold: Reveries of the Connected World. Si vous êtes cinéaste et que vous ne lisez, vous n'irez nulle part. Bien que cette fois, je n’en aie pas eu le temps : j'étais tout occupé à essayer de comprendre le plan de métro de Tokyo.

Oui, nous n’avons plus une notion claire de ce qui est vrai ou pas, de ce qui est un mensonge et de ce qui est une "fake news". Toutes ces questions se posent de plus en plus intensément : nous savons que le moment arrive et tous ceux qui sont sur Facebook, par exemple, savent que c’est une représentation stylisée du soi. Tout est fabriqué, mais les émotions sont vraies et la haine authentique, qui va conduire des écoliers au suicide. Si vous me cherchez en ligne, il y a au moins trente faux Werner Herzog. Ils sont tous fabriqués, mais on ne peut pas empêcher cela, donc je dis toujours qu'ils sont mes garde du corps bénévoles. 

Certains des services fournis ici sont franchement étranges, comme celui qui permet de faire l’expérience de la mort sans mourir.
Celui-là, je l'ai inventé, mais à Tokyo il semble y avoir une tendance complètement folle parmi les jeunes gens : certains veulent faire l’expérience de la mort dans un funérarium, donc ce n’est pas si tiré par les cheveux que cela. Il y a des choses qui sont bizarres pour nous, comme le fait qu’un conducteur de train fasse partir un convoi 20 secondes avant l'heure, quand des enfants sont déjà montés et leurs parents encore sur le quai. J’ai entendu qu’il y a un an, la société de métro a dû publier toute une page d’excuses dans les journaux à cause de ça, donc j’ai développé une histoire où un des personnages principaux [Yuichi Ishii] porte le chapeau pour cet acte, alors que le vrai coupable est juste à côté de lui, parce qu'on l'a payé pour encaisser les insultes.

Rien que dans cette scène, on a du mal à distinguer vérité et fiction.
C’est un film de fiction, donc il n’y a pas ici une ligne de dialogue ou une scène qui n'ait été écrite. Je n’ai mis aucune ironie là-dedans - c’est une réalité qui n’existe que dans les films de fiction (si tant est qu'il soit même possible de parler de réalité). Quand on regarde le cinéma aujourd’hui, on a des formules de base. Rien n'est complètement nouveau : il y a toujours une scène où quelqu’un conduit une voiture ou tient une conversation à table, à un dîner. Même dans les films fantastiques, on s’attend à moitié à ce qu'un dragon passe en volant. Mais j’ai confiance, je pense que dans Family Romance LLC, il n’y a rien que vous ayez déjà pu voir ailleurs avant.

Diriez-vous que ce film vous a permis de mieux comprendre le Japon et la manière dont les Japonais traitent l'intimité ?
Pour les occidentaux, le Japon aura toujours une aura de mystère, mais le fait que je ne comprenne pas tout là-bas n’a pas de conséquences. Hier soir, un spectateur japonais est venu me voir pour me serrer la main. J’ai demandé : "Est-ce que je me suis complètement trompé ?". Il a dit : "Non, c’est bien nous". Je ne crains pas d’être à côté de la plaque ici.

Vous avez mentionné que ce film marquait un retour à vos racines, d'une certaine manière.
J’étais las d'être soumis aux consignes des compagnies d’assurance quant aux lieux où je pouvais tourner. Je voulais revenir au temps d’Aguirre, la colère de Dieu, à une manière plus simple de faire du cinéma. Dans Aguirre, j’avais besoin de gens avec moi parce que j’étais constamment en déplacement avec tous ces conquistadors espagnols, mais ici, il n’y avait presque aucune équipe. Même quand un film est bien préparé, j’aime bien laisser la porte ouverte pour que quelque chose de fou ou d'incroyable l’envahisse, comme dans Bad Lieutenant: Port of Call New Orleans, où il y a des iguanes que seul le personnage peut voir. C’est comme une conspiration entre lui et le spectateur. Dans Aguirre, on vivait sur des rafiots et on ne savait jamais ce qui se présenterait après le prochain coude de la rivière. C'eût pu être une chute d’eau ou un village hostile à ce qu’on faisait. J’aime cette attitude basique qui va avec ce retour à la grande joie de faire des films.

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(Traduit de l'anglais)

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